Macron à Marseille : la comédie de l’Etat fort

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Le chef de l’Etat s’est déplacé à Marseille mardi dernier pour l’opération « place nette XXL » censée nettoyer les Bouches-du-Rhône du trafic de drogue qui y règne. S’il est encore trop tôt pour évaluer cet effort particulier demandé par Emmanuel Macron aux forces de l’ordre (900 policiers, gendarmes et douaniers seront mobilisés en permanence pendant plusieurs semaines, et 98 interpellations ont eu lieu le premier jour), deux choses sont à noter en ce début d’opération. D’abord, les personnes arrêtées étaient « bien connues » des services, ce qui pose une question : si tout le monde savait, pourquoi rien n’avait-il été fait jusqu’ici ? Ensuite, les caïds interrogés en prison ne paraissent pas impressionnés, ni même gênés, par les moyens et les méthodes mises en œuvre et semblent même s’amuser de cette comédie.

 

Macron à Marseille : le carabinier d’Offenbach

Emmanuel Macron a été formel et solennel, parlant « d’investissement solennel de la nation auprès des Marseillais » contre des « criminels très dangereux et des gens qui nourrissaient la délinquance marseillaise ». Les commentateurs et les services de police de leur côté ont rappelé que dealers, points de vente et réseaux sont répertoriés de longue date. Pourquoi, dans ce cas, avoir tant tardé ? Un film comme BAC nord a montré l’exaspération déjà ancienne des policiers et des populations. Alors ? Alors depuis vingt ans l’Etat croit acheter la paix civile en sous-traitant l’ordre dans les banlieues aux trafiquants de drogue (l’affaire d’Air Cocaïne en 2013 et l’exfiltration des pilotes arrêtés pour trafic en République dominicaine entrait dans ce « deal » mortifère). Il s’est enfin rendu compte, avec la multiplication des règlements de compte à l’arme de guerre d’une part, les rixes entre bandes et les émeutes de banlieues de l’autre, que sa politique, loin de garantir la paix civile, préparait une future guerre civile et lui donnait des moyens.

 

Les chefs narco rient de la Comédie de l’Etat

D’où ce coup de poing sur la table. Mais un coup de poing pour la galerie, un coup de poing pour l’instant inefficace, si l’on en croit les principaux intéressés, les trafiquants de drogue. L’un d’entre eux, condamné à une lourde peine à Marseille a été interrogé via un smartphone qu’il a conservé. 98 arrestations, moins de 10 kilos de cannabis, « ça nous fait rire ». C’est une comédie donnée « pour les médias, pour montrer que [les forces de l’ordre] sont présentes, qu’elles font leur travail », mais « ça ne change pas grand-chose ». Il évalue sa perte, au pire, à « 30.000 euros par jour, sept fois trois : l’équivalent de 200.000 ou 300.000 euros la semaine ». Une goutte d’eau par rapport à ce que rapporte le trafic : « C’est énormément d’argent qui rentre. Des sommes dont vous ne vous rendez même pas compte. » Quant à lui, il continue de faire son « métier » en prison : « On continue depuis la prison, on est entre nous, on s’élargit, on se développe, on a plus de contacts, il y a plus d’argent qui se génère et il y a plus de consommateurs. » Les dix opérations « place nette XXL », c’est de la politique, pour l’image de Macron, une mauvaise comédie pour donner à croire qu’un Etat fort protège les Français.

 

Pauline Mille