« Ceux qui, par incompréhension ou sottise voient l’Union économique eurasienne (UEEA) comme une menace ne font que confirmer que le fait qu’un nouveau joueur sérieux a fait son apparition dans le monde qui, probablement, construira les ponts qui manquent », a déclaré le président de la Douma, Sergueï Naryshkine lors d’une conférence internationale à Astana, au Kazakhstan. L’homme politique russe n’a pas qualifié la construction de la nouvelle région économique de nouveau pas vers le mondialisme, mais il a bien présenté l’idée de l’intégration entre Europe et Asie comme une « chance » pour le monde.
L’Europe et l’Asie, a déclaré Naryshkine, ne sont pas des forces qui s’opposent mais « font partie l’une de l’autre » historiquement : « Depuis le début nos nations cherchent à harmoniser le processus d’intégration de l’UE et de l’UEEA pour créer, à l’avenir, un espace européen unique sans divisions depuis Lisbonne à Vladivostok, ainsi que l’avait prévu le président français Charles De Gaulle ».
Le monde doit construire un nouvel ordre mondial sûr, stable et polycentrique, a insisté le président du Parlement russe, où les centres de pouvoir sauraient coopérer plutôt que s’opposer entre eux. Pour Sergueï Naryshkine, l’intégration eurasienne fait partie des aspects les plus positifs de la politique mondiale globale.
Bien entendu, ces paroles se placent dans le contexte des sanctions européennes et occidentales contre la Russie à propos de l’Ukraine, une politique « agressive » qui contredit les lois mondiales du commerce et la loi internationale, selon lui.
L’union économique eurasienne calquée sur l’UE
Mais le sentiment profond est bien celui d’un soutien sans réserves à la création de grandes régions mondialisées où l’union économique eurasienne se targue d’avoir déjà rassemblé cinq pays – la Russie, le Belarus, le Kazakhstan, l’Arménie et bientôt le Kyrgyztan – en vue de l’entrée en vigueur du traité au 1er janvier prochain. Quarante autres Etats ont décidé d’intégrer la zone de libre échange autour de ce bloc, assure Naryshkine. Parmi les Etats qui pourraient avoir des liens privilégiés avec la nouvelle union : la Turquie, Israël, le Vietnam, l’Inde, la Chine…
L’Union économique eurasienne se modèle sans complexes sur les mécanismes de l’Union européenne, avec un conseil et une commission calquée sur celle de Bruxelles, et mettra en œuvre, comme l’Union européenne, la libre circulation des biens, du capital, des services et des personnes, le tout dans le cadre d’une union douanière commune. La monnaie unique est envisagée et pourrait faire son apparition d’ici à cinq à dix ans, selon le vice-Premier ministre Igor Shuvalov (mais avec quelle probabilité d’être réellement instituée ?).
Naryshkine a critiqué au cours de sa conférence l’Ukraine qui a choisi de s’associer avec l’Union européenne. « Un tel choix géopolitique relève bien sûr du droit souverain de tout Etat. Mais lorsque les hommes politiques font des choix ils doivent les fonder sur les positions de toutes les strates de population de toutes les régions de leurs pays. Ils doivent prendre en considération toutes les particularités ethniques et culturelles, ainsi que les intérêts des nations voisines. »
Ce qui montre les limites d’une « intégration » de Lisbonne à Vladivostok, quoi qu’il en dise par ailleurs…