GUERRE Voir du pays ♠


 
Voir du pays est fondamentalement un film de guerre. Il a pour particularité de ne pas montrer directement le théâtre de la guerre dont il est question, l’Afghanistan, ou du moins sa reconstitution par un cinéaste. L’Afghanistan est abordé à travers les épisodes dramatiques que reconstituent eux-mêmes les militaires français de retour d’Afghanistan, à l’aide d’images de synthèse, dans une forme de thérapie de groupe imposée par les officiers. Cette expérience obligatoire, avec des supérieurs témoignant d’une bienveillance empressée, au moins en apparence, forme le but de la halte de trois jours dans un hôtel de Chypre. La parole libérée, sur ordre, doit permettre d’effectuer un sas de décompression psychologique entre l’Afghanistan et le retour dans les familles en France.
 
En apparence, ce souci de sas est louable. Trois jours peuvent sembler même court, une semaine aurait été préférable. Par contre l’idée de mêler les militaires et des clients habituels, purs touristes, a été pour le moins une maladresse. Elle a l’air authentique pourtant, comme l’ensemble du film qui sent le vécu. Mais, précisément, Voir du pays est tout sauf édifiant. Les soldats, dans leur nette majorité, résistent sourdement aux injonctions des officiers de libération de la parole : ceux qui seront classés comme « traumatisés », ou « fragiles », auront toutes les chances d’être renvoyés de l’armée. Il y a sûrement toute une culture virile en effet qui n’aime pas les « pleurnicheurs »…Tout ceci n’aide certainement pas à surmonter des traumatismes qui peuvent être trop réels ; et ceux qui joueront franchement le jeu seront perdants. Se pose aussi la question des femmes dans les unités combattantes. Il y a eu beaucoup de viols, angle dont il est question dans le film, et objet d’une omerta assez générale.
 

Voir du pays : à fuir

 
Voir du pays veut aussi poser des questions portant sur le sens des combats : les officiers félicitent les soldats d’avoir défendu la France et la démocratie en Afghanistan. Le premier point est discutable, et la démocratie afghane n’existe pas, aussi peu sympathiques que soient les Talibans.
 
Trop de questions soulevées à la fois aboutissent à un film confus. L’antimilitarisme sous-jacent confine à un point de vue misanthropique, car tous les hommes du film ou presque sont mauvais, et même les femmes-soldats victimes ont eu parfois des comportements irréfléchis ou irresponsables…Les soldats se comportent-ils à l’occasion comme les pensionnaires d’un lycée, faisant le mur lorsqu’ils s’ennuient ? Et ce pour faire de grosses bêtises dehors. On aimerait croire que non. Sur le plan fondamental du spectacle, et un film est un spectacle, Voir du pays est donc à fuir. Et les réflexions qu’ils proposent restent trop superficielles et martelées sans finesse aucune.
 

Hector JOVIEN

 
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