Primaires US et Super Tuesday : « l’UMPS » Républicains-Démocrates contre Trump

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Hillary Clinton et Donald Trump sont donnés vainqueurs aux primaires démocrate et républicaine dans plusieurs Etats du «Super Tuesday», le 2 mars 2016.

 
Il faut stopper le soldat Trump semble le dernier film à la mode chez les Républicains, du moins dans les hautes sphères du Grand Old Party qui envisagent de soutenir le candidat des Démocrates si Trump gagne les primaires. Là-bas, l’UMPS est sans complexe. La présidentielle US tourne au bras de fer entre l’établissement des grands partis réunis et un homme qui capte la révolte populaire et populiste.
 
C’est l’affolement chez les Républicains. Caucus après caucus, Donald Trump, le « milliardaire teint », le « démagogue braillard », l’homme qui choque plus vite que son ombre, s’installe très nettement en tête des primaires du Grand Old Party. Les intrigues montées contre lui par l’Establishment du parti échouent les unes après les autres. Le chef de la majorité au sénat, Mitch McConnell, élu du Kentucky, préconisait un vote de défiance de tous les parlementaires républicains à son encontre ; il n’a pas été possible de l’organiser. Paul R. Lepage, gouverneur du Maine, a réuni les gouverneurs républicains pour qu’ils lancent un appel à une candidature d’union contre Trump, mais cela n’a pas marché non plus. Parce que chacun défend son bout de gras. Marco Rubio a demandé à Christie de se retirer, Mitt Romney en a fait autant avec John Kasich et n’ont reçu que des fins de non-recevoir. Kasich espère toujours tirer son épingle du jeu et Christie a carrément… apporté son soutien à Trump. Un soutien de poids car Christie est une figure importante et honorable du GOP qui a décidé de laisser parler sa fantaisie. Le danger, pour la cohésion de l’Etablissement, c’est que cet exemple peut donner des idées à d’autres.
 

Super Tuesday : smash gagnants de Trump aux primaires US

 
D’autant que les contre-attaques sont autant de flops. Deux vieux de la vieille des campagnes présidentielles, Alex Castellanos et Gail Gitcho, ont essayé de constituer ce qu’on appelle un « super PAC », c’est à dire une cagnotte sans limite, pour permettre une campagne elle aussi sans mesure, avec pour slogan « Protect US », protéger les États-Unis. Mais les deux premiers donateurs contactés, les magnats Sheldon Adelson et Paul Singer, n’étaient pas très chauds. D’autres tentatives vers d’autres richards n’ont pas mieux abouti : il semblerait qu’ils hésitent à risquer leur argent dans une dépense qu’ils estiment peut-être à fonds perdus. Certains ralliements les inquiètent, comme celle du gouverneur Paul Lepage, l’un des premiers organisateurs de la résistance contre Trump !
 
Sonnés par les smash gagnants de Trump dans le Nevada et la Caroline du Sud, les chefs républicains demeurent indécis, incapables d’une réaction concertée. L’ancien gouverneur de l’Utah Michael Leavitt, un des principaux conseillers de Romney en 2012, assure sans hésiter que « les Républicains ne sont pas capables de s’unir contre Donald Trump ».
 
Certains même modèrent leurs attaques contre le milliardaire pour ne pas exacerber l’exaspération populiste. Pour l’instant, faute d’une stratégie cohérente et d’un candidat unique, les anti Trump s’emploient à faire peur. La National Review, une vénérable et très comme il faut revue conservatrice, a traité le sénateur de l’Alabama Jeff Sessions, de « prostituée », parce qu’il s’est rallié à Trump. Karl Rove, qui fut le vrai patron de la campagne de George W. Bush, affirme que « nommer Donald Trump candidat des Républicains serait condamner le parti à mort ». Certains affirment que cela provoquerait chez les Républicains un bouleversement semblable à celui qu’ont connu les Démocrates dans les années soixante avec la lutte des droits civiques, quand ils ont perdu massivement le soutien du Sud traditionnel.
 

Quand les Républicains envisagent de soutenir les Démocrates

 
Dans ces conditions, le député républicain Steve King a carrément agité la menace d’un changement de bord : les Républicains pourraient « soutenir la candidature d’Hillary Clinton si Cruz ou Trump » remportaient les primaires. Il a trouvé immédiatement un écho favorable chez les Démocrates en la personne de Whoopi Goldberg, qui comme beaucoup de membres du show-biz milite et vote à gauche. Selon elle, « la campagne de Trump « ressemble à un début de dictature ». Et elle ajoute : « Les médias sont le dernier bastion de la liberté ». Voilà qui ressemble furieusement à l’Europe : le système US est aussi bien verrouillé que le nôtre, les médias et le monde de la culture se solidarisant avec l’UMPS Républicains-Démocrates contre la révolte du peuple.
 
L’un des arguments massue des pontes républicains est que si Trump remporte les primaires et porte les couleurs du GOP à la présidentielle, il sera battu par le candidat des démocrates. Mais cet argument, très fort pour les élus républicains, peut se retourner : pour le peuple américain, qui se détourne massivement de l’Etablissement, un Rubio ou une Clinton, c’est blanc bonnet et bonnet blanc. Newt Gingrich, qui fut porte-parole de la Maison Blanche, met en garde les Républicains contre ce danger. « Ce qui se passe en Amérique ne se voit nulle part ailleurs, c’est un révolte du peuple ». Selon lui l’Etablissement US est en plein déni de réalité. « Carson, Cruz et Trump rassemblent 70 pour cent des votes. Il est temps pour l’établissement de se poser des questions sur son échec et non de répudier les électeurs américains. On ne récuse pas 70 % de son parti ».
 
Et il ajoute que « quelque chose revient, qui ressemble à Reagan ou à Goldwater ».
 

Trump peut-il faire sauter le verrou des primaires ?

 
Une phrase importante et ambiguë, car Reagan fut élu président des Etats-Unis alors que Goldwater échoua lamentablement.
 
Les chances de Trump sont en ce moment dans la balance. Même s’il continue sa course victorieuse, il peut très bien arriver à la convention des Républicains en juillet sans avoir atteint la majorité requise (1237 délégués) pour être nommé d’office. On tombera alors dans le cas de ce que les parlementaires US nomment une « brokered convention », c’est à dire une convention sans majorité, où tout se négocie suivant des règles compliquées. Dans ce cas Trump risque de ne pas sortir vainqueur, d’autant qu’il aura vraisemblablement contre lui les 437 délégués d’office du GOP, membres du comité des Républicains pour l’élection, ou apparatchiks en fonction ou émérites du parti. C’est l’un des verrous suprême de l’établissement, et c’est pourquoi les condamnations des parlementaires républicains qui rejoignent Donald Trump sont si sévères. Ils se rendent coupables de trahison du système à un moment où les choses peuvent se décider sur le fil du rasoir.
 

Pauline Mille