La rencontre entre le pape François et l’archevêque anglican de Cantorbéry, Justin Welby

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Jamais, sans doute, le rapprochement entre catholiques et anglicans ne s’est fait de manière aussi solennelle que la semaine dernière à Rome, à l’invitation du pape François. Il a célébré mercredi des vêpres conjointes avec le primat de l’Eglise d’Angleterre, « Sa Grâce » Justin Welby, en l’église de San Gregorio Magno al Celio. La rencontre marquait le 50e anniversaire de celle, historique, entre le pape Paul VI et l’archevêque Michael Ramsey, la première du genre après la rupture anglicane à l’initiative du roi Henri VIII. Il y a 50 ans, le pape Paul VI avait donné son anneau pastoral à l’homme qui se tenait devant lui et qui pourtant ne peut, à l’inverse des schismatiques, invoquer la succession apostolique. Mercredi, le pape François a accepté la croix pectorale de l’archevêque anglican et l’a portée tout au long de la cérémonie : des vêpres mi-catholiques mi-anglicanes ont été célébrées. Le Magnificat était remplacé par une composition anglophone bien mièvre en comparaison. Et l’on avait l’impression d’un gommage volontaire des différences.
 

Une rencontre du chef de l’Eglise catholique et du chef de l’Eglise anglicane…

 
Gommage incomplet, il faut le reconnaître. La déclaration conjointe signée de la main du pape François et de celle de Justin Welby fait état, comme celle d’il y a 50 ans, de « sérieux obstacles » sur le chemin de la « restauration d’une foi complète et d’une vie sacramentelle » communes. Le texte de 2016 affirme que « de nombreux progrès ont été faits dans de nombreux domaines » de division. « Mais de nouvelles circonstances ont donné lieu à de nouveaux désaccords entre nous, particulièrement en ce qui concerne l’ordination des femmes et des questions plus récentes à propos de la sexualité humaine. » Ces questions-là, et celle de l’autorité au sein de la communauté chrétienne sont présentées une nouvelle fois sous les termes de « sérieux obstacles ». Mais les deux hommes ont indiqué qu’il ne voulait pas se laisser décourager, en appelant au Saint Esprit pour que « les dialogues et l’engagement mutuel renforcent » la compréhension en les aidant à « discerner ce que veut le Christ pour son église ». Et d’assurer qu’ils croient que l’Esprit Saint « ouvrira de nouvelles portes pour nous conduire tous à la vérité ».
 
Le problème, c’est que le représentant de l’Eglise catholique, qui est dans la vérité, n’a pas voulu l’affirmer avec clarté. Répétant l’assurance que nous sommes tous « frères et sœurs en Christ en raison de notre baptême commun », le pape François comme M. Welby ont indiqué que les différences « ne doivent jamais nous empêcher de découvrir et de nous réjouir de la foi chrétienne profonde et de la sainteté que nous trouvons au sein de nos traditions respectives ».
 

Le pape François et Justin Welby, archevêque de Cantorbéry échangent leurs bons sentiments

 
Or les différences pointées par la déclaration conjointe elle-même concernent des affaires aussi graves que l’ordination des femmes et l’accueil des homosexuels : l’Eglise anglicane elle-même est au bord de l’éclatement en raison de son ouverture de plus en plus grande à l’ordination des homosexuels, et même d’évêques homosexuels, ce qui a provoqué la fronde de nombreux anglicans d’esprits traditionnels. Et même nombre de conversions à la religion catholique.
 
Les différences en 2016 sont en vérité bien plus grandes qu’il y a 50 ans, or tout se passe comme si elles étaient moins importantes et plus faciles à dépasser. Mais il est vrai que le plan d’action est bien horizontal. « Le monde doit nous voir rendre témoignage à cette foi commune en Jésus par l’action concertée. Nous devons, et nous pouvons, travailler ensemble pour protéger et préserver notre maison commune : en vivant, en enseignant et en agissant de manière à favoriser la fin prochaine de la destruction environnementale qui offense les créateurs et dégrade ses créatures, en créant des manières d’agir individuelles et collectives qui puissent promouvoir un développement durable et intégral pour le bien de tous. »
 

Des vêpres communes à l’envoi en mission œcuménique : une rencontre scandaleuse

 
C’est pourquoi la rencontre a pris un tour inédit : il a été décidé d’envoyer par paires des évêques, l’un catholiques, l’autre anglican, à la manière des 72 disciples envoyés par le Christ : 19 paires au total chargées d’une « mission œcuménique jusqu’aux marges de la société » pour témoigner de « notre foi commune en Notre Seigneur Jésus-Christ ».
 
Il a été question de la « culture du déchet », des « périphéries », du « péché sociétal », autant de mots-clés du pape François qui indique par là sans aucun doute sa profonde implication dans cette rencontre.
 
Au lendemain des vêpres, le Rév. Welby a rendu visite à la tombe de Saint-Pierre avant d’être reçu en audience par le pape François qui a tenu à dire sa conviction que « ce que l’Esprit a semé chez l’autre donne à une moisson commune ».
 
La presse britannique s’est attardée sur la rencontre, signalant que les hommes semblaient décidés à « contourner leur différends théologiques ». Elle a été particulièrement attentive au fait que l’archevêque Welby a célébré les vêpres flanqué d’une « femme prêtre », son « chapelain par intérim », le Rév. Julia Pickles. Sans que personne à Rome n’y trouve à redire ?
 

Femmes prêtres et évêques homosexuels : que faut-il de plus au pape pour comprendre ?

 
La presse a également été frappée par la déclaration de François, encourageant évêques et pasteurs catholiques et anglicans à travers le monde à se demander « avant toute activité » : « Pourquoi ne pouvons-nous pas faire ceci avec nos frères et sœurs anglicans ? Pouvons-nous en rendre témoignage à Jésus en travaillant ensemble avec nos frères et sœurs catholiques ? »
 
On comprend que dans une telle logique le pape François et Justin Welby aient pu évoquer « la communion certaine quoique imparfaite déjà partagée », dans une déclaration commune qui a de quoi choquer à la fois les catholiques et les anglicans sincèrement attachés à leurs traditions respectives. Avec de telles déclarations, les conversions des anglicans à la religion catholique deviennent incompréhensibles et inutiles.
 
Mais toute cette affaire ne fait que commencer. A la fin du mois ce sera au tour du rapprochement catholique-luthérien. Dans la confusion qui est la marque de ce pontificat.
 

Anne Dolhein