Réécrire la Bible : Harari campe la religion de demain, made by IA

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Que ne fait pas l’IA ? Ou plutôt que ne voudrait-on qu’elle ne fasse pas ? Là est la question… L’historien-philosophe transhumaniste Yuval Noah Harari a proposé une nouvelle fonctionnalité de l’Intelligence Artificielle : réécrire la Bible et créer ainsi une religion mondiale « correcte », traduisez inclusive, globale, mondialiste. Une Post-Religion, aurait dit Philippe Muray, qui serait reconnue comme non-humaine par tous et donc acceptable, adoptable, adorable par tous. Finies les discordes !

Petite précision : Yuval Noah Harari est aussi conseiller principal du Forum économique mondial (Davos). Rien que son livre Sapiens, publié il y a près de dix ans, s’est écoulé à plus de 10 millions d’exemplaires : c’est dire son potentiel d’influence.

 

« L’avenir de l’humanité » pour Harari : solve et coagula

C’était lors d’un entretien avec le journaliste luso-américain Pedro Pinto le mois dernier à Lisbonne, au Portugal, lors d’un événement sur l’avenir de l’humanité.

« Tout au long de l’histoire, les religions ont rêvé d’avoir un livre écrit par une intelligence surhumaine, une entité non humaine », a-t-il déclaré. « Dans quelques années, il y aura peut-être des religions qui seront réellement correctes. Pensez à une religion dont le livre sacré est écrit par une IA. Cela pourrait être une réalité dans quelques années ».

« Ont rêvé »… Les hommes ont toujours cherché à combler leur aspirations transcendantales, ils se sont donc, de tout temps, selon Harari, occupés à créer, fabriquer, raconter des mythes, en soutenant qu’ils venaient d’ailleurs. Et chaque religion défend la vérité de son récit fondateur, alors il n’y a de vérité nulle part et surtout pas d’« homme dans le ciel », comme Harari appelle Dieu… C’est l’idée.

« Gutenberg a imprimé la Bible au milieu du XVe siècle. L’imprimerie a imprimé autant d’exemplaires de la Bible que Gutenberg l’a demandé. Mais cela n’a pas créé la moindre nouvelle page. Il n’avait aucune idée sur la Bible : est-elle bonne ? Est-elle mauvaise ? Comment interpréter ceci ? Comment interpréter cela ? L’IA peut créer de nouvelles idées. Elle peut même écrire une nouvelle Bible. »

D’une manière globale, pour Harari, la Religion rejoint les autres espaces de croyances humaines, comme la finance, l’économie, la nation… toutes ces convictions qui selon lui ont alimenté la domination de l’humanité sur la Terre. L’IA est à même de renverser tout ça, de remodeler et de reproposer, selon la vieille loi alchimique solve et coagula, car « c’est la première technologie de l’histoire à créer des histoires ». Seulement, ce faisant, c’est une nouvelle idole qu’il installerait sur le trône de l’hubris humaine. Un nouveau dieu à l’imitation du vrai Dieu, porte ouverte idéale pour celui qui lui fait face du fond des Enfers…

 

Refonder la Bible, mais pas seulement

Le nihiliste athée qu’est Yuval Noah Harari est, depuis longtemps, en première ligne pour attaquer les principes fondamentaux du christianisme. Juif athée homosexuel de 47 ans, il enseigne à l’Université hébraïque de Jérusalem, tout en étant l’un des plus proches confidents de Klaus Schwab. Il mêle l’histoire, la philosophie et la biologie dans ses réflexions sur ce qu’il considère comme les défis mondiaux les plus importants aujourd’hui : la rupture technologique, l’effondrement écologique, la menace nucléaire et tutti quanti. Ses cinq livres en sont la meilleure vitrine, ainsi que Sapienship, son entreprise à impact social avec des projets dans les domaines du divertissement et de l’éducation.

A noter que Sapienship a été fondée avec celui qu’il appelle son « mari ». L’homosexualité est aussi, on ne s’en étonnera pas, une base importante de sa réflexion : « Tout ce qui existe est par définition naturel. (…) En vérité, nos concepts de “naturel” et “non-naturel” ne sont pas tirés de la biologie ; ils sont tirés de la théologie chrétienne. (…) L’idée que le sexe n’existe qu’à des fins de procréation est un non-sens complet inventé par les prêtres et les rabbins. »

C’est encore une fois l’idée que tout a été inventé par l’homme : « Nous dirigeons le monde parce que nous sommes le seul animal qui peut croire en des choses qui n’existent que dans notre propre imagination, comme les dieux, les États, l’argent et les droits de l’homme. (…) Avec l’aide de nouvelles technologies, dans quelques siècles, voire quelques décennies, Sapiens se transformera en des êtres complètement différents, bénéficiant de qualités et de capacités divines. »

Ce dernier mot est important : le livre qu’Harari publia après Sapiens s’intitule Homo Deus. Le rêve caressé un instant par Adam et Eve est porté plus que jamais par ces tenants du transhumanisme le plus agressif, le plus violent, car couplé aux ambitions globalistes : l’ouvrage explore « comment le pouvoir mondial pourrait changer, alors que la principale force de l’évolution – la sélection naturelle – est remplacée par une conception intelligente ».

 

La nouvelle religion de l’IA

Il y a quelque chose de paradoxal chez Harari. A la fois, il dénonce et fait exploser « les âmes mystérieuses » des hommes, en les réduisant à « des animaux piratables » (sic). A la fois, tel le serpent de la Bible en laquelle il ne croit pas, il lui promet sa prochaine divinité : « L’Histoire commença quand les humains inventèrent les dieux et se terminera quand les humains deviendront des dieux. » L’ambiguïté est parfaitement démoniaque. Avec l’IA, ils auront embrassé le plus grand esclavage : la soumission à une entité autocréatrice de sens et totalement distincte et donc négatrice du réel.

Paradoxal, aussi, en ce qu’il n’arrête pas d’avertir des dangers de cette IA qui a pourtant, pour lui, les yeux de Chimène. Il a encore ajouté son nom, en mars dernier, à une lettre signée par des milliers d’experts, dont Elon Musk, appelant à un moratoire sur la recherche de logiciels comme Chat GPT.

« Nous devons comprendre que l’IA est la première technologie de l’histoire capable de prendre des décisions par elle-même. Elle peut décider de sa propre utilisation. Elle peut également prendre des décisions sur vous et moi. Ce n’est pas une prévision future. Cela se produit déjà. » Il a répété, peut-on lire dans The Telegraph, que « les conséquences pourraient être bien plus désastreuses » : « C’est une chose à laquelle je ne sais pas si l’humanité peut survivre ».

Mais c’est pourtant leur Graal à tous (l’IA était un des grands sujets de la réunion du Bilderberg de cette année). Dans une interview d’avril avec Tucker Carlson, le magnat de la technologie Elon Musk a révélé qu’un soir, le co-fondateur de Google, Larry Page, dont il était alors un ami proche, lui avait campé cette « super-intelligence numérique, essentiellement un dieu numérique ».

Oui, on crée bien un autre dieu.

 

Clémentine Jallais