La restructuration de l’islam selon Sputnik : « De grands changements dans le monde musulman sont proches »

restructuration islam Sputnik grands changements monde musulman
 
Le site d’informations russe, successeur de l’agence officielle RiaNovosti, Sputnik – toujours proche du Kremlin – livrait il y a quelques jours une analyse passionnante et surtout révélatrice des changements en cours dans le monde musulman. C’est sur le site hispanophone de Sputnik que l’on pouvait lire cette annonce de proches et grandes modifications dans l’Oumma, à partir des récentes déclarations du prince héritier d’Arabie saoudite, Mohamed bin Salman qui veut moderniser son pays à travers l’adoption d’un islam « modéré » – pour ne pas dire restructuré afin de pouvoir cohabiter dans un monde relativiste se satisfaisant d’une spiritualité globale dont les religions ne seraient plus que des expressions particulières.
 
« Ses paroles rendent plus proche des changements radicaux dans le monde musulman et par conséquent dans le monde entier, selon les experts », explique Sputnik.
 
Elles ont déjà eu une application pratique avec les récentes « purges » dans le monde du pouvoir, et l’ensemble de la famille royale wahhabite, au nom de la lutte contre la corruption mais plus probablement au service de ce changement révolutionnaire.
 

Sputnik annonce de grands changements dans le monde musulman

 
Pour la presse proche du pouvoir russe, ce sont des « changements tectoniques » qui sont en cours avec un rejet du wahhabisme au profit d’un islam plus « modéré » :
« Nous redeviendrons ce que nous étions jadis : un pays d’islam qui sera ouvert à toutes les religions », a annoncé le prince héritier Mohamed bin Salman il y a une dizaine de jours. (Comme si l’islam était ouvert à toutes les religions…)
 
Si cela se réalise, ce sera évidemment une bonne nouvelle pour les nombreux chrétiens travaillant dans la péninsule arabique, actuellement empêchés de pratiquer publiquement leur religion. Mais dans le même temps il ne faut pas perdre de vue que ce type de changement s’inscrit dans une offensive beaucoup plus large contre les religions traditionnelles qui ont le mauvais goût de se dire et de se prétendre vraies. Ainsi, ne sont réellement admises dans le cadre globaliste d’aujourd’hui que les religions prêtes à se soumettre à l’idéologie des droits de l’homme et plus encore, à celle de la lutte contre le changement climatique au nom de la Terre Mère, tous les dogmes et autres croyances devant s’incliner devant les besoins de ce qui est en réalité une super-religion.
 
Le prince a ajouté, faisant observer que 70  % de la population de son pays à moins de 30 ans, qui n’était pas question de « gâcher 30 ans de plus de la vie avec des idées destructrices : nous allons les éliminer ».
 

Vers un islam modéré : la presse russe commente la révolution par le haut du prince Mohamed bin Salman

 
Selon Alexeï Malashenko, ce revirement de la « monarchie la plus totalitaire au monde » comme le dit Sputnik, véritable « révolution par le haut » s’inscrit dans un plan de modernisation profonde décidée par la monarchie saoudienne qui a fixé deux étapes, 2025 et 2030, pour échapper à son environnement actuel d’« Etat conservateur ». Avec en toile de fond, « la fin du pétrole, tôt ou tard ».
 
Malashenko, islamologue et expert de l’Institut russe du dialogue des civilisations, note qu’il ne s’agit pas de la première tentative de modernisation sociale depuis le haut par la maison royale d’Arabie saoudite. Le groupe des Emirs libres, semblable à celui des Officiers libres d’Egypte de la même époque, visait des réformes progressistes – sans succès toutefois, puisqu’ils n’eurant pas le soutien du pouvoir et que leurs membres furent emprisonnés voire exécuter.
 
« Une autre tentative se réalisa entre 1970 et 1990 avec la fondation et l’activité du parti communiste d’Arabie saoudite soutenu par les gouvernements progressistes de la région », indique Sputnik : le parti avait notamment mis en place une organisation de jeunes saoudiens, l’Union des jeunes démocrates (sic).
 
« Dès les années 1980, les communistes saoudiens m’assuraient que l’islam fanatique, islamisme, produirait un jour un niveau de contestation extrême. Dès ce moment-là, ils prédirent une division idéologique au sein de la société en me proposant d’attendre quelques 20 ou 25 années, le temps qu’arrive une nouvelle génération », explique aujourd’hui Malashenko.
 
L’initiative devait échouer en même temps que s’effondra le bloc communiste au niveau global et l’attente allait se poursuivre quelques décennies de plus, précise Sputnik.
 

La restructuration de l’islam, une idée rattachée au communisme

 
Il est intéressant de voir le lien fait avec le communisme présenté comme la force de progrès – et même la seule – capable de mettre fin à l’obscurantisme islamique.
L’article ne cache pas que les tentatives nouvelles pourront exacerber des tensions politiques internes : « Il y aura des islamistes radicaux pour dire qu’il s’agit d’une déviation des principes de l’islam », observe Sputnik, sans compter, comme le souligne Malashenko, la résistance prévisible de l’industrie pétrolière qui pourra soutenir l’armée et les services spéciaux pour ne pas céder sa position actuelle. La maison royale elle-même compte de nombreux membres « qui croient en l’islamisme en toute sincérité », tandis que l’Arabie saoudite elle-même doit préserver sa réputation de gardienne des « lieux saints » : la Mecque et Médine. Pour sa part, Malashenko estime que le pays aura besoin d’une figure aussi forte que celle d’un Mustafa Kemal Atatürk qui avait su transformer une société très conservatrice en pays laïque et libéral.
 
« Mohamed bin Salman sera-t-il le nouvel Atatürk ? Je ne le sais pas. Il a des ambitions. Mais Ataturk est apparu en Turquie après que l’Empire ottoman eut perdu la Première guerre mondiale et se fut désintégré. L’Etat laïque a surgi comme une réaction à la défaite d’un empire islamisé. Ce qui se passera ici, seul Dieu le sait, mais ce jeune a de fortes dispositions », a conclu Malashenko.
 
Tout cela arrive alors que l’Arabie est en train de se rapprocher de la Russie : Salman bin Abdulaziz Saoud n’a-t-il pas réalisé une visite officielle à Moscou pour la première fois dans l’histoire de leurs relations bilatérales début octobre ?
 
On notera aussi que Sputnik illustre son article avec une photo de la rencontre, en juillet, du prince héritier Mohamed bin Salman, sunnite, avec l’influent « clerc » chiite Muqtada al-Sadr. La photo est légendée : « L’extraordinaire rencontre a été vu comme une tentative de réconcilier les deux branches les plus influentes de l’islam. »
 

Jeanne Smits