Malgré un accord financier portant sur 6 milliards d’euros accordés à la Turquie pour reprendre des migrants illégaux, trois fois plus de réfugiés sont passés de la Turquie vers l’Union européenne que l’inverse. La Turquie, depuis la signature de l’accord en mars dernier, a repris 801 migrants très exactement, tandis qu’elle en transférait 2.672 vers l’UE. Les chiffres sont certes largement inférieurs à ce qu’ils étaient l’an dernier, alors que la Turquie accueille actuellement plusieurs millions de réfugiés. Mais les flux se sont simplement détournés : aujourd’hui, la route principale empruntée par les passeurs et leur « marchandise humaine » est celle, bien plus périlleuse pour les migrants, de la mer, depuis l’Afrique du Nord et spécialement la Libye.
6 milliards d’euros, donc, pour trois fois rien : quelques milliers de dossiers réglés, et des conditions de vie des réfugiés en Turquie toujours dénoncées par les militants des droits de l’homme. Et tandis que l’accord de principe prévoyait une quasi égalité entre les transferts, on voit que le déséquilibre s’est installé. L’Union européenne avait accepté d’offrir une place à un réfugié syrien dûment doté du statut légal pour tout clandestin renvoyé vers la Turquie.
La Turquie devait reprendre autant de clandestins que l’UE recevrait de réfugiés patentés
En pratique, les renvois vers la Turquie sont bien moins nombreux et s’étiolent d’ailleurs : la moitié d’entre eux ont eu lieu dans les deux mois suivant la signature de l’accord, puis le nombre de nouveaux « déportés » a fortement décru au cours des mois suivants. Voilà pour les flux officiels, le chiffre de 2.672 Syriens acceptés en Europe, dont plus de 1.000 officiellement accueillis en Allemagne, étant celui d’un rapport de la Commission de Bruxelles.
Selon Deutsche Welle, les passages illégaux depuis la Turquie vers la Grèce ne cessent quant à eux d’augmenter en nombre, spécialement depuis le putsch raté contre le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Moins empruntée, certes, en raison de l’accord entre la Turquie et l’UE, la route des Balkans est toujours séduisante.
Tous chemins confondus, la situation est toujours très loin d’être réglée. Alors que l’Italie connaît un afflux par voie de mer en augmentation de 20 %, l’Allemagne a enregistré en 2016 quelque 320.000 nouvelles demandes d’asile. On n’atteint pas les chiffres de l’an dernier mais le total reste énorme, d’autant qu’il s’ajoute au gros million décompté de manière imprécise en 2015.
L’agence Frontex, elle, fait état d’une remontée importante des entrées des clandestins depuis l’Afrique du Nord.
Trois fois plus de migrants pour un plan à 6 milliards
Il semblerait que les 6 milliards d’euros remis à la Turquie n’aient finalement fait que déplacer le problème.
Problème appelé à s’accroître. Selon les services du renseignement militaire d’Autriche, la croissance de la population et l’augmentation du chômage en Afrique vont ajouter quelque 15 millions de personnes au « surplus » de la population active sur le continent. Et de mettre en garde : si l’Union européenne ne modifie pas sa politique d’asile et si elle ne consacre pas plus d’argent à l’aide au développement dans les pays les plus affectés en Afrique, cette armée de jeunes qui ne trouveront pas de travail chez eux sera tentée de rejoindre l’Europe pour y trouver une vie meilleure. Il devient urgent de mieux protéger les frontières extérieures de l’Union européenne, selon le rapport cité par Bild.
Le rapport part d’un présupposé européiste : ce serait forcément à l’UE de régler le problème, moyennant force subventions, et non aux pays souverains. Or une partie du problème est précisément liée à cet immense espace sans frontières installé dans une partie de l’Europe.
Le rapport ne considère pas non plus la force peut que représenter pour l’Afrique une population active jeune et nombreuse, à condition de ne pas être entravée par les problèmes politiques propres au continent noir. Mais c’est une autre histoire.