“Orientaux chrétiens, quelle issue ?” Collectif dirigé par le Père Philippe Capelle-Dumont

Orientaux chretiens quelle issue Pere Philippe Capelle-Dumont
 
Ce petit ouvrage des éditions du Cerf recueille les interventions des participants du Colloque organisé par l’Académie catholique de France, le 29 novembre 2013 sur les Orientaux chrétiens. Plus d’une année s’est écoulée qui n’a pas été porteuse de meilleures nouvelles pour eux. Les persécutions sont ouvertes – les chrétiens, rejetés pour leur Foi ou faisant les frais des divisions islamistes. Quelle issue aujourd’hui ? Les chiffres sont douloureux, nous rappelle le Père Philippe Capelle-Dumont : 1 million 200.000 chrétiens natifs d’Irak en 2003, moins de 400.000 présents à la fin 2014. De manière générale, écrit Antoine Basbous, directeur de l’Observatoire des pays arabes, « les statistiques disponibles laissent penser que le nombre de chrétiens en Orient sera divisé par deux d’ici 2020. » La France, que l’histoire, la culture et la Foi lient tout particulièrement à cet Orient, ne peut fermer les yeux.
 
Bruxelles, elle, le fait sans beaucoup sourciller. Martino Diez, directeur scientifique de la Fondation Internationale Oasis, rappelle que la proposition d’une Journée européenne contre la persécution des chrétiens est restée sans écho, tandis qu’est célébrée chaque année, depuis 2012, la Journée de la Glace artisanale… Il faut varier les centres d’intérêts médiatiques.
 

Orientaux chrétiens : les ravages de l’islamisme

 
L’aggravation de la mouvance radicale islamiste est évidente. Dans le monde musulman, les voix sont de plus en plus fortes pour dénoncer ce qu’elles appellent la « cinquième colonne de l’Occident » : les chrétiens. Salafistes, takfiristes, islamistes d’Al-Qaïda … L’interrogation de fond est posée par Antoine Basbous : « L’islam évoluera-t-il pour se détacher des discours radicaux qui prédominent actuellement et imposer le respect de la liberté de conscience avant que les Chrétiens d’Orient ne soient dispersés, réfugiés en dehors des pays où la Chrétienté a vu le jour ? » L’ennui est que l’islam se fait toujours dominer par ses factions les plus dures, par le seul moyen de la peur – ils n’hésitent pas à tuer leurs semblables (cet intégrisme ne se compare donc en rien, n’en déplaise à Mgr Gollnisch, aux autres « intégrismes » religieux, comme le catholique ou le bouddhiste…)
 
Et puis si la Déclaration universelle des Nations-unies réclame la liberté religieuse, l’Unesco a aussi bien reconnu une déclaration islamique des droits de l’homme… Le déséquilibre géopolitique est entretenu. Il importe à certains que le feu demeure et fasse parfois plus que couver.
 
Que doivent faire ces chrétiens ? Roland Dubertrand, conseiller pour les affaires religieuses au Ministère français des Affaires étrangères et européennes, incite à éviter le ghetto territorial, à rejeter tout communautarisme d’enfermement et à refuser la citoyenneté de seconde zone. En jouant les réconciliateurs, en faveur de toutes les composantes ethniques et religieuses. Recréer un tissu pluraliste arabe, sans vouloir le calquer sur les sociétés occidentales. L’ancien secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros Ghali, parle de « tolérance ». Le cardinal Jean-Louis Tauran, d’un « défi de la fraternité ». Il faut « la construction de l’Etat de droit et de la démocratie »… Billevesées occidentales ? Qui parie sur les Droits de l’Homme sans Dieu au Moyen-Orient ?
 

Quelle issue ? « L’exode ou la dhimmitude » ? (Philippe Capelle-Dumont)

 
Le grand risque pour ces chrétiens d’Orient persécutés est l’émigration totale. Les morts disparaissent. Mais les émigrés une fois dans le magma de la société occidentale ? Mgr Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem, parle de cette crainte de « perdre leur foi chrétienne dans le monde matériel et athée d’aujourd’hui. » De plus, une fois parti, il est très difficile d’y revenir, et quasi impossible d’y réclamer pour ses enfants, leur nationalité d’origine.
 
Et que serait « un Moyen-Orient sans chrétiens » ? Le pape François, le 21 novembre 2013, en a évoqué les menaces. Ce sol biblique est véritablement le lieu « voulu par Dieu » où « Orient et Occident sont appelés à s’unir » selon les mots de Mgr Twal. La religion chrétienne y a une histoire beaucoup plus ancienne que l’islam et se doit d’y conserver le berceau qui l’a vue s’épanouir. La préoccupation pastorale du Saint-Siège pour le Moyen-Orient n’a pas cessé. Benoît XVI, en 2010, avait réuni le Synode spécial des évêques pour le Moyen-Orient, autour de 17 pays qui comprenaient tout l’Orient arabe, la Turquie, Chypre, Israël et l’Iran : 15 millions de chrétiens sur 350 millions d’habitants… Mais là aussi, la politique domine. On ne parle jamais de conversion. N’en serions-nous plus là ?
 
Marie Piloquet
 
Orientaux chrétiens : quelle issue ? : textes réunis et présentés par Philippe Capelle-Dumont, éditions du Cerf, 176 p.