L’intelligence artificielle (AI)
signera-t-elle la fin des prisons ?

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Le pire ennemi des gardiens de prison n’est pas un criminel : c’est un universitaire australien qui travaille actuellement sur un concept de prison virtuelle qui les rendrait carrément obsolètes. Dan Hunter est le doyen de la faculté de droit de Swinburne University à Melbourne, où il dirige une équipe chargée du « Technological Incarceration Project » – un système d’incarcération dirigée par internet et mis en œuvre au moyen de capteurs de haute technologie et d’algorithmes d’intelligence artificielle (AI).
 
L’idée est simple : en finir avec la privation de liberté matérielle et les coûteux systèmes pénitentiaires nécessaires à l’emprisonnement des criminels, pour les remplacer par une « détention à domicile » d’un nouveau type qui laisse les prisonniers seuls avec une surveillance de leurs moindres mouvements.
 

L’intelligence artificielle transformée en gardien de prison

 
Ce sont les nouvelles technologies – capteurs électroniques légers couplés avec l’intelligence artificielle et les algorithmes d’apprentissage automatique – qui permettent d’envisager cette solution qui promet d’être peu onéreuse. Obtenir un même degré de surveillance « de chaque interaction » en mobilisant des êtres humains représenterait un coût prohibitif, explique Dan Hunter. Son projet travaille sur des techniques et des équipements qui existent déjà ou sont à tout le moins en phase de développement, laissant espérer une utilisation concrète dans un avenir prévisible.
 
La surveillance électronique nouvelle manière envisagée par l’équipe de Swinburne consisterait à équiper les prisonniers d’un bracelet de poignet ou de cheville capable de délivrer un choc électrique capable de les « neutraliser » en cas de détection, par les algorithmes d’AI, d’un prochain passage à l’acte criminel. Le tout au moyen d’un ensemble d’analyses biométriques de la voix et du visage, entre autres.
 

L’AI pour anticiper les passages à l’acte des criminels

 
Dan Hunter n’y voit que des avantages : le criminel condamné supporterait lui-même le coût de sa propre surveillance (ou sinon lui, ses proches), et ne courrait pas le risque de rencontrer d’autres criminels – avec les risques associés de récidives aggravées – puisqu’il serait au calme chez lui. Deux objectifs de l’incarcération traditionnelle seraient atteints, souligne l’universitaire : assurer la protection de la société tout en améliorant les chances de réhabilitation des criminels et des délinquants.
 
Quant à la dimension punitive – la privation de la liberté matérielle – elle disparaîtrait purement et simplement. Notre XXIe siècle n’aime pas les hiérarchies, les peines, les sanctions. Il pousse à l’extrême le traitement « social », tout en devenant en réalité de plus en plus violent.
 

L’intelligence artificielle pour une surveillance sans fin

 
Le projet pose cette question-là, et quelques autres, à commencer par celle-ci : quelle serait la fiabilité de la détection de nouveau passage à l’acte chez le « prisonnier à domicile » ? S’en remettre pour tout à l’intelligence artificielle, c’est nier la dimension humaine de la psychologie et des relations entre personnes et c’est un problème en soi.
 
Mais surtout, la surveillance à 100 % au moyen de machines supposées infaillibles représente un poids psychologique sans doute beaucoup plus lourd que la surveillance humaine.
 
Supposée « légère », bon marché, facile à mettre en œuvre, on peut en outre craindre qu’elle ne soit utilisée demain non seulement pour surveiller des délinquants et des criminels condamnés, mais aussi des dissidents et des opposants dans les sociétés les plus avancées sur la voie de la tyrannie. Puis les enfants seuls, les personnes âgées, les débiles légers et les malades mentaux. Et enfin chacun d’entre nous, à qui la machine pourra « suggérer » des comportements « mieux adaptés ». Une surveillance sans échappatoire ?
 

Anne Dolhein