Un premier mai extrême : Macron joue de Le Pen et des casseurs pour atteindre juin 68

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Extrême droite et extrême gauche ont occupé un premier mai sans unité syndicale. On n’a entendu que les Le Pen père et fille, les casseurs antifas et Mélenchon. D’Australie, Macron jubile. Depuis le début des grèves, il joue sur la peur pour atteindre directement le plébiscite bourgeois de juin 68, sans passer par la case mai.
 
Cette année les extrêmes sont bicéphales. A droite, Le Pen Jean-Marie a déposé une gerbe devant la statue de Jeanne d’Arc place des Pyramides à Paris, fidèle à la tradition du Front national. Mais Le Pen Marine à Nice restait fidèle elle aussi à la tradition bien frontiste d’aller embêter la droite bourgeoise chez elle (Estrosi et Ciotti, les deux Dupondt du post-sarkozisme, n’étaient pas contents), et, en invitant ses copains européens, à une habitude qui remonte à 1984. En faisant le lot d’une Europe des nations opposée à Bruxelles, elle a repris le discours originel du front de papa. Bref, l’oiseau à deux têtes Le Pen, tantôt aigle, tantôt étourneau, soigne ses fondamentaux. Marine Le Pen, que les médias ménagent étrangement ces temps-ci, a compris qu’elle doit être contre son père pour plaire au système, mais tout contre en même temps pour plaire aux électeurs.
 

Le Pen et Le Pen, Mélenchon et les casseurs : des extrêmes bicéphales

 
Bicéphale aussi est l’extrême gauche, ou plutôt, comme le dieu romain de la guerre « bifrons », c’est-à-dire douée de deux visages. L’un de ceux-ci est cagoulé. C’est celui des antifas, du blackbloc, des casseurs, venus de partout et de nulle part, guerriers nomades de la révolution dont les bases arrières traditionnelles se trouvent en Allemagne. La police les connaît, connaît leurs méthodes, leur idéologie, leur violence révolutionnaire. Elle les retrouve dans toutes les Zad importantes, dans toutes les jungles, dans les grandes manifs, en somme, bref dans toutes les manipulations. Ils cassent, ils brûlent, ils pillent, ils sont vêtus de noir et maintiennent devant eux, comme un immense bouclier moral, un calicot aux couleurs fraiches où ils prétendent être l’imagination du monde. On a connu cela, en moins bien organisé, un autre mois de mai, en 1968.
 

Antifas casseurs d’extrême droite ? C’est le premier mai, pas le premier avril !

 
L’autre visage de l’extrême gauche peut avoir plusieurs incarnations. La plus en vogue est aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon. Ce vieux routier du socialisme d’appareil s’est paré des fraîches couleurs de l’agitation depuis que Macron est monté au firmament politique. Aujourd’hui, pendant que les casseurs cassent, Mélenchon s’indigne comme un bourgeois du désordre. Que fait donc la police ? Il exhorte le gouvernement à sévir. Il pense que les désordres du premier mai sont le fait de nervis d’extrême droite. Là, tout le monde s’esclaffe, c’est la détente générale. Qu’il est drôle, où va-t-il chercher tout ça, on manquait cruellement de clowns depuis Georges Marchais. Même Emmanuel Macron, entre Melbourne et Sidney, sourit. Ça le change des problèmes de la Grande barrière de corail.
 

Le premier de cordée joue la chienlit comme l’homme du 18 juin

 
En fait, Macron est aux anges. Depuis le temps que gauche et droite socialisent la France, la bête est flapie, le système à bout, on lui voit la corde. Bien sûr, il y aurait la solution de fermer les frontières, jeter dehors les intrus, remettre les Français au travail. Mais c’est précisément contre cela que Macron a été élu. Alors, pour retaper un peu la machine, pas d’autre choix que de rendre un peu d’air aux entreprises et faire des économies. Ce qu’on nomme « casse sociale » en langage syndical. Un exercice périlleux, d’autant que l’autorité de l’Etat est un ancien souvenir. Alors Macron joue sur les souvenirs, justement. Celui de mai 68 notamment, dont il a décidé de célébrer l’anniversaire. Il y a appris, par l’exemple De Gaulle et Pompidou, à se servir du désordre. C’est la chienlit qui a permis le triomphe bourgeois de juin 68. Donc, comme je l’ai dit en passant l’autre jour, Macron entend jouer à juin 68 sans passer par la case de mai. Comment ? Grâce aux casseurs.
 

Macron veut juin 68 sans passer par mai 68

 
1.200 casseurs en tête des manifs du premier mai, ça en jette. C’est hyper télégénique. C’est de la bonne com, de base mais bonne : le désordre menace la société française, les travailleurs et les vitrines, Mac Donald’s et Bugati. Aux armes, citoyens, protégeons la propriété ! Ce mouvement citoyen bourgeois va être très utile au président Macron. La SNCF, la loi Travail, l’ISF, la CSG, tout ça cumulé, c’était pas gagné. Pas sûr que ça passe. L’adage populaire dit : ça passe ou ça casse. Avec Macron, il en va autrement. Ça casse et en même temps ça passe. Ça passe parce que ça casse. Le Français ronchon, vous, moi, s’émeut : marre de tous ces casseurs et de leur désordre. Viva Macron ! Les cheminots ne vont pas nous faire braire longtemps avec leurs grèves qu’ils projettent de prolonger jusqu’en août ! Allez, tout le monde au travail, qu’on puisse prendre nos vacances !
 
En même temps un sondage Viavoice publié par Libération relève que sept Français sur dix jugent positive l’incidence de mai 68 sur la société française (même à droite : LR 59 %, FN 68 %). Les Français plébiscitent la chienlit qui les gangrène. Comme les extrêmes, ils ont deux cerveaux. Vides.
 

Pauline Mille