L’historien allemand Hans Peter Schwarz, peu suspect d’incorrection politique, membre de plusieurs cercles reconnus, professeur aux universités de Hambourg, Cologne et de Bonn et spécialiste Konrad Adenauer, laisse un ouvrage publié mois avant sa mort le 14 juin dernier, La nouvelle migration de masse vers l’Europe. A propos de la perte du contrôle politique et des certitudes morales, qui sonne comme testament et une mise en garde. Le Pr Schwarz y lance un avertissement à propos de l’inconscience de l’Europe, qui n’a pas su tirer les leçons de la crise des migrants de 2015. Pour lui, la survenue du prochain épisode de cette tragédie est une simple question de temps.
L’Europe n’est pas prête à affronter une telle répétition inévitable, elle qui a montré son impréparation il y a deux ans et qui s’obstine dans une politique dont l’échec est manifeste.
L’historien a consacré ses derniers travaux à l’analyse des statistiques relatives au flux des réfugiés, mais aussi à la politique et à la démographie, déprimée en Allemagne, « explosive » au Proche-Orient et en Afrique, pour prévoir ce qui se passera selon lui forcément.
Hans Peter Schwarz tire les leçons de la crise des migrants 2015 : limiter l’accueil en Europe
Son premier reproche : le fait que la législation européenne en la matière est totalement inadéquate face à l’arrivée de masses de demandeurs d’asile. Elle est « d’un autre temps », accuse le livre du défunt historien. « Nous ne sommes pas préparés pour cette migration », estime-t-il : les règles pour l’accueil des demandeurs d’asile ont été mises en place pour répondre à un nombre restreint de nouveaux arrivants, et ne correspondent en rien une situation où les réfugiés arrivent par des vagues massives de plusieurs milliers de demandeurs à la fois.
« Tant que l’Union européenne respectera un droit des réfugiés plein de bonnes intentions mais dépassées, toute tentative visant à protéger efficacement les frontières externes de l’UE échouera parce que celle-ci sera bridée par ses propres lois », écrit Schwarz.
Il ne fait pour lui aucun doute qu’Angela Merkel et le gouvernement fédéral allemand portent la responsabilité de la crise. « Jamais, en 65 ans d’histoire de l’Allemagne, un gouvernement fédéral n’a été à l’origine d’un tel chaos », condamne-t-il, rappelant que si l’Autriche n’avait pas pris l’initiative de fermer la route des Balkans, ce chaos se serait aggravé.
L’avertissement de l’historien : considérer l’arrivée des migrants en 2015 comme un échec
La solution ? Pour le Pr Schwarz, il faut réformer l’Union européenne et démanteler l’essentiel des accords de Schengen de manière à permettre certains contrôles aux frontières, mais également imposer des quotas pour l’accueil des migrants : non pas des quotas obligatoires d’accueil mais des quotas limitatifs.
Son livre recommande ainsi de ne jamais autoriser que le nombre de demandeurs d’asile dépasse les 1,5 % de la population d’un pays. Cela laisse de la marge, pourrait-on objecter. En 2015, la Suède a ainsi accueilli des réfugiés à hauteur de l’équivalent de 1,6 % de sa population, et l’Allemagne 1,2 % environ. Mais si 2015 a été une année particulièrement riche en nouvelles arrivées, il ne faut pas oublier qu’elles s’ajoutaient de manière spectaculaire à un flux déjà élevé les années précédentes, et que de nouveaux demandeurs d’asile continuent d’affluer, fût-ce à un régime moindre.
Faute de réformes, l’historien né en 1934 s’attendait à ce que son pays reçoive de nouvelles vagues de migrants.
Hans Peter Schwarz laisse un testament lucide
La prévision n’a rien d’irréaliste. Breitbart observe que si la route des Balkans a été assez largement sécurisée, d’autres voies se sont ouvertes, notamment via l’Italie et l’Espagne : objectif, le Nord. Le président du Parlement européen Antonio Tajani avertissait en mars que faute de régler les graves problèmes de l’Afrique, l’Europe pourrait voir arriver 10, 20 voire 30 millions de migrants depuis le continent noir, cherchant à échapper à la faim, à la désertification, à la persécution islamiste, et ce au cours des 10 années à venir. Il précisait en passant que la Chine est certes massivement présente en Afrique mais que la « stabilité ne l’intéresse pas » : « L’Afrique risque aujourd’hui de devenir une colonie chinoise, mais les Chinois n’y cherchent que les matières premières. » Et de la création de « villes de réfugiés » provisoires, avec hôpitaux et écoles. Aux frais de qui ?
Un rapport officiel allemand fuité à la presse propose une prévision plus « modeste » qui envisage tout de même l’arrivée de quelque 6,6 millions de migrants par la mer depuis l’Afrique du Nord, la Jordanie et la Turquie au cours des années à venir.