Depuis quatre ans, la Turquie n’a jamais montré la moindre volonté de combattre l’Etat islamique en Irak ou en Syrie : elle a même laissé sa frontière avec la Syrie ouverte, permettant ainsi le passage de milliers de djihadistes venus rejoindre le Califat par la Turquie et assurant également la logistique de l’Etat islamique et ses exportations de pétrole. En d’autres termes, l’invraisemblable passivité de la Turquie dans la guerre voisine n’était que relative : il s’agissait plus exactement d’un rôle indirectement actif.
Mais lundi soir, un partenariat a été conclu entre les Etats-Unis et la Turquie pour renforcer leur coopération militaire et tenter d’éradiquer l’Etat islamique en Syrie. Cette bonne nouvelle doit néanmoins être tempérée : le véritable objectif de la Turquie est d’abord de détruire le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le mouvement kurde qu’elle a en horreur.
La Turquie bombarde l’Etat islamique avec les Etats-Unis mais continue à cibler aussi les Kurdes
Pourtant, sur le terrain, le PKK se bat contre l’Etat islamique de manière continue et efficace. Le combattre aujourd’hui, c’est continuer à faire le jeu de l’Etat islamique, malgré les quelques bombardements conduits avec les Etats-Unis.
La Turquie a été très claire sur ce point : elle continuera à frapper les rebelles kurdes jusqu’à ce qu’ils déposent les armes. Dans un autre temps, la Turquie se félicite de cet accord avec les Etats-Unis qui vise, selon un officiel américain, à « établir une zone débarrassée de l’Etat islamique et d’améliorer la sécurité et la stabilité le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie ».
Depuis vendredi, l’armée turque a donc mené plusieurs raids aériens, et Ankara a enfin autorisé les américains à utiliser la base d’Incirlik, dans le sud du pays, pour bombarder l’Etat islamique en Syrie comme en Irak. L’interdiction si longtemps faite à la coalition d’utiliser les bases turques proclame au monde entier où vont les préférences d’Ankara.
La Turquie et les Etats-Unis continuent à soutenir les rebelles « modérés » en Syrie
Depuis des mois, les Kurdes combattent activement l’Etat islamique sur le terrain, mais l’accord passé avec les Etats-Unis ne prévoit pas de les soutenir, au moins sur ce point précis.
Selon un responsable américain, cet accord impliquerait un soutien turc aux « partenaires au sol » des Etats-Unis, à savoir… les fameux rebelles « modérés » dont aucun Syrien n’a jamais pu observer la modération.
A peine la Turquie était-elle entrée en guerre contre l’Etat islamique qu’elle bombardait également les bases arrières des rebelles du PKK dans le nord de l’Irak. Les Kurdes de Syrie ont quant à eux accusé la Turquie d’avoir ouvert le feu contre deux villages de la province d’Alep (nord de la Syrie)…
La Turquie s’en cache à peine, puisqu’elle a promis de continuer son combat contre les Kurdes « jusqu’à ce que [elle] parvienne à un certain résultat ». Le porte-parole du département d’Etat américain, John Kirby, a affirmé de son côté que la Turquie avait « le droit de se défendre » contre le PKK. Sur le terrain, les forces « alliées » continuent donc à combattre les Kurdes et soutenir des rebelles « modérés » qui sont plus intéressés par la chute du gouvernement syrien que par celle de l’Etat islamique. En clair, l’Etat islamique est encore une fois un vecteur de communication. Le vrai but – déposer Bachar el Assad et détruire les Kurdes – reste inchangé.