Le double
Cinéma ♥♥♥ Drame

le double
 
Le double est présenté comme une adaptation d’une nouvelle de Dostoïevski, le génial romancier russe. On ne niera pas l’inspiration lointaine, perceptible, tout comme celle de Kafka, peut-être plus évidente en fait. Surtout, l’œuvre cinématographique possède sa vie propre, en usant de toutes les ressources du langage du 7ème Art. Le réalisateur Richard Ayoade témoigne d’une totale maîtrise de son métier, pour le meilleur. Les vingt premières minutes, d’exposition, frôlent le chef-d’œuvre en multipliant les jeux sur les plans, les cadrages, les profondeurs, les luminosités, les mouvements d’acteurs et de caméras, tout en plongeant d’emblée dans une atmosphère très particulière d’Europe de l’Est des années 1980. L’évidence de l’absurdité du travail accompli, les procédés arbitraires, un mélange singulier de technologies, qui font forcément aujourd’hui datées, et d’archaïsmes, reconstruisent un univers à la fois déshumanisé et absurde… Et qui, à quelques licences artistiques près, a existé, ce qui fait frémir.

Le double, c’est la déshumanisation par le socialisme

Ce monde inhumain détruit les hommes, et en pousse beaucoup au suicide, ce qui recoupe hélas une réalité sociologique passée encore. Quelques scènes comiques détendent heureusement l’atmosphère, comme celles renvoyant à la disponibilité des articles proposés ou le sens du service, avec l’amabilité, des serveurs des Pays de l’Est d’il y a trente ans. Le Parisien est certes moins surpris qu’un Américain, car notre pays est hélas toujours socialiste. Dans le Double, il faut saluer la prestation exception de Jesse Eisenberg, qui interprète l’antihéros consciencieux et malheureux de l’intrigue, tout comme son double cynique et parasitaire, avec une sobriété juste, exemplaire. Les rôles secondaires jouent aussi très correctement leur partition, et sont interprétés par des acteurs justement renommés, comme Mia Wasikowska. Bien entendu, les critiques désinformateurs hurlent à l’académisme. C’est précisément pourquoi il faut voir Le Double, qui offre une véritable leçon de cinéma, à tous les niveaux.