« Synodalité » : l’évêque de Spire (Allemagne) ordonne la bénédiction des couples homosexuels et divorcés-remariés

Spire bénédiction couples homosexuels
 

Est-ce une retombée du synode sur la synodalité qui vient de s’achever à Rome ? Mgr Karl-Heinz Wiesemann, évêque de Spire (Rhénanie-Palatinat) – non loin de Strasbourg et de Stuttgart – vient d’adresser une lettre à tous les prêtres et travailleurs pastoraux dans son diocèse pour les inviter à bénir les couples de divorcés civilement remariés et même aux couples de même sexe qui en font la demande. Il s’agit de donner explicitement une bénédiction à une « communauté de vie » en tant que telle au cours d’une « cérémonie » dont il est souligné qu’il ne s’agit pas d’un « sacrement ». Mais l’évêque souhaite voir bénir des couples en raison de leur choix de cohabitation physique, de concubinage revendiqué alors que celui-ci est radicalement contraire à la loi divine.

Pas de sacrement, sans doute, mais il est même question de bénir le « logement commun » de ces couples, ce qui les assimile tout de même à des foyers chrétiens !

 

L’évêque de Spire envisage la bénédiction de couples homosexuels comme des foyers chrétiens

Il déclare ainsi : « Mais une célébration de bénédiction peut tout aussi bien avoir lieu à l’église ou dans un autre lieu approprié. La célébration doit se distinguer d’une cérémonie de mariage à l’église par ses paroles et ses signes et doit explicitement être un acte de bénédiction qui renforce l’amour, l’engagement et la responsabilité mutuelle dans la relation de couple. Il faut faire preuve ici d’empathie et de discrétion. « Engagement et responsabilité mutuelle » ? Comment ne pas assimiler cela à une sorte de mariage ? Comment – pour aller plus loin – imaginer que cela n’envoie pas un message à tous affirmant que ces couples ont fait un choix de vie acceptable, normal ?

Il est vrai que l’évêque rhénan continue de demander, comme il l’a fait lors de la « voie synodale » allemande, la « réévaluation » de l’enseignement de l’Eglise sur l’homosexualité. Rappelons que celle-ci ne condamne pas la tendance, mais les actes qui en découlent, en appelant chacun à vivre la chasteté selon son état, les actes sexuels étant seulement légitimes dans le cadre du mariage.

« J’espère que cette question urgente de notre temps pourra également connaître un bon développement sur la voie du Synode mondial », a précisé Mgr Wiesemann : urgente, vous avez bien lu, et le prélat voudrait que tout le monde s’y mette dans le cadre du synode…

On comprend mieux l’état d’esprit de cet évêque qui est supposé « paître son troupeau » et le conduire au salut lorsqu’on lit sous sa plume les mots : « La tâche la plus noble de l’Eglise est de témoigner de l’amour, de l’affection et de la miséricorde illimités et inconditionnels de Dieu. » Si Dieu dans sa miséricorde infinie pardonne tout péché que le pécheur regrette et dont il demande pardon selon les dispositions définies par l’Eglise, parler d’amour « inconditionnel » suggère autre chose : qu’aucune faute ne sera jamais retenue contre l’homme au point de rompre son amitié avec Dieu. Si Dieu nous aimait d’un amour inconditionnel, il n’y aurait pas d’enfer. Il n’y aurait pas besoin de sa grâce pour obtenir le salut. Nul ne perdrait jamais l’état de grâce ; il n’y aurait même pas besoin d’être baptisé pour que Dieu l’accorde. Au-delà du caractère choquant de la « bénédiction » de la vie commune des couples homosexuels, on trouve dans cette lettre de Mgr Wiesemann l’erreur profonde qui la sous-tend et qu’une chanson du XXe siècle a résumée en cinq mots : « On ira tous au paradis ! »

« Amour inconditionnel », c’est aussi une expression lénifiante qui dévalorise l’amour de Dieu et en fait une sorte de dû, alors que Dieu nous aime gratuitement en nous offrant le don totalement immérité de sa grâce et de l’« inhabitation » trinitaire dans nos âmes – que le péché mortel empêche radicalement. Il nous aime en vérité d’un amour incompréhensible, cet amour qui a poussé le Verbe de Dieu à s’incarner pour mourir sur la Croix, versant jusqu’à la dernière goutte de son sang pour chaque être humain afin de le racheter, de lui ouvrir les portes du Ciel et de lui obtenir le pardon de ses péchés, sacrifice renouvelé à chaque messe réellement mais de manière non sanglante. L’immensité de cet amour est pour nous inconcevable, mais il montre qu’il ne s’agit pas d’un sentiment à bon marché : cet amour révèle l’incompatibilité absolue du péché avec Dieu, de telle sorte qu’il ne faut rien de moins que ce sacrifice pour rendre possible l’union de l’homme avec la Sainte Trinité. Voilà pourquoi nous est offerte aussi la grâce du purgatoire, pour pouvoir revêtir l’habit de noces sans tache et entrer dans le Royaume du ciel où les saints voient Dieu face à face. L’homme est laissé libre de refuser cet amour incompréhensible, et c’est ce refus par lequel il se précipite lui-même en enfer. Nous ne sommes pas appelés à appliquer un code de conduite morale, mais à connaître, aimer et servir Dieu qui nous a tant aimés.

D’aucuns ont affirmé que le Document final du synode s’est révélé bien moins révolutionnaire qu’on ne l’aurait pu craindre, et soulignent qu’aucune décision n’a été prise ; pourtant, les questions relatives aux divorcés remariés, à l’« identité de genre et à l’orientation sexuelle » y figurent bel et bien comme devant faire l’objet de discussions ultérieures. Aucune porte n’a été fermée, hormis peut-être celle concernant l’ordination sacerdotale des femmes. En s’appuyant sur la « voie synodale » allemande, Mgr Wiesemann anticipe sans doute, mais il se situe délibérément dans la logique d’« ouverture » qui a également été celle du « synode » romain. Synode qui n’en est pas un, puisqu’il ne respecte pas les conditions de la tenue d’un synode des évêques, puisque des laïcs (y compris des femmes) y ont eu même droit de vote que les successeurs des apôtres…

 

Pas de rappel à l’ordre pour l’évêque de Spire

Et à ce jour, sauf erreur, il n’y a pas eu de recadrage de cet évêque allemand qui réclame de ses prêtres qu’ils bénissent non pas des pécheurs réclamant l’aide de l’Eglise pour vivre conformément au bien, mais leurs péchés que Dieu a « maudits » en les qualifiant d’actes mauvais.

Cerise sur le gâteau, Mgr Wiesemann a institué une sorte de droit à l’objection de conscience pour les prêtres se refusant à de tels – osons le mot – blasphèmes. Mais comme cela se passe aujourd’hui pour l’avortement, ces réfractaires devront renvoyer les demandeurs à des pasteurs plus accommodants… ce qui revient à exiger une coopération au mal.

Il écrit en effet : « Si vous ne pouvez pas concilier une telle bénédiction avec votre conscience et votre compréhension de la foi, je respecte votre décision. Mais dans ce cas, adressez les couples qui demandent une bénédiction à l’ordinariat épiscopal. Là, ils pourront à l’avenir s’adresser à un service de médiation du Département I – Aumônerie, qui les orientera vers des aumôniers de leur région sur la base d’une liste. »

En attendant de mettre sur pied des directives pour les cérémonies de bénédiction elles-mêmes, la lettre de Mgr Wiesemann propose aussi de s’inspirer des cérémonies de bénédiction des couples (y compris homosexuels) proposées par l’action pastorale familiale du diocèse de Spire, un livret de 52 pages qui propose notamment que cela se fasse au cours d’une « cérémonie de la parole » avec des lectures de l’Ancien et du Nouveau Testament, des cantiques, la récitation du Notre Père et d’autres éléments qui renvoient à la « liturgie de la parole » de la nouvelle messe.

 

Bénédiction de couples homosexuels et simulacres blasphématoires

On y trouve cet exemple de bénédiction, rien n’y est oublié, pas même les alliances :

« La bénédiction de Dieu est l’amour qui vous unit, N.N. et N.N., la bénédiction de Dieu est la fantaisie et le désir qui vous animent tous les deux et qui nous enrichissent tous ; elle est comme la paix qui nous rend tous satisfaits et heureux de vivre ensemble. La bénédiction de Dieu est la sollicitude qui vous rend attentifs et nous tient tous éveillés, ainsi que la force qui nous permet de supporter patiemment les souffrances que nous combattons, si nécessaire. La bénédiction de Dieu, c’est la communion entre nous et avec Dieu qui nous soutient. La bénédiction de Dieu, c’est la confiance et la foi en nous-mêmes, et l’espérance en Dieu qui nous conduira à la perfection. Que cette bénédiction de Dieu se dépose sur vous. Et que les anneaux que vous porterez restent un signe éternel du souvenir de cette bénédiction : du Père qui nous a créés, du Fils qui nous a rachetés et du Saint-Esprit qui imprègne et anime toutes choses. »

Voici la traduction intégrale de la lettre envoyée par Mgr Wiesemann aux « prêtres, diacres et responsables de communauté (hommes et femmes) » chargés du « soin des âmes » leur demandant de « bénir les couples remariés ou de même sexe ».

 

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Lettre de l’évêque sur les cérémonies de bénédiction des gens qui s’aiment

 

Chers confères,

Chers collaboratrices et collaborateurs dans le soin des âmes !

 

Depuis un certain temps déjà, nous nous efforçons dans notre diocèse de mettre en place une pastorale attentive, empreinte de la bonté de Dieu pour les couples qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas ou ne veulent pas recevoir le sacrement du mariage. En raison de ma longue expérience pastorale, je suis ému par la grande détresse et le désir profond de nombreuses personnes, souvent profondément croyantes, de recevoir la bénédiction de Dieu et les encouragements bienveillants de l’Eglise pour leur vie commune, avec toutes leurs quêtes, tous les échecs, les nouveaux départs et les retrouvailles heureuses – c’est-à-dire avec ce qui rend la vie humaine si fragile et si précieuse à la fois. Dans ce contexte, la recommandation de Jésus au cœur du Sermon sur la montagne, « Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés » m’est revenue en mémoire. (Mt 7,1) Elle est devenue toujours davantage une clef essentielle pour une pastorale qui vit de l’Evangile de Jésus, telle que je la retrouve également dans la parole souvent citée du pape François : « Qui suis-je pour juger ? »

Tant pour ce qui est des croyants dont le mariage a été rompu et qui se sont remariés, qu’en ce qui concerne tout particulièrement les personnes orientées vers le même sexe, il est urgent – au vu notamment d’une longue histoire de blessures profondes – de trouver une autre attitude pastorale inspirée de l’Evangile, comme beaucoup d’entre vous la pratiquent d’ailleurs depuis longtemps. C’est pourquoi j’ai défendu, dans le cadre de la voie synodale, une réévaluation de l’homosexualité dans l’enseignement de l’Eglise et j’ai également voté en faveur de la possibilité de célébrations de bénédictions pour les couples de même sexe. Je reste fidèle à cette position. J’espère que cette question urgente de notre temps pourra également connaître un bon développement sur la voie du Synode mondial.

Sur cette voie, avec et dans l’Eglise universelle, nous osons et devons même nous demander comment nous pouvons aller à la rencontre de ceux qui, de par leur foi sincère, nous demandent la bénédiction de Dieu sur leur communauté de vie, comment nous pouvons leur promettre, par la bénédiction, la proximité de Dieu qui accompagne leur chemin de vie et leur apporte le salut, et leur donner ainsi un signe de l’Eglise qui montre qu’ils font partie intégrante de notre communauté. La bénédiction au nom de l’Eglise témoigne vis-à-vis de ces croyants qu’ils ne sont pas laissés seuls par Dieu dans leur situation, elle veut les encourager à trouver leur chemin avec Dieu dans la communauté de l’Eglise. Il est clair qu’il ne s’agit pas de la célébration d’un sacrement, mais d’une bénédiction. La tâche la plus noble de l’Eglise est de témoigner de l’amour, de l’affection et de la miséricorde illimités et inconditionnels de Dieu. Les actes de bénédiction répondent aux aspirations profondes des hommes au salut, à la reconnaissance et à la sécurité. Il s’agit ici de développer une pastorale de l’attention qui soit sensible aux blessures souvent subies par les personnes dans le cadre de l’Eglise. La fidélité et l’engagement vécus parfois dans un grand esprit de sacrifice dans de telles relations, et qui témoignent donc de notre foi chrétienne, ont certainement leur propre valeur aux yeux de Dieu et participent donc aussi à l’histoire du salut et des bénédictions de Dieu envers son peuple.

C’est pourquoi je vous demande, vous les femmes et les hommes qui prenez soin des âmes dans notre diocèse, d’aller vers ces croyants avec une grande sensibilité pastorale et, s’ils le demandent, de chercher avec eux des chemins qui leur conviennent, afin qu’ils puissent faire l’expérience de la bénédiction de Dieu sur leur chemin de vie commun. Personne n’est obligé de participer à de telles bénédictions, mais il découle également de ma demande que personne ne doit craindre de sanctions s’il organise de telles bénédictions. Au contraire, je tiens à ce que nous donnions à ces croyants un signe clair de la proximité de Dieu dans la communauté de l’Eglise.

Il se peut que le cadre domestique (éventuellement avec bénédiction du logement commun) soit plus adapté à l’octroi de la bénédiction. Mais une célébration de bénédiction peut tout aussi bien avoir lieu à l’église ou dans un autre lieu approprié. La célébration doit se distinguer d’une cérémonie de mariage à l’église par ses paroles et ses signes et doit explicitement être un acte de bénédiction qui renforce l’amour, l’engagement et la responsabilité mutuelle dans la relation de couple. Il faut faire preuve ici d’empathie et de discrétion.

Un guide de la Conférence épiscopale allemande avec un formulaire de bénédiction approprié est en cours d’élaboration. En attendant sa finalisation, le guide de l’Arbeitsgemeinschaft für katholische Familienbildung und -pastoral (AKF e.V.) peut servir d’orientation et de ligne directrice. Cette publication de 52 pages peut être téléchargée sur le site de l’AKF (Arbeitsgemeinschaft für katholische Familienbildung e.V.) sous le lien www.akf-bonn.de.

Si vous ne pouvez pas concilier une telle bénédiction avec votre conscience et votre compréhension de la foi, je respecte votre décision. Mais dans ce cas, adressez les couples qui demandent une bénédiction à l’ordinariat épiscopal. Là, ils pourront désormais s’adresser à un service de médiation du Département I – Aumônerie, qui les orientera vers des aumôniers de leur région sur la base d’une liste.

A cet égard, je suis reconnaissant aux aumôniers qui sont prêts à diriger de telles cérémonies de bénédiction dans le diocèse, même au-delà de leur propre secteur pastoral. Afin d’établir la liste des personnes à contacter, je vous prie de vous inscrire auprès de l’ordinariat épiscopal à l’adresse e-mail segenspenden.bistum-speyer.de jusqu’à la mi-novembre.

Je vous invite tous cordialement à la formation continue « Valoriser la diversité » le mercredi 15 novembre 2023 de 14h à 17h au Caritas Altenzentrum St. Hedwig, Leipziger Straße 8, Kaiserslautern. Vous pourrez y échanger vos expériences et trouver des réponses à vos questions (inscription à : pfarrei-lebensraeumebistum-speyer.de).

La demande de bénédiction de nombreux couples révèle une aspiration profonde à pouvoir organiser leur vie commune sous la protection et la direction de Dieu. Il s’agit d’un désir de Dieu qui va au-delà des frontières établies jusqu’à présent. Cette aspiration doit être prise au sérieux et renvoie à la promesse biblique de la présence de Dieu là où sont la charité et l’amour. En offrant la possibilité de célébrer des bénédictions, nous voulons rendre justice à la fois à la miséricorde de Dieu et à la situation des personnes.

Laissez-nous parcourir ce chemin ensemble, et en maintenant le dialogue.

Avec mes remerciements les plus sincères pour votre service pastoral et dans la prière,

Vôtre,

 

+ Dr. Karl-Heinz Wiesemann

évêque de Speyer

 

Copie de la lettre :

– A tous les collaborateurs du diocèse

– A tous les membres de l’assemblée diocésaine

 

Traduction par Jeanne Smits