Reinformation.tv a relevé hier l’ahurissant hommage rendu par le président de la République au communisme international. Le plus surprenant, le plus inquiétant pour la liberté, pour la pensée, fut le silence admiratif des grands médias, même d’opposition, et de la classe politique, devant cette folle provocation. Le pire fut sans doute, sous ce rapport, l’aval donné à la chose par l’héritière du seul parti demeuré explicitement anti-communiste, Marine Le Pen. On se rappelle peut-être que l’aventure électorale de son père, Jean-Marie Le Pen, avait commencé voilà quarante ans presque jour pour jour quand il avait imposé une minute de silence à la mémoire des victimes du communisme à la grande émission politique de l’époque, L’Heure de Vérité. Sa fille héritière est passée d’une critique véhémente – et fondée – à l’alignement sur le reste de la classe politique. A cela se mesure l’effondrement de l’esprit public.
Mélenchon « jubile » et critique Le Pen
Jean-Luc Mélenchon n’a pas caché sa « secrète jubilation » à voir Marine Le Pen insister pour assister à la panthéonisation de Missak Manouchian. Et d’expliquer : « Enfin, tant d’années après, c’est capitulation sans condition. L’extrême droite vient rendre hommage à la résistance communiste alors qu’ils l’ont tant décriée. A la fin, ce sont les résistants communistes qui ont le dernier mot, y compris du point de vue moral aujourd’hui. » Bien évidemment, bien des nationalistes lui donneront raison. Les anciens, qui ont connu les années de plomb de l’Union soviétique, l’Europe de l’Est sous le joug, le marxisme triomphant dans les universités françaises, de l’union de la gauche, de la pensée écrasante se pavanant du Monde au Nouvel Obs’, avaient senti passer un vent de fraîcheur quand Le Pen s’était levé sous les yeux de ses interrogateurs médusés pour faire une minute de silence à la mémoire de ceux de Katyn, du Goulag, du Camp numéro Un, de Budapest et d’ailleurs. La mémoire et l’histoire, pour une fois, n’étaient pas à sens unique.
Alignement sur le communisme : Louis XI à Péronne ?
Quarante ans après, non contente de faire l’éloge de feu Robert Badinter, Marine Le Pen a donc choisi l’alignement sur un système qui choisit officiellement d’inclure le communisme dans l’axe du Bien. Son père l’envoyait baller, elle s’y est soumise. Le système, lui aussi, a changé : en 1984, Virieu et les trois interrogateurs de Le Pen, Alain Duhamel, Albert du Roy, Jean-Claude Servan-Schreiber, considéraient que « l’extrême droite » ne faisait pas partie de « l’arc constitutionnel », comme disent les Italiens, alors que le parti communiste, lui, en était, mais certains traitaient le communisme avec une cuiller (en argent) un peu longue. Les chars rouges faisaient encore peur. Nul président n’aurait eu le front, ni même l’idée, d’oser les dithyrambes lancés par Emmanuel Macron. Ceci explique peut-être cela : il est nécessaire d’évaluer la situation politique pour comprendre le revirement de Marine Le Pen. On peut l’attribuer à la sottise et à la lâcheté, penser qu’elle n’a pas pris la mesure du communisme et qu’elle espère naïvement se faire bien voir du système. On peut aussi lui prêter le désir de parvenir au pouvoir pour agir, et la regarder comme Louis XI à l’entrevue de Péronne : dans ce cas, le courage consiste à sourire courtoisement à Charles le Téméraire qui vient d’écraser les Liégeois alliés de la France. Dans un cas comme dans l’autre, la politique n’est pas un exercice qui rend fier tous les jours.