Manipulation du cimetière de Champlan : le facteur humain sonne le maire

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L’inhumation au cimetière de Wissous d’une fillette dont la famille habitait un bidonville à Champlan a provoqué une manipulation politique et morale de première grandeur à laquelle ont pris part le premier ministre et le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Derrière la condamnation du maire au nom de la morale et du facteur humain, cette comédie vise à désarmer un peu plus la France en matière d’immigration.
 
On n’aura pas de sympathie spontanée particulière pour Christian Leclerc. Le bonhomme a appelé à voter Nathalie Kosciusko-Morizet lors des élections législatives de 2012 dans la quatrième circonscription de l’Essonne, peut-être pour la remercier de l’avoir nommé, lui, chevalier de la légion d’honneur dans la promotion de janvier la même année. Elle était alors ministre de l’environnement, et lui, quoi qu’élu maire divers-droite de Champlan, avait festonné son programme d’écologie, étant lui-même président d’une association de protection de l’environnement.
 
Maintenant, qu’a-t-il fait et que lui reproche-t-on dans l’affaire Maria-Francesca qui secoue toute la France politico-médiatique ? De quoi s’agit-il, comme aimait à demander le maréchal Foch avant d’émettre une opinion ? Pour répondre à cette question, il faut procéder de manière chronologique, de façon à suivre pas à pas d’une part les modifications du récit, et de l’autre les réactions aux faits allégués.
 

Le maire accusé d’avoir refusé son cimetière

 
Jusqu’à samedi soir inclus, les choses semblaient simples. Une petite fille de deux mois et demie atteinte du syndrome de la mort subite des nourrissons était décédée dans la nuit du 25 au 26 décembre à l’hôpital de Corbeil, et, selon les pompes funèbres et l’ASEFRR (association de solidarité en Essonne avec les familles roumaines et roms) le maire de Champlan, Christian Leclerc, avait refusé qu’elle soit inhumée dans le cimetière de sa ville. Des déclarations en attestaient. Selon Julien Guenzi, nouveau gérant des pompes funèbres l’Escarcelle à Corbeil, « la famille voulait une inhumation à Champlan car elle y est installée. Elle est chrétienne, très pieuse et voulait pouvoir se recueillir tous les jours. Nous avons donc fait une demande classique auprès de la mairie de Champlan. Mais elle m’a rappelé pour me dire qu’elle était refusée. » Cette phrase ne met pas nommément le maire en cause. Cependant, interrogé par l’AFP, Guenzi affirmait que le maire n’aurait donné « aucune explication », ce qui est son droit : « Il n’est pas obligé de se justifier, mais des réponses comme ça, c’est très rare. »
 
Ici finit le témoignage des pompes funèbres et commence celui des associations. Selon l’Humanité, « contacté par les associations, le maire de la commune où réside la famille a prétexté que la mort du bébé avait été déclarée à Corbeil-Essonnes pour refuser son inhumation dans le cimetière le plus proche du lieu de vie de ses parents. » Le quotidien communiste s’est même fendu d’une annonce gratuite pour la messe d’enterrement : « La petite fille sera finalement inhumée à Wissous, à environ sept kilomètres de Champlan, après une cérémonie à 11 heures à l’Eglise Saint Paul de Massy. » Pourquoi Wissous ? Parce que le maire UMP de Wissous, contacté par une militante écologiste, a trouvé une occasion rêvée d’apparaître sous un jour flatteur. Médecin, il a soigné « la mère endeuillée ». Surpris « qu’on ait refusé l’inhumation », il a « accepté pour ce petit enfant rom » comme pour « n’importe qui, car toute personne a droit à une sépulture décente. (…) Il ne faut pas rajouter de la peine inutile à la détresse d’une maman qui perd son bébé, car c’est terrible ».
 

Entre droit et morale, Champlan au centre d’un torrent de larmes

 
Cette déclaration toute en gentillesse, compassion, grandeur d’âme et modération, est une attaque terrible contre son collègue, et, cela doit être noté dans la suite chronologique, avant que celui-ci n’ait eu le temps de se justifier, au moins de s’expliquer. Elle donne le ton et l’orientation du reste des réactions à venir, et se moule naturellement dans la façon dont les médias, dès le début, racontent l’affaire. Ceux-ci en effet ont insisté dès l’origine sur tout ce qui pouvait aviver la tristesse et l’indignation du lecteur. En se plaçant résolument dans l’émotion et dans la morale. Dans l’humain. La petite s’appelait Maria Francesca, « Maria comme sa grand-mère et Francesca comme la France, où elle est née et où elle reposera ». Elle est morte « le lendemain de Noël ». La religion chrétienne est mise discrètement à contribution : « Sa mère remerciait Dieu d’avoir enfin eu une fille ». Le mot rom prononcé par le maire de Wissous a été le pivot de la campagne médiatique commençante. Marie-Hélène Brelaud, de l’Aseffr, a donné le ton : « Il n’y a pas de mot pour dire toute l’horreur de cette décision, qui montre qu’on ne supporte les Roms ni quand ils vivent ni même quand ils sont morts ».
 
Le président de l’Aseffr, Loïc Gandais, renchérissait : « C’est du racisme, de la xénophobie et de la stigmatisation ». Aussitôt, par solidarité, il décidait que l’Aseffr paierait les obsèques, le cercueil étant à la charge des parents. Mais il annonçait en même temps que son association ne porterait pas plainte contre la décision du maire : « Sur le plan moral, c’est absolument contestable, mais sur le plan juridique on ne pourra pas faire grand-chose. » En effet, à ce moment, toute la presse semblait ainsi lire ainsi la loi en la matière : le maire serait tenu de donner son autorisation seulement dans trois cas, quand la personne à inhumer a son domicile ou son caveau de famille dans la commune, ou quand il y meurt. Or, ce n’était pas le cas de la petite Maria Francesca, morte à Corbeil et dont les parents sont domiciliés auprès du secours catholique des Ulis. Il avait donc latitude de décider comme il l’entendait. Chacun estimait donc que le maire avait le droit de refuser l’inhumation.
 

Plus une certitude, sauf qu’il y a manipulation politique

 
Or, depuis dimanche, toutes ces certitudes ont volé en éclat. Du côté de la loi, un spécialiste du droit funéraire, Me Victor Lima, du barreau de Toulouse, explique que le domicile légal n’entre en rien dans l’appréciation de l’affaire, seul comptant le lieu de résidence effective : or la famille de Maria Francesca habitait, avec une trentaine d’autres, un bidonville sans eau ni électricité situé sur la commune de Champlan, elle pouvait donc être inhumée au cimetière local, et le maire, si cela se confirme, aurait commis un abus. Autre point, selon le Parisien qui l’avait joint par téléphone, Leclerc aurait expliqué ainsi son refus : « Nous avons peu de places disponibles. Nous avons un projet d’agrandissement sur le champ de derrière, mais il coûte plusieurs milliers d’euros. Il nous faut gérer les places au cas par cas, selon les circonstances, et si la famille habite sur place. Les concessions sont accordées à un prix symbolique et l’entretien coûte cher, alors priorité est donnée à ceux qui paient leurs impôts locaux. » Me Victor Lima juge cette justification absurde : « Le code général des collectivités territoriales n’établit aucun lien entre le fait de payer ses impôts locaux et celui de pouvoir être inhumé. »
 
Mais si la décision imputée à Christian Leclerc semble tout à coup privée de ses appuis juridiques, celui qui était censé l’avoir prise nie désormais l’avoir fait. Dans une série d’interviews commencée par BFMTV, le maire de Champlan réfute tout en effet. « A aucun moment » il ne s’est « opposé à cette inhumation ». Ayant le choix entre Corbeil et Champlan pour l’enterrement, il a « dit OK pour les deux (…) un SMS en atteste ». Le reste, c’est une « mayonnaise montée ». Le témoignage des pompes funèbres ? Un simple malentendu. Partant en congé, il a donné consigne à un adjoint qui n’était « pas habitué » à traiter ces choses-là et qui s’est « emmêlé les pinceaux ». De quoi le maire est « désolé ». Il assure la famille de ses condoléances et de sa « compassion ». Mais quid, alors, des explications données au Parisien sur son refus ? Encore un malentendu : pas étonnant, la « liaison était mauvaise ». La journaliste a mal interprété ses propos, les tirant de leur contexte pour les appliquer au cas de Maria Francesca. Or, il lui expliquait seulement comment l’on gère un cimetière, sans qu’il y ait « aucun lien avec la mort de la petite fille ».
 

Champlan : un maire odieux, des associations agressives ?

 
Réagissant à son tour à ces explications, le président de l’Aseffr, Loïc Gandais, s’est dit « abasourdi par ce revirement de position » Pour lui, les choses se sont bien passées comme la presse l’a dit. Le témoignage de Julien Guenzi ? « Pourquoi aurait-il menti ? » Et les explications rapportées par le Parisien sont sûrement vraies.
 
Pourquoi Gandais en est-il si sûr ? Parce qu’en novembre dernier le maire a averti la population d’un cas de tuberculose dans une famille de quatorze enfants roms, ce qui indiquerait chez lui une aversion particulière contre les Roms. Autre « preuve » alléguée, le fait que le maire a regretté la lenteur de la procédure d’expulsion qu’il a lancée contre les Roms de sa commune (130, ce qui en fait la championne de l’Essonne), retoquée trois fois par le procureur de la république. C’est tout de même un peu court. Et l’on aimerait avoir confirmation, après débat contradictoire, des paroles attribuées à Guenzi d’une part, de l’autre à Leclerc par le Parisien.
 
Dans l’état actuel de l’enquête, il est donc impossible de trancher comment se sont vraiment passées les choses : certes Christian Leclerc semble se contredire au fur et à mesure que l’affaire prend de l’ampleur, et l’on voit mal comment, par exemple, un « OK pour les deux » peut se transformer en « Non à Champlan ». Mais ces contradictions ne prennent une valeur dirimante que si l’on fait une entière confiance aux témoins et à la façon dont la presse transmet leurs paroles. Etant donné les précédents sur ce type de dossier, on évitera de donner une opinion définitive. Mais l’important n’est pas là. L’important est la constitution à partir de rien d’une affaire politique grâce à des associations politiques, et à l’exploitation démesurée qui en est faite.
 

Le facteur humain au centre de la manipulation

 
En admettant, par hypothèse, que le maire de Champlan, se soit montré complètement nul dans l’affaire, on doit noter que le charivari politique avait commencé avant qu’on ait la moindre information permettant de trancher, qu’elle a pris immédiatement des proportions inimaginables, avec le concours de toute la classe politique. Et qu’on a parlé tout de suite de racisme, de xénophobie contre les Roms sur la seule foi des associations spécialisées.
 
Donnons quelques aperçus rapides de ce délire. Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat à la famille, parle d’« inhumaine humiliation », Guillaume Garot, député PS de la Mayenne, invite le « combat des valeurs » et Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris, crie à la « honte ». Etant donné l’absence de proximité de ces trois personnages avec un fait divers qui a eu lieu dans l’Essonne, on comprend bien que chacun a couru pour être le premier à s’exprimer sur Twitter et participer à une lapidation en réseaux sociaux. Plus tard, chacun devait y porter sa pierre, le moins ridicule n’étant pas le premier ministre Manuel Valls, toujours parfait dans son rôle de sot solennel : « Refuser la sépulture d’un enfant en raison de son origine : une injure à sa mémoire, une injure à ce qu’est la France. » Sous l’enflure habituelle au personnage apparaissent la posture morale et la thématique qui structurent toute la campagne d’opinion. Avant tout examen, l’acte du maire de Champlan était jugé une bonne fois pour toute raciste et discriminatoire.
 
Pour nourrir cette campagne étaient fournis certains éléments de langage. Par exemple le mot honte. Cet épouvantail moral cher aux campagnes d’agit prop est d’origine américaine et ancienne (« Shame on you mister Pompidou »). Et puis, il y a la référence, fondamentale, à l’humain, aux droits humains, aux valeurs humanistes. Nathalie Kosciusko-Morizet, qui avait à se faire pardonner la légion d’honneur de Leclerc et le soutien que celui-ci lui a porté, n’y a pas été de main morte : « Refus d’inhumer un nourrisson injustifiable : c’est aux antipodes des valeurs humanistes ».
 

La maçonnerie instrumentalise Antigone pour subvertir la France

 
Et le Défenseur des droits (c’est à dire le directeur d’une petite usine à gaz républicaine qui a remplacé le médiateur de la république) Jacques Toubon, tout en se drapant dans ses exigences de « méthode », a annoncé qu’il se saisissait du dossier, avant de rien en connaître. Pourquoi ? Parce que « sur un plan humain, (il est) bouleversé ». Ce « plan humain » est une signature, comme l’est le fait que Loïc Gandais ne poursuive pas le maire tout en le réprouvant : il abandonne le plan « juridique » pour le « plan moral ». C’est rare. Les humanistes ne mettent en général rien au-dessus de la loi civile : ici, ils font des risettes à l’Eglise, défendent le droit des gens très pieux, invoquent le droit antique à être inhumé de manière décente. On croirait entendre Antigone.
 
Et l’on parle de « discrimination devant la mort ». Et l’on voit des écologistes qui par ailleurs militent pour la suppression de l’inhumation préconiser le droit universel au cimetière. Et l’on voit des partisans bruyants de l’avortement gémir et se tordre les mains au nom de la défense des tous-petits. Ce type de contradictions est toujours révélateur. La personnalité du maire de Champlan et l’acte qu’il a vraiment commis importent peu dans cette affaire. Ils sont simplement l’occasion pour la maçonnerie et ses réseaux de poser en principe, et de faire entrer dans les faits, en s’aidant d’un cas qui remue les sentiments, que la puissance publique ne saurait limiter, un tant soit peu, les mouvements de l’étranger. Et si elle le fait ce sera une honte. Un acte anti-humain, barbare, profondément étranger à la France. Les promoteurs de cette campagne se fichent bien de Maria Francesca, ce qui leur importe c’est mettre dans la tête des Français qu’un maire qui s’oppose à une demande d’immigré est une ordure qui commet un acte épouvantable. Ici, il s’agit à proprement parler d’un détournement d’Antigone. Une mouvance qui a dans sa manche les pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, les médias, le soutien des églises et des associations, prétend parler, en jouant sur l’affect, au nom des pauvres et des faibles, le tout pour subvertir le droit et priver un peuple de la faculté d’exercer ses droits. C’est très efficace et c’est à vomir.