Le synode fonctionne-t-il comme une assemblée soviétoïde ?

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Le site libertaddigital.com a publié il y a quelques jours un commentaire sur le mode opératoire du synode sur la famille sous la plume de Francisco Soler Gil, professeur titulaire d’histoire de la pensée à l’université de Séville. Il ne cherche pas à s’intéresser aux arguments sur la doctrine et la pastorale ni même aux tensions qui entourent le synode mais plutôt à la manière dont il fonctionne, comment le pouvoir s’y exprime, quel peut être son poids. Le titre de l’article pose cette question : « Le pape François est-il de gauche, voire d’extrême gauche? » L’ensemble de la réponse est intéressante mais le point le plus parlant de son argumentation porte sur l’organisation soviétoïde du synode. Car s’il est difficile d’accuser le pape d’être d’extrême gauche – lui-même récuse cette idée – il n’est pas inutile de tirer quelques parallèles.
 
C’est ce que fait Francisco José Soler Gil en dénonçant sinon une pensée de gauche, au moins une « mentalité de gauche » qui trouve sa « preuve » dans « le despotisme déguisé en participation et en collégialité ».
 

Francisco Soler Gil dénonce le fonctionnement très orienté du synode sur la famille

 
« Ceux d’entre nous qui avons un certain âge, nous nous souvenons encore des engageantes assemblées du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique – ces assemblées aux discours interminables, ponctués d’applaudissements non moins interminables, qui prêtaient au régime soviétique une apparence de structure participative. Néanmoins, mis à part leur indéniable valeur cosmétique et folklorique, tout le monde savait que le résultat des votes et des débats étaient décidé au préalable par le politburo du Parti : le petit groupe entourant le despote de service. Que ce fût Lénine, Staline ou Brejnev. La gauche est ainsi : despotique et liberticide par nature, mais désireuse cependant de donner une image de participation. Elle aime que l’assemblée décide, mais qu’elle décide ce que dicte le Grand Leader. »
 
Ce n’est certes pas une assemblée de parti politique qui vient de s’ouvrir à Rome, note Francisco Soler Gil, mais un synode de l’Eglise catholique : un synode que le pape a voulu marqué par « l’absolue transparence qui construit la synodalité authentique et la véritable collégialité ».
 

Représentation, instrument de travail, assemblée à huis clos, rédacteurs du rapport final : dans ce synode, tout est verrouillé

 
Première remarque : la représentation n’est pas conforme à la réalité, vu « le nombre disproportionné de pères synodaux désignés par le pape et dont le penchant idéologique est sans équivoque ».
 
Deuxième point : l’Instrumentum laboris qui sert de base de travail pour les discussions n’est pas moins orienté : « Ce parti pris coïncide exactement avec celui qu’on observe chez les pères synodaux désignés par le pape. La manœuvre est même si grossière qu’elle a provoqué une déclaration de réprobation signée par plus de cinquante théologiens et philosophes parmi les plus distingués du monde catholique ».
 
Troisième point : les discussions se tiendront à huis clos, « sans lumières ni tachygraphes ». Seules sont prévues des conférences de presse dirigées par le P. Lombari ou le cardinal Baldisseri dont le rapport avec la réalité « est souvent diffus, confus, pour ne pas dire créatif ».
 
Quatrièmement : le document final du synode dépend pour sa rédaction et sa coordination d’un groupe de pères synodaux qui sont, une fois de plus, « sur la ligne favorisée par le pape ». « La structure de la division du travail synodal a été conçue de manière à ne pas favoriser la limitation depuis l’extérieur des coordinateurs et des rédacteurs, faute de contrôles suffisants », commente Soler Gil.
 
En outre, souligne celui-ci, « nous avons su ces derniers jours qu’un groupe d’une trentaine de personnes était réuni depuis plusieurs semaines autour du pape, ébauchant déjà au préalable les dispositions post-synodales. Mais oui. Ces dispositions dont on suppose qu’elles devraient être adoptées en fonction des débats et des réunions du synode ».
 

Le fonctionnement soviétoïde du synode dit quelque chose sur la politique du pape François

 
Sa conclusion est cinglante : « Voilà là scène. Voilà le spectacle auquel nous assistons et auquel nous allons continuer d’assister au cours des prochaines semaines. Cela vous rappelle-t-il quelque chose ? Eh bien, que chacun en tire les conclusions qu’il juge opportunes. Quoique, pour faire honneur à la vérité, il m’incombe de faire part d’une notable différence : la langue du synode ne sera pas le russe. »
 
L’Eglise n’est certes pas une démocratie. Il n’empêche que même en monarchie, le conseil du roi est là pour… conseiller, pour être entendu. Il y a une différence entre l’affirmation du pouvoir par le pape, fût-ce contre son conseil, au motif de sa mission divine – comme ce fut le cas avec la publication d’Humanae vitae – et l’espèce de dynamique de groupe que l’on met en place pour arriver à un résultat fixé d’avance.
 
Il ne reste qu’à espérer qu’il n’en sera pas ainsi parce que l’Eglise, après tout, n’est pas le Parti communiste, ni même un parti. Mais le simple fait qu’on en soit arrivé à poser des questions à la manière de Francisco José Soler Gil indique à quel point la confusion est grande.
 

Anne Dolhein