Migrants en Allemagne : l’essor du travail au noir

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Alors, travaillent-ils ou ne travaillent-ils pas ? De nombreux articles dans la presse allemande ces derniers mois ont souligné le fait que la plupart des migrants n’étaient pas au travail. Les programmes d’embauche, les promesses de sang neuf apporté par cette population en âge de travailler à un pays démographiquement exsangue étaient restés lettre morte. Mais voici que la radio de service public NDR vient de signaler que de nombreux migrants travaillent aujourd’hui au noir en Allemagne, pour des salaires relevant du « dumping ». La radio avance une proportion de 30 % des 1,1 millions de migrants arrivés en 2015 officiellement répertoriés, d’après les calculs réalisés par des chercheurs des universités de Tübingen et de Linz.
 
Telle est la difficulté à avoir une vision exacte de la réalité que les services officiels d’aide aux réfugiés et les travailleurs sociaux en Basse-Saxe et à Berlin évaluent cette proportion dans ces régions à « entre 10 et 50 % ». Même en retenant l’estimation la plus basse, il semble établi qu’au moins 100.000 demandeurs d’asile en Allemagne travaillent au noir.
 

Les migrants en Allemagne peu nombreux sur le marché du travail officiel

 
Si c’est la radio d’Etat qui donne ces chiffres, ce n’est pas pour dénoncer les erreurs ou la pertinacité politiques d’Angela Merkel invitant largement les réfugiés du Proche-Orient à profiter de la générosité du gouvernement allemand, ni l’incapacité des services sociaux à gérer l’énorme afflux d’étrangers mal qualifiés. Non : il s’agit de mettre en évidence leurs mauvaises conditions de travail, la précarité dont ils souffrent et la méconnaissance de leurs droits.
 
Ce qui semble établi, c’est qu’un système bien rodé permet à des travailleurs et à des visiteurs militants des centres de réfugiés de proposer des emplois au noir, moyennant une commission à leur profit. Ainsi les réfugiés se font un peu d’argent de poche tout en bénéficiant des aides publiques qui leur assurent le gîte et le couvert, les employeurs évitent les charges et les salaires « aux normes », et au bout du compte les contribuables en supportent le poids. Cet argent de poche, soit dit en passant, sert le plus souvent à finir de payer le passeur qui les a introduits en Europe et à envoyer des fonds à la famille restée au pays. On parle bien de réfugiés économiques – et c’est l’obligation de venir en aide à leurs familles qui les pousse à accepter de travailler au noir.
 

30 % des migrants arrivés en 2015 travailleraient au noir pour des salaires de misère

 
NDR évoque ainsi le dossier d’un employé de centres d’accueil pour réfugiés : parlant l’arabe, il avait pu proposer de loger des migrants dans le centre, tout en leur procurant des petits boulots au noir, moyennant des paiements réguliers. L’une de ses victimes s’était vu proposer un travail non déclaré dans une discothèque d’Hambourg – moyennant reversement de la moitié de son salaire. Ledit réfugié a déclaré à NDR avoir décliné l’offre.
 
L’affaire n’est pas bonne non plus pour les employés allemands en situation régulière puisqu’ils se trouvent confrontés à la concurrence subite, nombreuse et faussée des travailleurs peu rémunérés, qui ne paient ni taxes et charges.
 

Anne Dolhein