Ukraine : le nouvel accord de Minsk ne lève pas le scepticisme

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Angela Merkel et François Hollande auront rejoué la course contre la montre, jeudi à Minsk, pour obtenir à l’arrache-pied un nouvel accord sur l’Ukraine, qui pourrait bien n’être, comme le précédent, qu’un chiffon de papier tant il est vrai que les négociateurs ne se font, sur la question, aucune illusion. Au point que, au terme des discussions, le scepticisme restait de rigueur à la fin d’une rencontre qualifiée, selon une phraséologie récurrente, de la « dernière chance ».
 
Ainsi Angela Merkel pointe-t-elle les « gros obstacles » qui demeurent tant que des « pas concrets » n’auront pas été effectués, et François Hollande s’interroge sur la durabilité de ce succès. Preuve de son incertitude sans doute, le président français a lancé une de ces phrases dont il a le secret, et où chacun peut trouver ce que bon lui semble : « Nous sommes dans un moment qui est crucial, un accord a été obtenu, c’est plus qu’une lueur d’espoir ; et en même temps un moment où tout peut encore se décider dans un sens ou dans un autre, et les prochaines heures seront déterminantes. »
 

Ukraine : le scepticisme européen

 
L’ensemble des dirigeants européens qui, bien que n’ayant pas participé aux tractations, se retrouvaient jeudi après-midi à Bruxelles pour un sommet consacré à cette question – ainsi qu’à celle de la Grèce – affichait d’ailleurs une méfiance très nette. « C’est certainement un pas dans la bonne direction, même si je sais que ça ne règlera pas tout », s’est contentée d’affirmer la responsable de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini.
 
L’accord, finalement signé par les indépendantistes pro-russes et Kiev, a été arraché après seize heures de discussions entre Vladimir Poutine, Petro Porochenko, Angela Merkel et François Hollande. Il prévoit un cessez-le-feu qui entrera en vigueur à partir de dimanche minuit, et le retrait des belligérants afin de créer une zone tampon élargie autour de la ligne de front.
 
Cela risque d’être difficile. Selon un porte-parole de l’armée ukrainienne, en effet, tandis que Vladimir Poutine et Petro Porochenko négociaient, une cinquantaine de chars, quarante lance-roquettes et autant de blindés pénétraient sur le territoire ukrainien depuis la Russie.
 
On notera d’ailleurs que le président russe n’a rien signé. Vladimir Poutine s’est contenté, comme les autres négociateurs, d’une déclaration de soutien au texte, signé par les parties en présence sur le terrain.
 

Le nouvel accord de Minsk

 
Outre le cessez-le-feu et la question des armes, le texte évoque une libération de tous les prisonniers et otages retenus depuis le début du conflit, l’ouverture d’un dialogue politique visant à organiser des élections locales, afin de définir notamment le futur régime des régions de Donetsk et Lougansk, la mise en place d’une amnistie pour tous les combattants impliqués, la levée du blocus économique, etc.
 
Bref, « il reste encore des efforts importants à faire », comme le dit prosaïquement François Hollande. « Au-delà de ces prochains jours, poursuit-il, il sera très important (…) que nous puissions continuer à exercer la pression nécessaire, la vigilance indispensable pour qu’il y ait la paix en Ukraine. » Une notion de la démocratie de plus en plus répandue, qui s’accompagne systématiquement de pressions politique, économique et, si nécessaire, du fracas des armes.
 

La position de Vladimir Poutine

 
Reste à savoir si Minsk II aura plus de succès que son prédécesseur, c’est-à-dire si les mots signifient bien la même chose pour chacune des parties en présence. On peut certes l’espérer, puisque le Kremlin note que « la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine seront respectées ». Même si la question demeure de savoir si Vladimir Poutine considère que les régions qui ont fait sécession font encore partie de l’Ukraine ou non. Ce point pourrait bien, dans les semaines à venir, réserver encore quelques surprises.
 
En attendant, on reparle d’aides à l’Ukraine. Le FMI, par la voix de Christine Lagarde, vient ainsi de proposer de mettre sur la table 17,5 milliards de dollars (sur quatre ans) pour soutenir le projet de réformes. « Les autorités ukrainiennes montrent une détermination et un courage à mener les réformes que nous n’avions jamais vus auparavant », a déclaré la patronne du FMI.
 
L’Union européenne pourrait s’associer rapidement à ce programme d’aides. Mais, sur le plan politico-économique, il y a sans doute plus important : il faut que tant Bruxelles que Washington prennent la mesure de la situation pour décider de lever les sanctions qui pèsent aujourd’hui sur la Russie. Faute de quoi, Vladimir Poutine aurait beau jeu d’estimer que le cadre des accords s’est détérioré…