L’immigration au Royaume-Uni sous-estimée d’au moins un million ?

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Keith Vaz, travailliste et président du comité parlementaire des Affaires intérieures, salue le Roumain Victor Spirescu, devenu le symbole du « travailleur migrant de l’Est ».

 
Le système de comptage britannique du nombre d’immigrés, qui s’appuie sur un modèle initialement prévu pour le tourisme, aurait largement sous-estimé le nombre de personnes en provenance de l’UE. Il y aurait en effet une différence de plus de 1,2 million entre les chiffres donnés par l’ONS (Office for National Statistics) et le nombre de numéros de sécurité sociale attribués aux personnes arrivées pour travailler au Royaume-Uni en provenance de l’UE ces cinq dernières années.
 
Selon l’ONS, depuis juillet 2010, un peu moins d’un million de migrants venant de l’UE sont arrivés en Grande-Bretagne… mais pour la même période, ce sont 2,2 millions de numéros de sécurité sociale qui ont été attribués. Et l’écart entre les deux nombres n’a cessé de se creuser. Les conséquences politiques à cela pourraient être importantes, à un mois seulement du referendum sur le Brexit…
 

« Erreurs statistiques » ou tour de passe-passe : il manque un million d’immigrés dans les chiffres

 
Le Gouvernement a promis depuis longtemps de réduire nettement l’immigration. En mars, l’Autorité de la Statistique au Royaume-Uni a écrit à l’ONS pour souligner combien il est important de disposer de statistiques fiables. Dans sa lettre, Ed Humpherson, directeur général de l’Autorité, a prévenu que, sans explication crédible, « il y a un risque significatif (…) de saper la confiance publique dans les estimations officielles du nombre d’immigrés ».
 
Nigel Farage, leader de l’UKIP, y voit une preuve de plus des mensonges publics sur le dossier : « C’est un tour de passe-passe. [Les chiffres de l’assurance maladie] sont le miroir réel des statistiques des gens dans ce pays, car ils sont nécessaires pour pouvoir travailler ou demander des aides. »
 
L’incohérence des chiffres pourrait aussi avoir des conséquences sur les services publics : les services de l’Etat tiennent souvent compte des chiffres de la population pour approuver des plans ou décider du nombre de places dans les écoles, par exemple. Pour le Pr David Coleman de l’université d’Oxford, co-fondateur de Migration Watch UK, la fiabilité des statistiques importerait peu si les chiffres de l’immigration étaient bas, mais « quand l’immigration est le principal facteur du changement de population, cela compte beaucoup ».
 

L’immigration sous-estimée au Royaume-Uni : une bombe politique

 
La principale raison invoquée pour expliquer ces différences de chiffres est que l’ONS ne comptabilise que les migrations à long terme : les gens qui séjournent au moins un an en Grande-Bretagne. Les travailleurs saisonniers, qui obtiennent comme eux un numéro de sécurité sociale, ne seraient donc pas comptabilisés.
 
Mais cela n’explique pas, en revanche, pourquoi la différence entre les chiffres s’accroît… Selon Jonathan Portes, du National Institute of Economic and Social Research, cela pourrait venir du fait qu’avec la nouvelle immigration, il devient difficile de savoir si les gens viennent pour peu de temps ou pour rester. Beaucoup ont ainsi pu ne pas être comptabilisés. Et, par ailleurs, lorsque quelqu’un arrive d’un pays de l’UE, il n’a pas besoin de visa, et donc n’a pas de justification à donner quant au fait de savoir s’il vient pour travailler ou non en Grande-Bretagne.
 

Patrick Neuville