L’ONU met en cause Israël et les Palestiniens – mais surtout Israël – pour de possibles crimes de guerre à Gaza

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Le rapport a été rendu ce lundi 22 juin par une commission indépendante mise en place par les Nations unies, à la demande du Conseil des droits de l’homme. Il affirme que l’armée israélienne et les groupes armés palestiniens, en particulier le Hamas, qui se sont affrontés à l’été 2014 pendant cinquante jours meurtriers au cœur de la bande de Gaza, ont commis des violations importantes du droit humanitaire international et des droits de l’homme – des violations pouvant être qualifiées de « crimes de guerre ». Si les faits sont avérés, la nouveauté est que la responsabilité d’Israël soit reconnue par l’ONU et mise en avant par la communauté internationale – ce que Tel-Aviv a rejeté en bloc, dénonçant une « obsession singulière ». Le document sera débattu le 29 juin devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
 

Des crimes de guerre à Gaza dans l’été 2014

 
« L’étendue des dévastations et de la souffrance humaine provoquées à Gaza est sans précédent », a dénoncé lundi la présidente de la commission. 2.251 Palestiniens dont 1.462 civils et 551 enfants, contre 67 soldats et 6 civils, côté israélien, ont trouvé la mort dans cette « Opération bordure protectrice » qui se déroula du 7 juillet au 26 août 2014 dans la bande de Gaza. Attaques disproportionnées à des heures choisies, confusion répétée entre civils et combattants, exécutions extrajudiciaires et tortures, les accusations établies sur la base de centaines de témoignages écrits et oraux des deux côtés ne manquent pas.
 
Elles visent, bien sûr, les factions armées palestiniennes qui ont terrorisé la population civile, envoyant près de 5.000 roquettes et 2.000 obus de mortiers, creusant plus d’une dizaine de tunnels pour permettre des incursions militaires sur sol israélien. Mais ne totalisant, in fine, « que » 73 victimes.
 
Elles visent surtout la logique militaire d’Israël – la même, en réalité, que celle du Hamas mais avec plus de moyens et donc plus de succès… Ses milliers de roquettes lancées sur des zones peuplées de civils. Ses 6.000 bombardements aériens dont « de nombreux ont frappé des bâtiments résidentiels », faisant 334 fois plus de morts parmi les civils que les Palestiniens (142 familles ont perdu au moins trois de leurs membres dans ce type de frappes). En clair, il faut s’inquiéter de « savoir s’il ne s’agit pas d’une politique globale qui a tout le moins était approuvée au plus haut niveau du gouvernement »…
 
De plus, les Nations unies mettent directement en cause Israël dans la mort d’au moins 44 civils palestiniens réfugiés dans des infrastructures de l’ONU, théoriquement inviolables, qui avaient été transformées en abris d’urgence pour héberger des civils, pointant ainsi un véritable climat « d’impunité ».
 

Contre les Palestiniens, mais surtout contre Israël…

 
La réponse d’Israël ne s’est pas fait attendre. « Il est regrettable que le rapport ne reconnaisse pas la différence profonde entre le comportement moral d’Israël pendant l’opération Bordure protectrice et les organisations terroristes qu’il a affrontées » a déclaré le porte-parole des Affaires étrangères.
 
Depuis le début de la constitution de la commission d’enquête, en septembre 2014, Israël parle d’une « démarche dangereuse qui pourrait saper la stabilité régionale ». Le gouvernement a refusé toute visite, à Gaza, de représentant de la commission. Et était même parvenu à faire démissionner en février pour « conflit d’intérêts » l’auteur initial, l’ancien président de la commission,William Schabas.
 
Mais le rapport est là, avec les conclusions qu’il craignait, et il a dénoncé ce lundi « une institution notoirement partiale » qui, selon Netanyahu, a « davantage de résolutions contre Israël que contre la Corée du Nord, la Syrie et l’Iran réunis »… Il y oppose avec virulence son propre rapport, publié sciemment quelques jours auparavant, une version qui légitime une fois de plus son opération à Gaza, parlant de « guerre morale et défensive » et évoquant de moindre pertes civiles.
 

Israël contrainte par l’ONU à revoir sa place dans la nouvelle donne mondiale

 
Ce franc ciblage onusien est à ajouter aux multiples et récents événements qui indiquent clairement le « lâchage » d’Israël par la communauté internationale, depuis les déclarations d’Obama lors de la réélection en mars de Benjamin Netanyahu (sur la réévaluation du veto américain à propos de la reconnaissance de l’État palestinien). Où est passé le vieux complot américano-sioniste ?! L’affaire n’est plus si simple et gare à ceux qui se précipitent pour voir tomber, les yeux brillants, les anciens magnats de la haute-finance… Certains usent de la dialectique avec science.
 
Il y a nouvelle donne et alignement international sur icelle. L’empressement des États-Unis à conclure un accord avec l’Iran fait évoquer l’imminence de la reconnaissance internationale d’un État palestinien. Et Israël n’est pas dupe : si Benjamin Netanyahu fustige toujours autant le Hamas, « organisation terroriste », il est clair qu’une sorte de rapprochement contraint s’opère, en vue d’une trêve à Gaza – certains media anglo-saxons parlent de « frenemy » (contraction de « friend » et « enemy »). La montée en puissance de l’EI et d’autres factions islamistes (utilisées à bon escient par les États-Unis) n’y est pas non plus étrangère.
 
Le remodelage est assuré par le très gauchiste Obama, en faveur d’alliances nouvelles dirigées implicitement vers un certain bloc de l’Est. A noter, en passant, la force de plus en plus grande donnée aux « instances internationales » : avec ce tout frais rapport de l’ONU, par exemple, les responsables de l’Autorité autonome palestinienne, membre de la Cour Pénale Internationale depuis avril dernier, vont tenter de lancer un procès contre les criminels israéliens – ce qui serait possible avec l’intervention du Conseil de sécurité de l’ONU. Autant d’épées de Damoclès qui servent une république mondiale des juges désormais de plus en plus présente.
 

Clémentine Jallais