Ramadi prise par l’Etat islamique : défaite pour les Etats-Unis, regain de tensions entre sunnites et chiites

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La prise de la ville irakienne de Ramadi est une victoire stratégique pour l’Etat Islamique et signe en même temps une défaite de la stratégie officielle américaine dans la région. Elle accélére encore la partition de l’Irak entre Kurdes, sunnites et chiites, mais elle est surtout une étape clef vers la prise de Bagdad, objectif véritable et affiché de l’Etat islamique.
 
La stratégie officielle des Etats-Unis était claire : reconstruire l’armée irakienne, pousser Bagdad à se réconcilier avec les sunnites et bombarder l’Etat islamique sans envoyer de troupes au sol. Mais après des mois de mise en œuvre du plan américain, l’armée est toujours disloquée, la réconciliation est loin d’être à l’ordre du jour et les bombardements, même s’ils sont parfois efficaces, sont loin d’être décisifs.
 

La stratégie officielle des Etats-Unis subit une défaite lors de la prise de Ramadi par l’Etat islamique

 
Cela n’a pas empêché le porte-parole du Pentagone de répéter, lundi, au lendemain de la prise de Ramadi, que cette défaite faisait partie des aléas des guerres et qu’elle n’était pas une preuve de la faiblesse de la stratégie conjointe des Etats-Unis et de l’Irak. « Nous reprendrons Ramadi », a-t-il promis.
 
Les observateurs sont sceptiques. Pour eux, la chute de Ramadi est un obstacle de plus à la reprise de Mossoul. Les Etats-Unis espéraient en février que la ville serait reprise en avril ou en mai… Nous en sommes loin.
 
La chute de Ramadi est une réponse cinglante au refus opposé par le gouvernement irakien, soutenu par les Etats-Unis, à l’intervention de milices chiites qui ont pourtant fait preuve de leur efficacité dans la libération de la ville sunnite de Tikrit.
 

L’arrivée des milices chiites promet des tensions avec la population sunnite

 
Le désastre a conduit le Premier ministre irakien Haider al-Badi à faire malgré tout appel à ces dernières : les milices chiites ont eu l’autorisation de s’approcher de Ramadi afin de tenter de reprendre la ville. Une présence qui inquiète les groupes sunnites, majoritaires dans cette région d’Anbar, qui craignent des nouveaux bains de sang à la faveur de la présence chiite.
 
Une milice sunnite composée d’un millier de combattants issus des tribus de la région d’Anbar a été néanmoins formée, armée et entraînée et doit se rapprocher des forces armées irakiennes, majoritairement chiites. Faut-il y voir une tentative de faire accepter aux sunnites l’intervention chiite ou craindre un embrasement selon les clivages confessionnels ?
 
Les observateurs redoutent désormais que la guerre civile s’ajoute à la présence de l’Etat islamique dans la région.
 
En tout état de cause, les Américains poursuivent leur stratégie de guerre sans victoire, qui permet d’entretenir une situation dialectique sans sortie possible. Ils s’acharnent notamment à imposer un Etat multiconfessionnel en plein cœur de la guerre, et refusent la réalité de l’opposition multiséculaire entre sunnites et chiites… Il est loin d’être certain que Ramadi soit reprise rapidement, s’il faut attendre que les milices sunnites et chiites s’affrontent d’abord.
 

Béatrice Romée