Face à la Russie, l’OTAN toujours en situation d’infériorité numérique massive sur son flanc oriental

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Le déploiement récent d’une brigade blindée américaine comptant 4.500 hommes en Pologne ainsi que de quatre bataillons plurinationaux de l’OTAN de mille hommes chacun en Pologne, Lituanie, Lettonie et Estonie rassure les pays du flanc oriental sur un engagement militaire de l’Alliance atlantique en cas d’agression, mais il ne suffit pas pour compenser la situation de grave infériorité numérique face aux forces amassées par la Russie près des frontières de ces pays. Le rapport 2018 publié en vue de la prochaine édition de la Conférence sur la Sécurité de Munich donne des chiffres, sur la base d’une analyse du thinktank de défense américain, la RAND Corporation. Les auteurs de cette analyse se sont intéressés aux forces mobilisables dans les pays baltes dans les premières semaines d’un conflit en cas d’opération surprise de la Russie contre un de ces trois petits Etats qui ont recouvré leur indépendance de l’URSS en 1991 et qui, comme l’Ukraine et la Moldavie, abritent des minorités russophones.
 

Un document qui doit servir de base de réflexion pour l’édition 2018 de la Conférence de Munich sur la sécurité

 
Même en tenant compte des forces baltes et de la force de réaction rapide de l’OTAN prête à voler rapidement au secours des pays baltes avec 5.000 hommes, la RAND Corporation estime que, face aux 78.000 militaires russes présents dans le district occidental des forces armées russes, c’est-à-dire à proximité immédiate des pays baltes, l’Alliance atlantique ne ferait pas le poids puisqu’elle n’aurait à leur opposer que moins de 32.000 hommes. Pour ce qui est de l’armement, la disproportion est encore plus grande : en cas d’attaque surprise, l’OTAN n’aurait que 129 tanks face aux 757 chars d’assaut du district militaire occidental russe, 280 véhicules blindés d’infanterie contre 1.276 côté russe, 32 obusiers automoteurs contre 342, 0 lanceurs de roquettes contre 270.
 
Ce n’est que pour les forces aériennes que l’OTAN disposerait d’une supériorité dans les pays baltes puisque ces forces peuvent être plus facilement mobilisées rapidement : 5.457 avions de combats de 4e génération et 363 de 5e génération contre 1.251 avions de 4e génération côté russe. Cette supériorité de l’OTAN serait toutefois en partie compensée par la défense anti-aérienne très performante côté russe et inexistante côté OTAN dans les pays baltes.
 

Le déploiement de l’OTAN sur son flanc oriental trop modeste pour compenser son infériorité numérique face à la Russie

 
Autant dire que la théorie selon laquelle ce serait l’OTAN qui menacerait la Russie à ses frontières ne tient pas face aux chiffres, d’autant plus que la montée en puissance des forces armées russes a commencé en 2008, après l’attaque contre la Géorgie et alors que les forces opposables à la Russie dans les pays du flanc oriental de l’OTAN étaient négligeables en raison de deux décennies de grave sous-investissement dans la défense de la part des anciens pays satellites de l’URSS. Le déploiement de forces somme toute très modestes de l’OTAN en Pologne et dans les pays baltes a été décidé en 2016 principalement pour rassurer les pays du flanc oriental qui y étaient tous favorables, y compris ceux qui, comme la Hongrie, la Slovaquie ou la Bulgarie, entretiennent de bonnes relations avec Moscou.
 
Le déséquilibre des forces en faveur de la Russie sur le flanc oriental de l’OTAN est aggravé par les sous-investissements chroniques dans la défense en Allemagne, ce qui rendrait hypothétique un soutien de la part de ce pays en cas d’attaque surprise, par exemple dans un scénario où la Pologne se verrait impliquée dans un conflit armé avec la Russie à la suite d’une opération militaire de Moscou contre un des pays baltes. Ce refus persistant de l’Allemagne d’investir dans sa défense fait dire à certains aux Etats-Unis qu’il serait peut-être temps de déménager les troupes américaines d’Allemagne vers la Pologne, un des rares pays européens de l’OTAN à consacrer 2 % de son PIB à sa défense comme le demandent les Etats-Unis.
 

Olivier Bault