L’ouragan Milton frappe la Floride : un symptôme du changement climatique ?

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Les larmes de John Morales, météorologue de 33 ans d’expérience, ont fait le tour du monde. Il annonçait le 7 octobre l’approche de l’ouragan Milton vers les côtes de Floride sur NBC, présentant ses excuses aux téléspectateurs : « Tout cela est horrifique. » « Le Golfe du Mexique, les mers ont atteint des records de chaleurs et vous savez ce qui est à l’origine de tout cela, je n’ai pas besoin de vous le dire, c’est le réchauffement global, le changement climatique… » Alors que des ordres d’évacuation étaient donnés aux habitants de la côte ouest de Floride, plusieurs responsables invitaient les récalcitrants à écrire leur nom et les numéros où joindre leurs proches sur leur bras au feutre indélébile pour faciliter l’identification de leurs corps après le passage de Milton : « Vous allez tous mourir ! »

Certes l’ouragan Milton est exceptionnel de puissance et de violence. Mais à l’heure d’écrire, il ne semble pas qu’il ait été particulièrement meurtrier, sinon par le fait de certaines tornades qui dans son sillage ont tué plusieurs personnes. Sur la dizaine de personnes dont la mort a été confirmée, une a perdu la vie en raison d’une chute d’arbre, une autre pour des raisons « médicales » et une troisième retrouvée dans un parc. Comme quoi les messages de mises en garde n’ont pas incité chacun à rester à l’abri.

 

Milton a frappé la Floride moins fort qu’annoncé

Le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, a pu dire jeudi lors d’une conférence de presse : « Nous pouvons dire que cette tempête a été significative, mais par bonheur, ce n’est pas le pire scénario possible qui s’est déroulé. » Les prédictions catastrophiques pour la baie de Tampa, très peuplée et exposée en raison de la configuration de ses voies d’eau, ne se sont pas réalisées grâce au déplacement de Milton vers le sud avant de toucher terre. Les dégâts matériels ont été considérables avec des volumes de précipitations inédites « depuis 1.000 ans » à Saint-Petersburg notamment, et il a fallu procéder au sauvetage de personnes circulant en voiture.

Grâce à Dieu, et sans minimiser la destruction que peut causer une telle catastrophe naturelle, on assiste tout de même à une sorte d’anti-climax, mais cela n’empêche pas les médias de s’attarder sur les causes prétendument anthropiques de ce « pire ouragan depuis cent ans » (affirmation qui prouve, au passage, que la Floride a connu la même chose ou pire par le passé).

Le site climaterealism publie un communiqué du Heartland Institute, think tank climatosceptique, pour dénoncer l’incrimination de l’activité humaine que les grands médias rendent responsable de la force de l’ouragan Milton. Il note : « Des tempêtes comparables par leur dimension et par leur force ont frappé la baie de Tampa en 1848 et 1921 à une époque où les contributions humaines au dioxyde de carbone dans l’atmosphère étaient négligeables. »

 

La Floride très exposée, mais assez peu frappée

Le communiqué a été publié le 8 octobre, avant l’arrivée de Milton sur la côte des Etats-Unis : il signalait qu’une « frappe directe » sur la baie de Tampa était rare et que l’ouragan fait partie du petit nombre d’ouragans de force 5 à avoir été répertoriés depuis 1966, et mentionnait le suivi par satellite de ces phénomènes : « Il pourrait rejoindre l’ouragan Michael en tant que seul ouragan de force 5 à s’être formé dans le Golfe du Mexique en octobre et à avoir touché terre avec cette même force. »

En réalité, en arrivant sur la Floride, Milton n’a finalement pas dépassé la force 3.

Les auteurs du communiqué signalent que la NOOA a répertorié 146 ouragans au moins qui se sont formés dans le Golfe du Mexique depuis 1851 : là encore, le phénomène n’est donc pas exceptionnel, comme le montre le graphique proposé par le Heartland Institute. Et ce sans que l’on puisse dessiner une tendance à long terme en Floride depuis 1900. On pense qu’au début du XXe siècle, l’activité a pu être forte, mais qu’elle est sous-répertoriée en raison du peu d’habitants en Floride à cette époque, tandis que la zone a connu un pic pendant les années 1940 : impossible de parler d’« intensification » caractérisée à notre époque par rapport à la première moitié du XXe siècle.

Par ailleurs, il est faux de dire que Milton a connu une « intensification » hors du commun, en comparaison avec des événements similaires dans les différents océans, d’après une étude comparative sur 1990-2023 parue dans Geophysical Research Letters.

 

Le « changement climatique » n’a pas fait augmenter le nombre des ouragans

La fréquence des ouragans au niveau global n’est pas non plus en hausse depuis 1980, selon une étude de Colorado State University : on observe plutôt un pic entre 1990 et 1995 et l’activité actuelle est partout un peu en-deçà de la moyenne sur la période.

Le comble, c’est que le GIEC lui-même, dans son 6e rapport datant de 2023, assure qu’il n’y a pas de rapport entre la force des ouragans ou leur fréquence et le changement climatique, rappelle le communiqué.

Il note que la zone de la baie de Tampa a connu un « âge d’or » d’absence d’ouragans importants depuis plus de cent ans, alors que la zone est particulièrement vulnérable par sa topographie : « une frappe d’ouragan de forte importance » y sera « probablement catastrophique, voire apocalyptique ». « Le fait que cette remarquable période sans ouragan majeur puisse finalement prendre fin ne constitue pas une mise en cause du changement climatique, mais une illustration de la raréfaction des ouragans à mesure que la planète se réchauffe modestement », poursuit le communiqué.

Rappelons que celui-ci a été publié un jour avant l’arrivée prévue de Milton en Floride. Il précisait : « Les météorologues signalent que le cisaillement du vent dans la haute atmosphère devrait perturber l’ouragan Milton et réduire sa puissance et sa vitesse avant qu’il ne touche terre en Floride. Les scientifiques ont depuis longtemps établi un lien entre le réchauffement des températures mondiales et le renforcement du cisaillement du vent dans la haute atmosphère, qui inhibe la formation et la force des ouragans. C’est pourquoi les températures de l’eau plus chaudes n’ont pas “suralimenté” les ouragans. »

 

Ce n’est pas le changement climatique qui a changé la donne, mais l’augmentation de la population

En fait, ce qui a changé, ce n’est pas la force des ouragans, car il y en a eu de semblables, mais la population, passée de 135.000 à 3 millions à Tampa et avec elle la présence d’infrastructures susceptibles d’être détruites – car si les personnes peuvent se mettre à l’abri, les constructions restent fatalement sur place.

Il serait certainement plus efficace de construire selon des normes rendant les infrastructures « résilientes » face à ces événements climatiques et, ajoute le Heartland Institute, de privilégier la production pilotable d’électricité.

Ce n’est certes pas l’éolien (la Floride en a très peu) ou le photovoltaïque (là, elle est championne des Etats-Unis) qui permet d’assurer la production d’électricité pendant un ouragan. Si quelque 3,5 millions de Floridiens se sont trouvés sans énergie à cause de Milton, c’est surtout parce que des lignes de haute tension ont été renversées et submergées. Mieux vaut en effet discuter de leur sécurisation que du changement climatique !

 

Anne Dolhein