La reconnaissance de l’Etat palestinien par le Saint-Siège s’est faite de manière discrète, mais fortement symbolique. Mercredi, il a annoncé la prochaine signature d’un accord avec la Palestine, en cours de négociation depuis février 2000. A l’époque, il mentionnait l’Organisation de Libération de la Palestine avec qui le Saint-Siège avait des relations depuis 1994 : c’est dire que la bienveillance du Vatican à l’égard du petit pays qui a dû se pousser pour laisser la place à Israël n’est pas une nouveauté, et le Saint-Siège ne s’était pas abstenu d’évoquer l’Etat palestinien. Cependant, l’annonce d’un accord officiel négocié par le Saint-Siège avec la Palestine en tant que telle marque une étape importante. Les chrétiens de Palestine y voient un signe d’espoir. Sans surprise, les soutiens à Israël ont marqué leur désapprobation. C’est une couleuvre de plus à avaler alors que les relations entre les Etats-Unis et l’ennemi numéro un de l’Etat hébreu, l’Iran, s’améliorent de mois en mois.
Israël, quant à lui, est resté mesuré dans ses réactions, soucieux de préserver ses bonnes relations avec le Saint-Siège. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, a reconnu qu’Israël est « affaibli » par le rapprochement du Saint-Siège avec la Palestine : cette dernière voit tout l’intérêt, selon lui, de négocier avec d’autres partenaires afin d’accroître la pression sur son pays. Il a tout de même averti que l’affaire éloignait l’aboutissement du « processus de paix » et entraverait la possibilité de négociations bilatérales.
L’Etat palestinien signera un accord officiel avec le Saint-Siège
L’accord du Vatican avec la Palestine doit notamment permettre d’y préciser les activités de l’Eglise catholique dans les territoires, chose dont se réjouit Husam Zomlot, comme le rapport Le Monde : « Le Vatican a reconnu à la fois notre Etat et notre histoire, qui avait été volée et écrite par d’autres, s’enthousiasme Husam Zomlot, haut responsable palestinien pour les relations internationales. Nous sommes les chrétiens originels. Or, depuis soixante-dix ans, on a essayé de dépeindre le conflit comme étant entre juifs et musulmans. C’est totalement mensonger. Notre problème n’est pas le judaïsme, mais la judéisation de la Palestine, une idéologie politique. »
Raciste, Israël ? Il n’est plus interdit de l’écrire ; cela fait des années que la presse de gauche – Le Monde en tête – s’oppose au sionisme et dépeint la droite radicale israélienne comme extrémiste, prenant fait et cause pour les Palestiniens.
Il est vrai que l’histoire complexe de l’après-Seconde Guerre mondiale au Proche-Orient a durablement déséquilibré la région en imposant la création de l’Etat d’Israël, avec le soutien inconditionnel des Etats-Unis et, avec des bémols, par les institutions internationales. Voilà des années qu’Israël tient pour nulles les résolutions internationales qui le condamnent à propos des Territoires…
Le rapprochement entre Palestine et Vatican devrait se traduire de manière très visible dès ce vendredi par la présence de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, à Rome, où il doit assister dimanche la canonisation de deux religieuses palestiniennes.
Reconnaître l’Eglise en Palestine au prix d’un éloignement d’Israël
La reconnaissance légale de l’Eglise catholique au sein de l’Etat palestinien vise à promouvoir ses droits mais aussi ses activités dans la société : tel est l’objectif principal de l’accord en voie de signature. Dans le même temps, celui-ci exprime « l’espoir de trouver une solution à la question palestinienne et au conflit entre Israéliens et Palestiniens comme partie intégrante de la “Solution à Deux Etats” ».
Le Pr Bernard Sabella, représentant catholique du Fatah à Jérusalem, très impliqué dans la défense des réfugiés chrétiens au Proche-Orient, a déclaré :
« Pour nous Palestiniens, c’est un temps de joie, et nous espérons qu’il aura des conséquences positives pour la vie politique et religieuse de la totalité du Proche-Orient. Nous apprécions grandement le rôle joué par le Vatican dans l’intérêt de la paix et de la réconciliation. Ainsi que son travail incessant pour maintenir les Chrétiens – et pas seulement les Palestiniens – dans la région, dans un engagement au service de relations ouvertes et amicales avec les autres acteurs. Le pas accompli par le Vatican est un message clair et simple, et non diplomatique. » Pour lui, l’accord qui devrait être signé très prochainement montre que les « chrétiens forment une partie intégrante de la société » à l’image des deux sœurs qui seront canonisées dimanche.
Le pape François prend le risque de mécontenter les amis d’Israël
Aux Etats-Unis, les « faucons » républicains qui soutiennent Israël à tout prix ont réagi violemment, recommandant au pape François à se concentrer sur ses homélies plutôt que de se mêler de politique : « Il est intéressant de voir comment le Vatican est devenu si politique alors qu’il devrait travailler à conduire les gens vers Jésus-Christ et vers la Rédemption », a déclaré Jeff Duncan, représentant républicain de la Caroline du Sud. Il reproche au Saint-Siège de ne pas faire pression sur les Palestiniens en vue de reconnaître l’Etat d’Israël.
D’autres républicains – catholiques souvent – accusent le pape François de mal connaître la situation en Israël et en Palestine.
Ce qui est sûr, c’est que les positions anti-israéliennes actuelles, qui rencontrent l’approbation majoritaire des médias eux-mêmes majoritairement à gauche, ne sont qu’un élément parmi d’autres ayant pour point commun l’alignement sur la politique étrangère de… l’Union soviétique jadis.
L’affaire se conjugue avec la politique d’Obama à l’égard de l’Iran qui traduit elle aussi un « lâchage » d’Israël, qui restait jusqu’à une date récente assurée du soutien inconditionnel des Etats-Unis. Alors que l’ancien bloc soviétique maintient et accentue ses relations avec les pays encore communistes comme la Chine et s’entend avec des pays socialistes comme le Vénézuela et Cuba, le rôle joué par ce bloc d’influence s’inscrit dans une mondialisation dont le centre de gravité se déplace dans sa direction.
Le Saint-Siège, volens nolens, joue son rôle dans ce concert.