
En 2019 François a nommé Mario Grech pro-secrétaire général du Synode, avant de le promouvoir quelques mois plus tard patron du synode des évêques, pour imprimer sa marque et donner plus de poids à cette sorte de mini-concile permanent créé par Paul VI afin de surveiller la collégialité dans l’Eglise. Puis il l’a créé cardinal en 2020. On se souvient des attaques répétées du défunt pontife contre ce qu’il nommait « le cléricalisme » : le mécanisme synodal avait dans son esprit la fonction de combattre cet ennemi. On l’a vu par la pratique : sur les seize assemblées générales du synode tenues en 60 ans, trois ont eu ont eu lieu dans les douze ans de son pontificat, et sur les trois assemblées générales, une, c’est-à-dire un tiers. Avec un titre significatif : « Pour une Eglise synodale ». C’est dans cette continuité que doit être accueillie la déclaration du cardinal maltais à Mark Laurence Zammit du Times of Malta : « La pénurie de vocations peut être une grâce divine (certains sont scandalisés par ces propos), car elle pourrait inciter l’Eglise à reconnaître et à utiliser la diversité des dons présents chez tous les chrétiens plutôt que de concentrer le pouvoir uniquement au sein du clergé. »
Des laïcs pour remédier à la pénurie des vocations
Comme on le voit, c’est plus qu’une question, c’est une affirmation, même si le cardinal Grech l’assortit d’un conditionnel. Il ne s’agit pas seulement pour lui d’accroître le rôle des laïcs dans l’intendance ou l’administration de l’Eglise, mais il faut qu’ils « prennent même en charge certains rituels et sacrements ». Le cardinal a cité en exemple un couple en Suisse qui « préside » les baptêmes, les funérailles et les mariages à la place du prêtre, très peu présent. Cela va dans le sens d’un discours de François aux Augustins Récollets en 2022, où, dissertant sur la pénurie de vocations, il mettait son espoir dans les laïcs : « Préparons-nous à ce qui va arriver et donnons notre charisme, notre don, à ceux qui peuvent le porter. » Le cardinal Grech a aussi confié au Times of Malta son intention de « commencer à donner aux laïcs plus de voix dans la prise de décision dans leurs paroisses, leurs diocèses et même au Saint-Siège ». Ce que François avait commencé à mettre en œuvre.
Le patron du synode organise le changement de l’Eglise
Il ne faut pas se tromper. Il s’agit de rendre l’Eglise consécutivement synodale, de la concevoir non plus comme le corps mystique du Christ, mais, comme le peuple de Dieu en marche, ainsi que l’a montré Jeanne Smits dans un papier remarquable. Cela a été rappelé à plusieurs reprises par le document final du synode des synodalités, dont le secrétaire général était, rappelons-le, le cardinal Grech, C’est un processus à long terme lancé par François dont la réception court jusqu’à 2028, que n’ont interrompu ni le conclave ni l’élection de Léon XIV pour l’instant. Grech a envoyé une lettre d’accompagnement du document final du synode en mars 2025 en insistant sur le fait qu’il faisait partie « du Magistère ordinaire du Successeur de Pierre ». Et François l’a tacitement confirmé en l’entérinant tel quel. Ce qui est inquiétant dans ce mouvement de « démocratisation de l’Eglise », en fait de sécularisation, c’est que certains proches du feu Pape estiment ces réformes « irréversibles », tel est en particulier l’opinion de l’ancien Secrétaire d’Etat Parolin : « De l’action de l’Esprit il ne peut y avoir de demi-tour. »
Les catholiques ne trouvent pas grâce aux yeux du cardinal
En 2020, dans ses attaques contre le « cléricalisme », le cardinal du Synode a englobé des sarcasmes contre le « piétisme » et « l’exhibitionnisme » des fidèles « qui relève plus de la magie que de l’expression d’un foi mûre », trouvant « curieux que beaucoup se plaignent du fait qu’ils ne peuvent communier et célébrer les funérailles à l’église ». Attitude de dédain très cléricale au demeurant envers des laïcs qui n’ont pas l’honneur de faire partie de sa boutique. Selon le journal américain The Pilar, plusieurs observateurs du Synode ont noté qu’il a soutenu publiquement le chemin synodal allemand, notamment depuis qu’il a préconisé que l’Eglise modifie sa structure pour que les laïcs participent à son gouvernement, la bénédiction des unions homosexuelles et l’intercommunication avec les protestants.
Grâce de Dieu contre révolution séculière
Vues ainsi les choses deviennent claires. La déclaration sur la « pénurie de vocations grâce de Dieu » cesse d’être un paradoxe provocateur (là où le péché abonde, en effet, la grâce de Dieu surabonde), pour devenir ce qu’elle est dans l’esprit d’un cardinal révolutionnaire : un moyen de la Révolution. Le déclin de la pratique et de la foi, dont la pénurie des vocations est le signe et la conséquence, est pour les démolisseurs de Rome une « divine surprise ». En l’absence de clergé nombreux, sûr et formé, une bureaucratie de laïcs cooptés et idéologisés peut s’emparer des ruines et en prendre les commandes, modifiant à sa guise discipline, liturgie et foi – bref, de couler la barque de Pierre pour en faire une ONG universelle non catholique. Dieu vienne en aide à Léon XIV pour se débarrasser d’une telle peste et lui envoie sa Sainte Grâce.