Serge Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, a inauguré la présidence de la Russie au Conseil de sécurité sous les critiques de l’Occident et du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, pendant que l’Ukrainien Zelenski et le président chinois Xi Jinping établissent des relations diplomatiques. Ce ballet masque une réalité primordiale : tous ont pour objectif déclaré le Nouvel Ordre Mondial, même si chacun entend y tenir le premier rôle.
Mainmise US sur l’ONU et l’ordre mondial
Le réquisitoire de Lavrov contre les Etats-Unis et leurs alliés a repris les thèmes ordinaires de la diplomatie russe. Par « sa tentative désespérée d’affirmer sa domination en punissant les désobéissants, les USA ont abîmé la globalisation », paralysant l’OMC et transformant le FMI en « instrument pour atteindre leurs objectifs ». Leur prétention de substituer leur Etat de droit aux règles internationales a provoqué la crise de l’ordre mondial. De plus, de la Yougoslavie à l’Iraq et la Libye, jusqu’aux révolution de couleurs et au coup d’Etat de Maïdan, les « aventures » militaires des Etats-Unis ont été autant de violations grossières de » la charte de l’ONU ».
La stratégie russe de mise hors course de l’Europe
Sur cette lancée d’arguments qui ne sont pas tous faux, le ministre russe a confirmé quel était l’objectif de sa diplomatie et de son patron Vladimir Poutine, que certains naïfs bien intentionnés mais mal informés voient en chevalier blanc des nations tenant tête au déclin moral incarné par Joe Biden. Il s’agit, à l’ONU comme par la stratégie des BRICS ou le rapprochement russe avec les Chinois, de redessiner l’ordre mondial. Lavrov a dit que la « minorité occidentale » n’a aucun droit de parler au nom du monde entier. Un multilatéralisme authentique « exige que l’ONU s’adapte » à la multipolarité croissante des relations internationales. En clair : « la surreprésentation exorbitante » de l’Ouest au Conseil de sécurité « sape le principe de multilatéralisme ». Autrement dit, il faut changer de fond en comble l’organe de direction de l’ONU pour en retirer la France et l’Angleterre et y faire entrer l’Inde et quelques autres. Voilà le Nouvel Ordre Mondial que souhaite l’empire russe.
Bons offices chinois tous azimuts
De son côté, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU a dénoncé la « dévastation » de l’Ukraine par l’invasion russe « en violation du droit international ». Et d’ajouter : « Le système multilatéral est sous une tension plus grande qu’à aucun moment depuis la création » de l’ONU. Un point de vue strictement factuel. Et un objectif sans ambiguïté : pour lui aussi, il faut sauver l’ONU et le Nouvel Ordre Mondial – mais sous l’égide de l’ONU. Pendant ce temps le président ukrainien Zelinsky et le chinois Xi Jinping se sont entretenus au téléphone, à la suite de quoi un ambassadeur a été nommé à Pékin (poste vacant depuis 2021) pendant que des émissaires chinois sont envoyés en Ukraine. Xi profite de la guerre pour d’une main faire du commerce avec les Russes et de l’autre déployer une bonne volonté diplomatique tous azimuts.
Biden, Poutine, Xi, Guterres : tous pour le Nouvel Ordre Mondial
Lundi dernier, au Quatrième forum de l’ONU en matière de données informatiques organisé à Hangzhou, il a noté que le développement durable est le seul choix pour assurer la prospérité et le progrès de l’humanité, et qu’un développement fort, vert et sain est l’aspiration commune de tous les peuples de la planète. Le gouvernement chinois travaillera avec les autres pays au développement durable à travers la « gouvernance des données », appelle à construire une coopération « ouverte et gagnant-gagnant » et promouvoir un développement commun de tous les pays. En somme, la rhétorique est partout la même, et c’est la même aussi que celle des Etats-Unis de Biden. Chacun prétend instaurer un ordre mondial multipolaire à son profit et à sa manière, sans remettre en cause la révolution morale qu’il suppose.