Un rapport de Stratfor prévoit l’effondrement de la Russie, des experts le contredisent

Un rapport de Stratfor prévoit l’effondrement de la Russie, des experts le contredisent
 
Un rapport du groupe de réflexion américain Stratfor prévoit l’effondrement de la Russie au cours de la prochaine décennie. De nombreux experts trouvent l’idée risible mais précisent qu’elle pourrait masquer des intentions américaines bien réelles… Des experts russes, chinois ou vénézuéliens estiment en effet que les conclusions du rapport ressemblent plus à des vœux américains qu’à une véritable analyse.
 
Ainsi Vladimir Kozin, responsable du groupe consultatif auprès du Directeur de l’Institut russe pour des Études Stratégiques pense que lorsque le rapport émet des prédictions « sur la désintégration de la Russie, ce n’est rien d’autre que des vœux pieux ».
 
Mais il met en garde : ces prédictions faites par un organisme proche des services de renseignements américains révèlent en outre quelque chose des intentions américaines vis-à-vis de la Russie. « De manière à nous assurer que ces attaques dirigées contre (la Russie) soient sans conséquences, nous devons considérer les conclusions de ce rapport attentivement », avertit Vladimir Kozin.
 

En 2005, un rapport de Stratfor prédisait déjà l’effondrement de la Russie

 
Il est utile de préciser par ailleurs qu’un rapport de Stratfor publié en 2005 prévoyait déjà que la Russie allait s’effondrer « doucement mais sûrement ».
 
Gregory Dobromelov, directeur de l’Institut des études politiques appliquées, précise quant à lui que les pronostics du rapport sont imparfaits puisqu’ils ne considèrent pas que « dans le cadre d’une crise économique et d’une situation géopolitique changeante, les actions de la Russie se modifient aussi ». Explications : « Ce rapport considère les événements qui arrivent en Russie comme si la Russie allait demeurer inerte et ne prendre aucune décision. En réalité, il est évident que les autorités russes et les groupes de réflexion travaillent à mettre en place des solutions. ».
 
Pour lui, ce rapport révèle que Washington est en réalité déconcerté par les progrès de la Russie ces dernières années. « Evidemment, ils ne voient pas d’un bon œil l’influence géopolitique croissante que la Russie acquiert depuis 10 ou 15 ans. Evidemment, ils ne voient pas d’un bon œil les liens étroits que la Russie entretient avec l’Europe par les systèmes de livraison d’énergie, les nombreux échanges avec la Chine ou la préservation d’un zone tampon entre les différents pays post-soviétiques. »
 

L’effondrement de la Russie, un rêve américain plus qu’une réalité ?

 
Pour Alexei Arbatov, directeur du Centre pour la sécurité internationale de l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales, les conclusions dépendent des conditions d’analyse : « Si vous considérez que le PIB de la Russie va chuter de 95 %, alors les autres conclusions sont justifiées » explique-t-il, pointant les hypothèses sur lesquelles repose ce rapport.
 
Pour Zhang Xin, expert à l’Institut des relations internationales de l’Université de l’est de la Chine de Shangaï, les prédictions de Stratfor à propos de la Russie sont tout simplement fausses. « Les conclusions de Stratfor à propos de l’affaiblissement de la force militaire russe, spécialement son pouvoir naval dans l’est de l’Asie et dans la région pacifique, sont hâtives et peu sérieuses. Nous savons que la Russie investit lourdement dans le déploiement de ses capacités militaires. Par conséquent, la Russie sera une force militaire dominante dans la région », explique-t-il. Il précise que Stratfor semble avoir ignoré « les relations entre la Russie et la Chine, qui sont à une stade de développement intensif et durable, dans les domaines politique, économique et militaire ».
 

Multiplication des relations de la Russie : Chine, Inde, Afrique, Amérique du Sud

 
Le politologue vénézuélien Fernando Bossi formule des critiques similaires : « Le rapport de Stratfor ressemble davantage à un brouillon exposant les priorités des États-Unis pendant la prochaine décennie qu’à une prévision », commente-t-il.
 
A l’inverse, il pense que les relations entre Moscou et Pékin vont contribuer à permettre à ces pays de continuer d’accentuer leur influence dans la région et de s’étendre, « surtout s’ils poursuivent le rapprochement avec l’Inde, certains pays d’Afrique et d’Amérique du Sud ».
 
Pour Fernando Bossi le rapport est exact sur un point : le monde va subir de gros changements dans les prochaines années. Mais selon lui, ils seront radicalement différents de ce qu’expose le groupe de réflexion américain.