Le Synode sur la synodalité se complaît dans une certaine opacité qui n’augure rien de bon, si l’on veut bien se rappeler que l’Esprit-Saint est Celui qui révèle ce qui est caché, et que le Christ a dit : « Que votre oui soit oui, que votre non soit non. » Le vaticaniste Edward Pentin vient de souligner à quel point cette culture du secret préside à la communication autour du Synode, car non content de refuser de répondre aux questions quant à l’identité des membres des différents petits groupes de travail qui planchent actuellement, à raison d’un paragraphe de l’Instrumentum laboris par table, le Vatican refuse également de partager avec les journalistes la liste complète des personnes chargées de rédiger le rapport de synthèse final, qui rassemblera toutes les contributions des petits groupes et des congrégations générales. Avec un pouvoir d’orientation évident, qu’on a déjà vu à l’œuvre dans la rédaction des rapports nationaux et continentaux à l’issue des consultations préalables de « la base ». Ce que l’on sait, c’est que les deux secrétaires spéciaux du Synode, qui seront donc assistés par ces anonymes, sont connus pour s’être déjà exprimés favorablement sur l’homosexualité.
Qu’en est-il des anonymes, justement ? Qu’y a-t-il à cacher à leur propos ?
Le porte-parole du Synode, Paolo Ruffini, directeur du Dicastère pour la communication, a déclaré aux journalistes le 11 octobre que les principaux rédacteurs, les deux secrétaires spéciaux du Synode, sont assistés par des « experts » synodaux qu’il a appelés « sherpas », mais il a ajouté que « cela n’a pas de sens de donner leurs noms », rapporte Edward Pentin.
Et cela va plus loin : « Certains participants au synode ainsi que certains membres du conseil ordinaire – des prélats qui jouent un rôle important dans le déroulement général du synode – n’ont pas non plus été informés de l’identité précise des rédacteurs du document », a appris le journaliste.
L’opacité autour des rédacteurs de la synthèse finale laisser poindre une tendance favorable à l’homosexualité
Paolo Ruffini a déclaré aux journalistes qu’il était « suffisant de connaître » les noms des 13 membres de la commission du rapport de synthèse, annoncée le 10 octobre, dont la tâche, selon les statuts du synode, « n’est pas de rédiger, mais de superviser périodiquement, d’amender et d’approuver la préparation du projet de rapport en vue de sa présentation à l’assemblée ».
Le volume des interventions exige cependant un important travail d’équipe pour aboutir à une synthèse que toute l’assemblée sera appelée à approuver : ce sera la feuille de route vers la deuxième étape du synode en octobre 2024, notamment par le biais du choix des thèmes retenus pour cette deuxième discussion.
Edward Pentin précise le mode opératoire : « Chaque cycle de discussion – ou module – sera résumé et soumis au vote. Ces modules sont ensuite discutés dans des assemblées générales impliquant tous les participants au synode (bien que le manque de temps signifie en pratique que seul un nombre relativement restreint d’entre eux ont l’occasion de partager leurs points de vue). Vers la fin de l’assemblée, une assemblée générale recevra le texte intégral du rapport de synthèse et les participants auront une dernière chance d’incorporer d’éventuels amendements avant que le document ne soit renvoyé à l’assemblée pour un vote final. »
Les deux secrétaires spéciaux pro-gay du Synode sur la synodalité
Les deux « secrétaires spéciaux » de l’assemblée chargés de préparer le document avec l’aide des experts synodaux sont déjà connus : il s’agit du père jésuite italien Giacomo Costa, déjà à l’œuvre l’an dernier pour créer la « task force de synthèse » pour l’étape continentale du synode, et de Mgr Riccardo Battocchio, recteur de l’Almo Collegio Capranica et président de l’Association théologique italienne.
Edward Pentin rappelle que les deux prêtres se sont intéressés publiquement à la question de l’homosexualité, qui a fait l’objet d’un « débat » au cours de ce synode.
Le père Costa a ainsi soutenu la législation italienne contre l’homophobie en 2021, à laquelle s’étaient opposés les évêques italiens et le Vatican, et qui n’a finalement pas été adoptée par le Sénat italien. Mgr Battocchio a pris la parole lors de la présentation en 2015 d’un livre intitulé Homosexual Love, qui visait à ouvrir la discussion sur le sujet qui avait émergé lors du Synode extraordinaire sur la famille de 2014.
Les experts « sherpas » qui participeront à la rédaction de la synthèse finale auront, à leurs côtés, un poids considérable. Or selon Pentin, citant des sources personnelles, deux d’entre eux sont en réalité connus et devraient en être les auteurs principaux : Anna Rowlands, professeur associé de pensée et de pratique sociales catholiques à l’université de Durham, en Angleterre, et membre du Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, et le père Eamon Conway, prêtre de l’archidiocèse de Tuam, en Irlande, actuellement professeur de développement humain intégral et de théologie systématique à l’université Notre Dame, en Australie.
Anna Rowlands, qui a présenté une réflexion théologique au synode le 9 octobre, présente le profil le plus inquiétant à cet égard. Elle a passé deux ans à travailler avec le secrétariat général du synode et le Dicastère pour la promotion du développement humain intégral, rapporte Pentin. « Elle a notamment travaillé en étroite collaboration avec l’équipe chargée de gérer le processus synodal global et, l’année dernière, elle a joué un rôle clé en collaborant avec le père Costa à la rédaction du rapport de l’étape continentale, dans lequel elle soulignait l’importance de confier davantage de rôles de direction aux femmes dans l’Eglise, arguant du fait que cet aspect était fréquemment mis en avant dans les rapports qu’ils avaient reçus. »
Elle est une proche alliée d’Austen Ivereigh, le biographe-hagiographe du pape François que ce dernier a nommé parmi les « facilitateurs » du Synode, et partage avec lui les mêmes tendances progressistes comme le montrent ses « partages » sur les réseaux sociaux. Elle est devenue un poids lourd du Synode en cours.
Des cardinaux triés sur le volet
Edward Pentin conclut : « Une fois le document rédigé, il sera transmis aux membres de la commission du rapport de synthèse, qui comprend le cardinal Hollerich, le cardinal Mario Grech, secrétaire général du secrétariat du Synode, le cardinal Fridolin Ambongo Besungu de Kinshasa (Congo), le cardinal Gerald LaCroix du Québec, le cardinal George Marengo, préfet apostolique d’Oulan-Bator (Mongolie) et l’évêque Shane Mackinlay de Sandhurst (Australie). »
Le progressisme de Hollerich, qui a plaidé pour un changement de l’enseignement de l’Eglise sur l’homosexualité, est connu. Mario Grech avait dès le synode sur la famille dénoncé le langage « blessant » du Catéchisme de l’Eglise catholique sur les homosexuels et s’était dit favorable aux unions « gay » ; il avait également soutenu l’interprétation d’Amoris laetitia dans le sens d’une ouverture de l’accès à la communion pour les divorcés remariés.
Le cardinal Besungu a beau être africain – il préside le Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar – et donc réputé « conservateur » en matière de morale sexuelle, il a déclaré que le résultat du synode serait en tout état de cause « la volonté de Dieu » et que « le Seigneur lui-même, par le biais d’un discernement collectif », dira aux participants si les bénédictions des couples homosexuels doivent être autorisés.
Mgr Mackinlay, enfin, a déclaré qu’il était en faveur de l’ordination de femmes comme diacres.
Rappelons que ce synode, qui n’est pas un synode des évêques puisque des simples prêtres et des laïcs y ont droit de vote, ne peut rien décider de lui-même. Mais tout semble organisé et préparé pour que ses conclusions et ses recommandations aillent dans un certain sens. Un sens impossible, puisque la doctrine et l’enseignement de l’Eglise ne changent pas. Mais l’artillerie lourde est de sortie.