En refaisant l’enquête que le FBI avait ébauchée avant de se désintéresser d’Omar Mateen, les autorités américaines découvrent que le responsable de la tuerie d’Orlando entretenait des liens étroits avec l’islam et le terrorisme, en Amérique et au Proche-Orient. La thèse médiatique du déséquilibré violent s’effondre.
Omar Mateen a fait deux voyages en Arabie saoudite, l’un de dix jours en 2011, l’autre de huit en 2012. Des déplacements à quatre mille dollars, selon l’agence musulmane Dar es Salaam où il avait acheté ses billets. Le tour comprenait La Mecque, Médine et des journées libres, avec des hôtels de luxe. Pourtant Omar Mateen était un jeune homme pas très riche, ayant tenté sans succès d’entrer dans la police, s’étant fait licencier d’un poste de gardien de prison et ayant fini par trouver une place dans une société de sécurité privée, où il apprit l’usage des armes qui lui ont servi pour la tuerie d’Orlando.
Omar Mateen à La Mecque : Oumra ou terrorisme ?
Le but invoqué par Omar Mateen pour ses voyages en Arabie saoudite est l’oumra. Ce petit pèlerinage à la Mecque, d’origine pré musulmane, n’a rien d’obligatoire, mais il présente l’avantage par rapport au Hadj de pouvoir se faire à n’importe quel moment de l’année et de laisser du temps libre. Il est extraordinaire pour un musulman de le faire deux années de suite. « Ce n’est pas donné et les jeunes n’y vont pas deux fois, estime Adnan Khan, ancien patron du conseil pour les affaires pakistano-américaines. Surtout quand on n’appartient pas à une famille très pratiquante », ce qui était le cas d’Omar Mateen.
Pour Ryan Mauro, analyste de la sécurité nationale américaine au Clarion Project, un institut de recherche sur le terrorisme global situé à New York, c’est le « signal rouge » qui indique le lien entretenu avec l’islam radical. « Un voyage unique en Arabie pourrait être dû à l’oumra, mais le second, qui a donné lieu à une visite aux Émirats arabes unis montre que le pèlerinage était une couverture ». D’autant que l’itinéraire d’Omar Mateen sur place reste inconnu : « Il est tout à fait possible de s’embarquer pour l’Arabie saoudite et de faire une extension dans un pays comme le Yémen. Quand on rapproche cela de la relation entre Omar Mateen et un imam d’Orlando condamné pour aide au voyage du djihadisme international, il est fort probable que ces séjours en Arabie saoudite n’étaient pas bénins. » Rappelons qu’Al-Qaïda est installée depuis longtemps au Yémen, que Daech vient de s’y implanter et que de nombreux moudjahidines américains vont s’y entraîner.
La tuerie d’Orlando au nom de l’islam
Les liens entre Omar Mateen, l’islam et le terrorisme sont établis aussi par ses propres déclarations pendant la tuerie d’Orlando. Au cours de plusieurs appels passés au 911 pendant qu’il retenait une part de ses victimes en otages, il a non seulement professé son obéissance à Daech et son admiration pour le mollah Abou Bakr el Baghdadi mais aussi son soutien admiratif aux adeptes de l’islam suicidés à l’explosif sur le parcours du marathon de Boston en 2013. Enfin, l’enquête de proximité près du logement qu’occupaient Omar Mateen, son amie et leur enfant montre un couple peu expansif et ne manifestant pas d’engouement ostentatoire pour l’islam, mais des proches affirment qu’il arrivait au jeune homme de louer le terrorisme et ses divers prophètes.
On tiendra un détail, pas nécessairement anecdotique : né à New York, Omar Mir Seddique, l’homme de la tuerie d’Orlando, a changé son nom en 2006 pour celui de Mateen, qui signifie « fort, puissant », en arabe. Mais on considérera comme beaucoup plus sérieux, avec le gouvernement américain lui-même, la réévaluation des liens entre Omar Mateen et Moner Abu-Salah, l’homme qui s’est fait sauter avec seize tonnes d’explosif dans un bâtiment administratif syrien sur l’ordre d’Al Nosra en mai 2015. Au début de 2014, le FBI avait découvert que les deux hommes fréquentaient la même mosquée dans l’est de la Floride, mais classait l’affaire, jugeant « l’association minimale ». Aujourd’hui, le gouvernement américain estime les liens entre Omar Mateen et Moner Abu-Salah « plus profonds ».
La thèse du loup solitaire s’effondre
Selon le directeur du FBI James Comey, un témoin qui a identifié Omar Mateen pendant l’enquête menée sur Abu-Salah a affirmé que Mateen regardait des vidéos de l’imam américain Anouar el-Aouakli, terroriste d’Al-Qaïda qui figure sur la liste noire de la CIA. Sans qu’il s’agisse d’une preuve irréfutable, c’est au moins un signe très fort de lien étroit avec le terrorisme islamique. Les espoirs du terrorisme élevés en Amérique ont en effet pour passage obligé de lire El-Aouakli. Tashfeen Malik et Sayed Faruk l’ont fait avant d’aller tuer quatorze personnes à San Bernardino et décembre 2015. Les deux artificiers du marathon de Boston en ont fait autant avant d’aller poser leurs bonbonnes de gaz en 2013. Et quatre ans avant, Nidal Hasan avait échangé des courriels avec cette conscience du terrorisme avant d’aller faire le coup de feu à Fort Hood.
Voilà quelques éléments concrets qui mènent à ne pas voir dans la tuerie d’Orlando le geste d’un loup solitaire, ni dans Omar Mateen un atrabilaire haineux, homosexuel rentré retournant sa phobie sur soi-même et sur les autres : il était bien lié à l’islam et au terrorisme.