L’armée de la Chine communiste favorise l’IA, mais se heurte à des difficultés structurelles

 

Selon un rapport réalisé par un officier américain à la retraite pour l’American Foreign Policy Council, Larry Wortzel, l’Armée populaire de libération (APL) de la Chine s’est dotée d’une panoplie impressionnante d’armes dernier cri et d’unités de premier plan, où l’intelligence artificielle joue un rôle important. Mais ce spécialiste de la Chine, jadis attaché militaire des Etats-Unis à Pékin, pense que les généraux et amiraux chinois se heurtent à des difficultés structurelles en ce qui concerne l’utilisation de ces armes « pensantes », dans la mesure où le commandement opérationnel de l’APL est soumis à un partage de pouvoir avec les commissaires communistes qui la dirigent à niveau égal. Techniquement, cela pose des problèmes : l’IA va vite et requiert une gestion immédiate, proche et décentralisée, tout le contraire d’un lourd appareil qui fonctionne à l’idéologie dans une logique de contrôle omniprésent.

Théoriquement, à en croire Xi Jinping (mais croire un communiste est de la plus haute imprudence), cela ne devrait avoir que peu d’incidence. Le premier secrétaire du parti communiste chinois, qui est également le président de la Chine et chef de son armée, a « promis » à Joe Biden d’utiliser de manière « responsable » l’intelligence artificielle dans le domaine militaire ; lors de leur dernière rencontre au Pérou en novembre dernier, il s’est également engagé à ce que le contrôle des armes nucléaire se fasse intégralement en dehors des systèmes d’IA.

 

L’armée de la Chine communiste favorise l’IA, mais se heurte à des difficultés structurelles

Cependant, des écrits militaires chinois cités par Wortzel affirment que l’APL travaille activement au développement d’armes dotées d’intelligence artificielle ; on parle d’armes robots autonomes, tels des drones, des chars, et même des navires et des sous-marins. Plus modestement, mais non moins inquiétant, l’armée chinoise a déjà fièrement étalé des « chiens » robots quadrupèdes armés de mitrailleuses. D’ailleurs il n’est pas seulement question d’intégrer l’IA dans les armes, mais aussi de soumettre les techniques de combat et la conduite de la guerre à l’intelligence artificielle.

Pour Wortzel, les commandants militaires de l’Armée populaire de libération rencontrent déjà des problèmes significatifs pour profiter du renforcement des capacités déjà acquise et ne seront pas à la hauteur de l’armée américaine qui intègre elle aussi l’IA dans ses dispositifs de combat, sans être entravée par des vérificateurs du respect du marxisme-léninisme.

Voilà qui révèle en tout cas à quel point l’IA est aujourd’hui convoitée par les responsables militaires de tous bords, et de plus en plus, prête à l’utilisation, avec toutes les questions que cela pose – depuis l’efficacité décuplée jusqu’à la déshumanisation définitive de la guerre.

 

Intégrer l’IA dans l’armée chinoise pose la question des commissaires politiques communistes

Wortzel assure que les officiers chinois attendent de l’IA une amélioration de la prise de décision et l’amélioration des frappes de précision. Mais outre la bureaucratie communiste aux commandes, l’armée chinoise a été soumise à de multiples purges au sommet aux cours de la dernière décennie : ainsi Miao Hua, commissaire idéologique membre de la très puissante commission militaire centrale, a-t-il était inculpé en novembre dernier pour « graves violations de discipline ». L’euphémisme peut renvoyer vers des faits de corruption, mais annoncer la sanction d’une « déviation » à l’égard des positions officielles du Parti.

Par ailleurs, s’agissant de la question nucléaire, tout ne serait pas aussi net que n’a pu l’affirmer Xi lors de sa dernière rencontre avec Biden. « Aux niveaux opérationnel et tactique, les écrits de l’APL témoignent d’une poussée agressive vers des “chaînes de frappe” destructrices et des systèmes autonomes basés sur l’IA », a déclaré M. Wortzel, selon lequel « cette divergence peut créer de dangereuses incertitudes dans les situations de crise, en particulier si les adversaires interprètent mal les domaines régis par la prise de décision humaine par rapport aux systèmes d’intelligence artificielle ».

Bref, l’intégration efficace de l’IA dans l’armée chinoise exigera que l’on passe outre aux « barrières culturelles » et qu’on mette en place des changements organisationnels, selon Wortzel.

Voilà pour les hommes. Les systèmes IA autonomes ne sauraient être suspects de déviances idéologiques, ce qui pourrait leur donner une longueur d’avance aux yeux du Parti – jusqu’à tout gérer eux-mêmes ?

 

Anne Dolhein