Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) le clame haut et fort, ainsi que les organisations caritatives telles la National Society for the Prevention of Cruelty to Children (NSPCC) : les réseaux sociaux alimentent une épidémie de plus en plus grave parmi les enfants. Cette nouvelle maladie mentale moderne de la dépendance n’est pas aisée à guérir et surtout peu la prennent pour ce qu’elle est vraiment : une addiction profonde, qui lorsqu’elle est lourde, laisse de larges séquelles à l’âge adulte.
Les grandes entreprises technologiques préfèrent encore visiblement se mobiliser contre les fake news. Difficile de lutter contre ce qui fait l’essence de leur pouvoir, à savoir l’irréfragable effet du partage, où fleurissent narcissisme et voyeurisme…
Une épidémie de problème de santé mentale pour nos jeunes
C’est le directeur général du NHS qui l’a déclaré, lors d’une conférence à Manchester, les enfants britanniques sont frappés par une « épidémie de maladie mentale ». Et le système de la santé publique britannique recolle de plus en plus péniblement les morceaux … Il a accusé les réseaux sociaux et exhorté les entreprises comme Google et Facebook à assumer une plus grande responsabilité face aux enfants.
La NSPCC et la campagne Duty of Care du Daily Telegraph viennent de publier une liste de 14 sites, applications et jeux où les enfants sont les plus susceptibles de voir des contenus inappropriés tels que violence, haine, sexe, suicide, automutilation, intimidation, drogues, alcool ou activités illégales – sur la base de critiques de 2 000 enfants et 2 000 parents.
Le trio de tête, où les enfants de 11 à 18 ans sont le plus susceptibles de voir ces images, est formé par le faussement consensuel Facebook, le très divertissant YouTube et le terriblement addictif jeu de tir en ligne Grand Theft Auto San Andreas (interdit aux moins de 17 ans aux États-Unis) où la fonction multi-joueurs fait des ravages.
Ultra violence, pornographie et drogues sont les composants nocifs majeurs de ces trois grandes plate-formes – il faut le savoir.
Médias sociaux et jeux en ligne : Facebook, YouTube et Grand Theft Auto San Andreas, les moins anodins…
Un tiers des enfants âgés de 11 à 18 ans ont été exposés à du matériel autodestructeur ou suicidaire sur Facebook, toujours selon la NSPCC – c’est la même proportion sur YouTube. Quant à la violence, c’est davantage. Même le sexe explicite est relativement accessible, y compris par les plus jeunes. Et le harcèlement, la cyberintimidation sont aussi des motifs de crainte – 37 % en ont été victimes sur YouTube, 58 % sur Facebook : dans les deux cas, les paramètres de confidentialité y sont « difficiles d’accès » et exposent les mineurs aux prédateurs ou aux comparses malveillants.
Grand Theft Auto San Andreas remporte la triste palme dans plusieurs domaines, des drogues à la violence, en passant par le sexe et le suicide. « C’est dangereux pour les enfants parce que cela peut les amener à être violents », déclarait un garçon de 15 ans, amateur.
Et, pourtant, où sont les réglementations, se demande la NSPCC ? « Au cours de la dernière décennie, les géants des médias sociaux ont réussi à faire ce qu’ils veulent en matière de protection de l’enfance. Il n’ont pas d’obligation légale d’agir ». Et les enfants ses désensibilisent peu à peu à des contenus extrêmes… Ils ont peut-être, les uns et les autres, affiché de sincères (?) résolutions. Mais c’est loin, très loin d’être assez – et puis l’argent n’a pas d’odeur.
« Il y a un facteur de risque beaucoup plus grand pour les enfants [accros] parce que leur cerveau est flexible »
Comme il n’en a pas pour les producteurs de ces jeux vidéo en ligne qui s’assurent leur jeune, très jeune public. Pourtant, la science fait découvrir peu à peu les séquelles que pourraient avoir à subir cette génération d’« addicts ». Une série d’études menées par la California State University viennent de révéler par des IRM à quel point ces jeux vidéo ainsi que l’usage lourd des médias sociaux pouvaient modifier le cerveau des enfants, de la même manière que la toxicomanie ou l’alcoolisme…
La partie impulsive du cerveau se montre en effet, non seulement plus sensible mais aussi plus petite chez les utilisateurs excessifs, parce que plus rapide : le « système de récompense » est accéléré. Dans le cas des utilisateurs excessifs des médias sociaux, la partie du cerveau responsable du « contrôle de soi » n’est heureusement visiblement pas autant affectée que chez les drogués par exemple – par contre, elle l’est chez les utilisateurs lourds de jeux vidéo.
Seulement, cette modification de la partie impulsive du cerveau fait craindre qu’un usage excessif puisse changer les systèmes de récompense du cerveau des enfants à long terme, les rendant plus susceptibles aux autres dépendances plus tard dans la vie. Il y a un lien, selon l’étude, entre les utilisateurs de jeux vidéo lourds âgés de 13 à 15 ans et une probabilité accrue d’abuser d’au moins une drogue parmi une quinzaine, de la cocaïne aux amphétamines. En sus, ces enfants auront développé leur système de récompense avant celui du contrôle de soi, ce qui les prédispose aux comportements impulsifs et risqués.
L’addiction, on peut la voir chez cette enfant de 9 ans qui a préféré se mouiller (et le rester) devant l’écran, plutôt que de le quitter pour aller aux toilettes. Actuellement en désintoxication, elle pouvait jouer à Fortnite jusqu’à dix heures par jour… Où sont les parents, vous direz-vous ? Désinvestis ? Dépassés ? Un peu des deux. Il faut dire que, parfois, tous les espaces de vie de leur enfant sont contaminés – et ça, c’est aussi la société qui le permet.