DOCUMENTAIRE/SCIENCE-FICTION Jodorowsky’s Dune ♥


 
Jodorowsky’s Dune est un documentaire consacré à un film de science-fiction de 1975-1976 qui n’a jamais existé. Il a été minutieusement préparé, mais jamais tourné faute de financement. Il s’agit donc, comme l’indique le titre explicite, de la tentative d’adaptation au cinéma du célèbre roman de science-fiction Dune de Frank Herbert, par le réalisateur chilien, alors célèbre et aujourd’hui largement oublié, Jodorowsky. Ce sujet relativement pointu s’adresse surtout à un public de cinéphiles, ou d’amateurs de science-fiction. Le film est construit autour des témoignages des nombreux intervenants sollicités dans la préparation de ce Jodorowsky’s Dune, pour la plupart fort vieillis quarante ans plus tard, et sur les images nombreuses de préparation du film. Dune est une planète désertique mais essentielle dans une galaxie peuplée d’être humains, car unique productrice d’une épice vitale, synthétisée par la curieuse et dangereuse faune locale de vers des sables géants ; Dune est donc l’enjeu de luttes politiques complexes. Frank Herbert a su créer un univers particulier, qui intéresse son lecteur, du moins dans les premiers volumes de son interminable saga ; si les logiques politiques ou géopolitiques de cette galaxie imaginaire, qui ont largement fait le succès de l’œuvre, constituent une authentique curiosité, le lecteur chrétien n’appréciera pas forcément la mystique bizarre mêlant syncrétisme de toutes les traditions religieuses humaines, avec un arrière-fond sceptique confinant, estiment certains, à un athéisme implicite.
 

Jodorowsky’s Dune rappelle que le cinéma n’est pas une entreprise purement artistique

 
Le propos du film consiste à déplorer l’échec de cette tentative de Jodorowsky. Elle aurait été plus réussie, ce qui est possible, que l’adaptation réalisée par David Lynch une décennie plus tard (1984), et très discutée ; mais celle-ci mériterait peut-être un peu mieux que la moquerie jalouse et peu élégante de Jodorowsky. Nous signalerons une adaptation en feuilleton (dit en franglais « minisérie »), réalisée par John Harrison, datant de 2000, et qui curieusement n’est pas même citée dans ce documentaire.
 
Pourquoi cet échec de Jodorowsky et son équipe ? Si le travail de tous est indéniable, faut-il incriminer une frilosité particulière des grands studios ? Sans doute n’est-ce pas le cas, car plus le spectateur découvre Jodorowsky, plus il devient évident que ce personnage absolument extravagant, à la mystique bizarre, illustrée dans des films-manifestes totalement absurdes et à la réputation surfaite, est ingérable, et lui-même incapable de tenir des limites de budgets, et probablement des délais. Confier 5 à 15 milliards de dollars de l’époque à un tel homme aurait fait douter du bon sens du directeur de studio qui aurait risqué un tel acte. On peut en effet estimer qu’il n’aurait jamais fini son œuvre, ou alors avec des dépassements de budgets et de délais considérables. Le cinéma n’est pas hélas une entreprise purement artistique. Il restera donc un regret aux amateurs de science-fiction, qui ne verront jamais ce Jodorowsky’s Dune.
 

Hector Jovien