Regardez la bien. Cette blonde à la peau très blanche est belle, elle est jeune (21 ans), elle est célibataire. Elle s’appelle Brooke Bruk Jackson et elle a causé un énorme scandale. Pourquoi ? Parce qu’elle a été élue Miss Zimbabwe, et nommée pour représenter ce pays au concours de Miss Univers – un pays dont les fermiers blancs ont été chassés par la violence voilà vingt ans et qui sont aujourd’hui rappelé par le gouvernement pour sauver l’économie. Où est donc le scandale ? Serait-elle transgenre, comme Miss Pays-Bas ? Pas du tout, c’est une vraie femme, tout ce qu’il y a de vrai. S’est-elle mal comportée, a-t-elle dit des horreurs ? Absolument pas.
Miss Zimbabwe aime le Zimbabwe
Elle a déclaré : « J’ai gagné cette couronne pour notre beau pays, pour aimer et servir notre peuple, pour représenter le Zimbabwe parmi les autres nations et pour montrer au monde le caractère unique du Zimbabwe et des Zimbabwéens. » C’est un peu pompeux mais plein de bonnes intentions. Elle a même ajouté qu’elle espérait servir d’exemple de « grâce et de compréhension » pour la jeunesse zimbabwéenne, pour « instiller l’esprit d’Ubuntu et faire savoir que tous ensemble nous sommes fort et que tout est possible ». Plus politiquement correct, tu meurs – or la politique tient les concours de beauté depuis des années, toujours plus.
La miss prône l’Ubuntu, bréviaire de la nation arc-en-ciel
L’Ubuntu est une sorte d’humanisme fraternel exprimé en Afrique du Sud par Nelson Mandela et Desmond Tutu, le mot pouvant se traduire approximativement, selon Wikipédia par : « Je suis ce que je suis parce que tu es ce que tu es. » Il est à la base de ce que les deux hommes appelaient « la nation arc-en-ciel ». Alors ? Vous donnez votre langue au chat ? Le scandale est qu’elle est blanche, et que le Zimbabwe est un pays peuplé de noirs à plus de 90 %, surtout de N’debele et des Shonas. Aussi beaucoup d’internautes n’ont-ils pas apprécié qu’une blanche représente des noirs. Les mots « disgrâce », « tragique » ont volé bas.
Scandale : une blanche prétend représenter des noirs !
Un internaute a écrit : « Toutes ces beautés mélaniennes et vous me dites que l’Européenne a gagné un concours pour les noirs ? » Un autre : « Si déçu de voir ces colonisateurs représenter un pays africain. » Un autre encore : « Nous sommes toujours ceux qui souffrent. La diversité et l’inclusivité ne sont que des mots pour ces gens-là, croyez-moi. » Etc., etc. Sans oublier l’inévitable : « Je ne veux pas être raciste, mais… » La réaction la plus argumentée fut cependant celle-ci : « La candidate à Miss Univers devrait vraiment représenter le cœur et l’âme de sa nation. Ma sœur, ma mère, ne peuvent se retrouver dans cette fille. Elle peut bien détenir une carte d’identité zimbabwéenne mais elle « sonne » anglais. « Quand nous parlons de Miss Zimbabwe, ce devrait être à propos d’une femme irradiant un authentique esprit zimbabwéen. »
Une blanche a-t-elle le droit d’être anti-raciste ?
Voilà un ensemble de réactions qui ne « sonne » pas très Ubuntu, et qui s’apparente plutôt au premier mouvement de beaucoup de Français quand ils découvrent la couleur de l’équipe de France de football. Dans ce dernier cas cependant, il est réprimé, interdit par la loi, puni par les tribunaux. C’est pourquoi Melle Bruk-Jackson a fait la morale à ses détracteurs sur Instagram : « La couleur de la peau ne devrait pas définir une personne ni décider avec qui s’associer. (…) Nous sommes tous nés de la même façon, quelle que soit la couleur de notre peau ». Et il n’a jamais fait scandale qu’en Europe, tant de miss nationales ou régionales ait du sang non blanc. Mais il semblerait que les internautes africains aient gardé la mentalité du fondateur du premier concours de beauté en 1920, le journaliste d’origine belge Maurice Cartuyvels, dit de Waleffe, pour qui une miss devait « incarner le type instinctif de la nation ».