L’archevêque de Philadelphie n’a pas envie de cacher sa tête dans le sable. Dans une réflexion publiée par le Conseil pontifical pour les laïcs, Mgr Charles Chaput – oui, il a des ancêtres français – expose ses idées pour le renouvellement de l’Eglise. Car celui-ci se fait urgent. L’image qu’il donne de son diocèse est à l’aune de l’état de beaucoup de diocèses dans le monde occidental anciennement chrétien : les catholiques pratiquants sont convaincus, mais vieillissants et de moins en moins nombreux. Face à cette « éclipse culturelle et morale » qu’annonce le déclin chrétien, il faut des apôtres. Des prêtres, mais aussi des laïcs, dit-il, dans un contexte qu’il présente clairement comme un temps de persécution.
 
Voilà un message, donc, que le Vatican veut répercuter aux fidèles du monde entier : il était destiné à l’origine aux prêtres de diocèse de Mgr Chaput.
 
Un groupe de recherche, Barna, a mené une enquête l’an dernier parmi 400 paroissiens de cinq contés qui dépendent de l’archidiocèse de Philadelphie : ils avaient en commun d’être au moins pratiquants occasionnels : une messe par mois ; une ou deux confessions par an. Il s’est avéré que les catholiques pratiquants de Philadelphie ont en moyenne un niveau d’instruction plus élevé que le reste de la population – et qu’ils ont apprécié leur passage dans des écoles catholiques. La plupart vont à la messe tous les dimanches ; la plupart donnent généreusement aux œuvres caritatives ; la plupart font confiance à l’Eglise. Ils apprécient leur prêtres – malgré les scandales qui ont secoué bien des diocèses américains –, un peu moins l’organisation du diocèse.
 

Le renouvellement d’une Eglise vieillissante

 
Mais ils sont pour la plupart blancs, âgés de 50 ans et plus. « Très peu de nos catholiques actifs sont des enfants du nouveau millénaires », dit Mgr Chaput. Le christianisme se meurt-il ?
 
Mgr Chaput en prend acte. On pourrait lui répondre avec l’expérience française : s’il est vrai que la proportion de catholiques pratiquants diminue au sein de la population, et que tant de jeunes ne mettent plus le pied à l’Eglise, particulièrement dans les zones rurales, l’affluence et la faible moyenne d’âge que l’on constate dans les paroisses et autres chapelles traditionnelles d’esprit ou carrément vouées au rite traditionnel montrent qu’une autre voie existe. Ce regain montre en creux une partie du problème : la désaffection à l’égard de liturgies creuses elles aussi.
 
Mais si l’on regarde la situation dans son ensemble, que ce soit à Philadelphie ou dans d’autres parties du monde occidental, il faut bien constater avec Mgr Chaput que l’Eglise de la jeunesse des prêtres de son diocèse, la vie paroissiale qui les a tous séduits « arrive à sa fin ». « Et elle ne reviendra pas, du moins pendant que nous sommes en vie », dit-il, accusant le décalage fréquent entre la manière de penser des évêques et des prêtres et la réalité du monde qui les entoure. La « laïcisation de la culture » est là.
 

Mgr Chaput envisage une Eglise persécutée

 
« Nous pouvons commencer par comprendre que l’Eglise, d’ici à 20 ans (…) sera plus petite, moins riche, elle aura moins d’influence et aura probablement moins de liberté pour faire son travail qu’à aucun moment du siècle dernier. Pour nous qui croyons, et il faut commencer maintenant, il s’agit d’assurer qu’elle soit plus zélée, plus fidèle, mieux guidée », écrit-il.
 
Il constate que beaucoup, aujourd’hui, se laissent séduire par un « pape François » qu’ils ont eux-mêmes créé : « un pape qui les dispensera des exigences morales de l’Eglise qui les dérangent le plus ». « Lorsque cela ne se produira pas – et au bout du compte cela ne peut pas se produire – beaucoup de gens pourront en être irrités, et la “tolérance” à l’égard de l’Eglise pourrait s’épuiser très vite », annonce l’archevêque.
 
Mgr Chaput envisage – à l’instar d’un professeur de droit de Notre-Dame University, Gerard Bradley – que l’Eglise puisse être considérée bientôt comme une « menace » pour le bien-être des jeunes, tout comme leur parents : tout ce qui empêcherait les mineurs d’accéder à la « santé sexuelle », à leur « identité de genre » et à leur « autodétermination sexuelle ». « Les parents catholiques risquent d’être bientôt considérés comme abusant de leurs enfants », et ce dans un cadre où la liberté religieuse des catholiques sera de moins en moins protégée, prophétise-t-il.
 

Eclipse culturelle et morale : la réflexion de Mgr Charles Chaput

 
Avec l’avènement du « mariage » gay et de toute sa cohorte de confusions sémantiques c’est l’Eglise qui sera menacée dans tout ce qui ne concerne pas immédiatement le cœur de son activité qui est le culte divin.
 
« A nous prêtres de faire ce pour quoi Dieu nous appelle : guider, servir et fortifier le peuple de Dieu. Si c’était facile, n’importe qui pourrait le faire. Mais Dieu nous a appelés, nous », dit Mgr Chaput à ses frères prêtres. Et comme ils seront moins nombreux, il s’agira aussi pour eux de « partager leur rôle de guides sans abandonner leur autorité de pasteurs ». A l’heure où les Etats-Unis sont « au bord de l’éclipse culturelle et morale », les laïcs, dit-il, doivent se considérer comme « co-responsables » de l’être et de l’action de l’Eglise.
 
« Si nous, prêtres, voulons être de vrais pasteurs, nous devons former des apôtres catholiques actifs au sein de notre peuple. Cela veut dire : former de vrais dirigeants laïcs. Si nous ne sommes pas zélés, eux ne le seront pas. Si nous ne sommes pas fidèles et courageux par rapport à l’enseignement de l’Eglise, ils ne le seront pas », dit il, au nom de la tâche propre et du privilège donnés par le baptême.
 
Que les laïcs doivent s’engager ainsi, dans ces domaines où le monde conteste frontalement l’enseignement de l’Eglise, Mgr Chaput n’est pas le premier à le dire. C’est une tâche sans précédent.
 

Anne Dolhein