Les migrants chinois traversent la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis en nombre record

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Un article glané dans la presse texane révèle ce fait étonnant : parmi les innombrables migrants qui traversent la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis – et leur nombre devrait encore augmenter avec l’expiration, jeudi, de la loi Title 42 de Donald Trump facilitant le renvoi immédiat des clandestins dans le cadre des restrictions COVID – il y a de plus en plus de chinois. On attend même des chiffres record, selon Texas Public Radio ; et c’est une tendance nouvelle qui intéresse même des grandes agences de presse comme Reuters. D’où viennent-ils ? Pourquoi ont-ils quitté la Chine ? Et, pourrait-on ajouter, faut-il s’en inquiéter ?

C’est une journaliste de Reuters qui, ayant interrogé des dizaines de ces migrants chinois dans le sud du Texas, décrit ce véritable exode comme une répercussion du COVID – non pas de la maladie, mais des confinements stricts dont Pékin a lancé la mode mondiale et qui, en Chine, ont eu pour effet de jeter dans la misère de nombreux petits entrepreneurs, qui sont surreprésentés parmi ces candidats à l’American way of life.

 

Les migrants chinois fuient le totalitarisme communiste

A quoi s’ajoute un exercice de plus en plus totalitaire du pouvoir : entre Xi Jinping qui s’est fait « élire » une troisième fois, le poids du Parti communiste chinois et le contrôle de plus en plus serré de l’économie privée, la vie est de plus en plus pesante en Chine, et beaucoup ne croient plus aux promesses de croissance et de bonheur répétées par le pouvoir.

« Beaucoup d’entre eux avaient des boutiques en ligne vendant du maquillage, des vêtements, des chaussures et des matériaux de construction. Et beaucoup de ces entreprises ont été ruinées par les confinements », explique ainsi Echo Wang, de Reuters.

La plupart de ceux qui ont décidé alors de tenter l’aventure ont suivi des parcours similaires : d’abord l’avion pour Hong Kong, avant de se rendre en Equateur qui est un des seuls pays d’Amérique du Sud où les visiteurs chinois peuvent entrer sans visa. Certains restent alors sur place ; beaucoup entreprennent un périlleux voyage qui passe par la « route » du Bouchon du Darién, cette zone de marais et de forêt à la frontière entre la Colombie et le Panama. Jusque-là, on peut prendre le car. Mais ensuite, de route, il n’y en a point : il n’y a jamais eu d’accord entre les pays pour sa construction et la zone est aux mains des trafiquants de drogue ; on passe donc « à cru » à travers la jungle tropicale et parmi ses dangers. L’an dernier, le gouvernement panaméen estimait à 1.300 le nombre de Chinois ayant réussi la traversée du Darién – entre un et trois mois de voyage –, soit plus de trois fois le total pour la décennie antérieure. Aujourd’hui, le flux augmente. La diaspora chinoise sur place aux Etats-Unis facilite l’obtention de travail sur place. Beaucoup demandent l’asile politique ou religieux.

 

Un nombre record de Chinois rejoignent les Etats-Unis en passant par le Bouchon de Darién

Mais le plus dur du voyage, confiait un de ces émigrés à la BBC en décembre dernier, restait la sortie de la Chine : au prétexte de la lutte contre le COVID, les contrôles aux frontières sont plus stricts, le trafic aérien international a chuté de 97 % en 2021 par rapport à 2019, et les passeports ne sont plus délivrés pour des « raisons non essentielles ».

Les Chinois candidats à la « fuite en courant », comme ils disent, préparent leur périple avec le plus grand soin, s’informant notamment à partir de vidéos circulant sur le Douyin, l’équivalent chinois de TikTok. Malgré la censure… Faire une recherche sur l’émigration vers les Etats-Unis pouvant s’avérer dangereux, ils utilisent des hashtags tels « voyage international » ou « trekking à travers la forêt tropicale ». Les informations glanées sont plus ou moins fiables, et on parle de comptes bloqués par les réseaux sociaux chinois lorsque les » influenceurs » offraient des détails trop précis sur la façon de rejoindre les Etats-Unis.

Mais dans un pays de surveillance aussi étroite, on imagine mal que les autorités chinoises ne soient au courant de rien. Déjà du temps de l’Union soviétique, où Big Brother devait se contenter de méthodes préhistoriques par rapport à ce qui existe aujourd’hui aussi bien pour l’identification des personnes que le suivi pas à pas de leurs moindres déplacements, dépenses et navigations sur internet, les transfuges vers l’Occident n’étaient pas nécessairement les membres de quelque Cinquième colonne, mais ils étaient répertoriés et éventuellement « tenus » par de possibles représailles du pouvoir communiste sur leurs proches.

 

Migrants chinois, toujours sous surveillance chinoise…

En va-t-il de même aujourd’hui pour ces Chinois qui fuient la désespérance communiste ? On imagine mal le contraire ; les Big Data, les algorithmes informatiques et la masse d’informations auxquelles les autorités ont accès les rendent encore plus vulnérables. Peut-être même la Chine considère-t-elle ces émigrés comme un atout, ne serait-ce que potentiel, ce qui expliquerait que la censure leur permet tout de même de s’informer sur leur voyage via l’Equateur et la jungle centre-américaine.

Il est en tout cas des Américains qui se méfient, tel le gouverneur de Floride, Ron DeSantis. Celui-ci a signé, pas plus tard que lundi, une loi interdisant aux citoyens chinois d’acheter des terrains en Floride, à moins qu’ils ne soient également citoyens américains ou résidents permanents. « Nous ne voulons pas du Parti communiste chinois dans le Sunshine State », a-t-il déclaré.

Ron DeSantis a signé deux autres projets de loi visant à réduire l’influence de la Chine en Floride. La loi SB 258 bloque ainsi l’accès à des applications telles que TikTok, un réseau social contrôlé par la Chine, sur les appareils et les réseaux fournis par le gouvernement. Le projet de loi SB 846 interdit aux universités et collèges de l’État de Floride d’accepter des subventions provenant de « pays étrangers préoccupants » ou de participer à des partenariats avec des universités basées dans ces pays, à moins que des conditions spécifiques ne soient remplies.

Les textes ont été adoptés par la majorité républicaine des deux chambres de Floride, avec un apport de voix démocrates, et DeSantis espère voir son exemple suivi ailleurs, au nom de la souveraineté économique et de la souveraineté tout court. Au niveau fédéral, le sénateur Tom Cotton Cotton a présenté un projet de loi national demandant l’interdiction totale pour les personnes associées à la Chine d’acheter des biens immobiliers sur le sol américain.

 

Anne Dolhein