Victoria est une jeune Espagnole, qui, comme beaucoup de compatriotes de sa génération, travaille en Allemagne, à Berlin précisément. Il y a en effet encore du travail, du moins sous-payé, en Allemagne, et plus du tout en Espagne. Mais elle ne parle pas la langue, se contentant d’un anglais international élémentaire. D’où une regrettable pauvreté des dialogues. Son caractère est néanmoins intéressant. Elle souffre d’une forme de dépression, du poids de blessures antérieures, qui expliquent son comportement aberrant. Elle suit en effet une bande de jeunes Berlinois vidés d’une boîte de nuit, de petits délinquants à l’évidence peu recommandables. Elle les accompagne jusqu’à un vol lors d’un transfert de fonds dans une banque, avec ses conséquences. L’amateurisme de ces apprentis gangsters, qui cumulent visiblement les erreurs grossières, n’est pas forcément irréaliste pour autant.
Victoria : la désolation de l’Europe
Le film se distingue par son approche expérimentale fondamentale, fondée sur la démarche du plan continu, et centré sur Victoria. Ainsi, le récit ne comprend-il aucune coupure. Il faut saluer la performance, qui étonnera les cinéphiles. Les autres trouveront par contre bien des longueurs, inévitables de ce fait, mais inutiles. Si la première partie de l’intrigue, lente, peut provoquer quelque ennui, ce n’est pas le cas de la deuxième, beaucoup plus vive et dense. Le spectateur patient est récompensé. Malheureusement, la ville de Berlin n’est pas assez mise en valeur, parti pris délibéré mais dommageable. Certes, l’essentiel de la cité reconstruite après 1945 n’est effectivement pas beau, avec ses barres massives, présentes à l’est comme l’ouest.
L’attitude d’une certaine jeunesse cynique et écervelée, qui aboutit à une impasse sanglante, n’est pas approuvée. A travers Victoria est toutefois rappelé le drame d’une jeunesse européenne laborieuse et de bonne volonté sans guère de perspectives. Ainsi Victoria est-elle scandaleusement exploitée dans son activité de barmaid à quatre euros de l’heure, chose possible dans l’Allemagne d’aujourd’hui. Le tout est aggravé par la solitude affective. Son basculement s’avère compréhensible, et constitue une probable parabole d’une génération à l’avenir inexistant à vue humaine.