Selon le site russe Sputnik, un renversement des alliances se dessinerait depuis qu’Erdogan s’est excusé auprès de Poutine pour le bombardier russe abattu par les Turcs : à la guerre menée contre Assad devrait succéder une alliance Turquie-Syrie-Russie. Info ou Intox ? Des informations à prendre en compte, en tout cas.
En matière de communication, la Russie change lentement. La poste russe surveillait les citoyens du temps des tsars, avec moins d’efficacité et de férocité que du temps de l’URSS, mais avec autant d’attention ; et pour ce qui est de l’information du public, la Pravda a gardé aujourd’hui des imitateurs, dont le site Sputnik, qui relaie assez fidèlement l’opinion et les intérêts du Kremlin. Ce qu’il dit doit donc être pris avec considération, car il fait état parfois de données que la presse occidentale « oublie » ou cache délibérément, mais aussi avec précaution, car il est loin d’être politiquement neutre.
Assad et Erdogan sont-ils amis ou ennemis ?
Sputnik ouvre donc l’un de ses principaux papiers étrangers du jour par une photo de Recip Erdogan et de Bachar el Assad souriant côte à côte, accompagnée du titre, en Anglais : « De Assad l’ennemi à Assad le frère : Ankara prépare un renversement stratégique ». L’article s’appuie sur les déclarations d’un député turc, chef du groupe HDP (Justice et progrès), Idris Baluken. Selon celui-ci, Erdogan pourrait être en train de nouer des relations diplomatiques avec Assad. Il a posé une question parlementaire en séance plénière de la chambre sur les négociations secrètes dont on dit qu’elles sont menées entre Turcs et Syriens dans trois pays neutres, notamment en Algérie. Et il n’a reçu aucune réponse. Selon Baluken, Erdogan prépare l’opinion à « une transition de la rhétorique d’Assad l’ennemi à la rhétorique Assad le frère. »
Un renversement des alliances dû à l’attentat d’Istanbul ?
Toujours selon Baluken, la politique syrienne mal conçue du gouvernement turc a produit de mauvais résultats qui « incluent l’explosion de l’aéroport Atatürk ». Aussi estime-t-il du devoir du parti Justice et progrès « d’informer le peuple turc sur les changements envisagés de la politique gouvernementale à propos de la Syrie ». L’information frappe par son côté vague et non sourcé, en l’absence de réponse d’Erdogan ou du gouvernement turc. Aussi Baluken ajoute-t-il : « Nous affirmons que les négociations avec la Syrie existent bien. Si le gouvernement prétend que l’informations est fausse, qu’il le fasse savoir par un communiqué officiel ». Selon Baluken, les motivations d’Erdogan pour ce tête-à-queue diplomatique seraient de pur opportunisme de politique intérieure.
Une seule chose est établie : la lettre à Poutine
Toujours dans les hypothèses, Baluken croit savoir sur quoi portent les entrevues secrètes entre les envoyés d’Assad et ceux d’Erdogan : en particulier sur la question kurde, « spécialement le désir de changer le statut de la Rojava (la partie du nord de la Syrie habitée par des Kurdes syriens). Erdogan veut établir le contact avec le gouvernement syrien en utilisant une rhétorique antikurde. Nous pensons que cette approche est fondamentalement fausse. En faisant cela, Erdogan et l’AKP commettent encore la même erreur ».
En admettant qu’il y ait du vrai dans l’information donnée par Baluken, on peut se demander pourquoi les Syriens seraient prêts à devenir amis avec un gouvernement qui arme et soutien des rebelles anti-Assad. Baluken dit qu’après avoir envoyé une lettre d’excuses à Poutine pour l’avion russe abattu, Erdogan « pourrait bien aussi » en avoir adressé une semblable à Assad. Cela fait beaucoup de conditionnels. Pour l’instant la seule chose vraiment sûre, c’est qu’Erdogan a envoyé un message de détente à Poutine. Est-ce le début d’un renversement des alliances, ou bien les services russes jouent-ils à désinformer ? Il est urgent d’attendre avant d’y voir clair.