Exercices militaires : Bruxelles s’emporte contre Belgrade et Moscou

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La presse russe ayant annoncé que Moscou et Belgrade effectueraient, conjointement et en Russie, des exercices militaires en fin d’année, Bruxelles a manifesté sa mauvaise humeur et dénoncé, de la part de la Serbie, « un mauvais signal » envoyé à l’Union européenne alors qu’elle espère y adhérer.
 
Les media se faisaient ainsi l’écho des propos du ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, au terme d’une réunion qu’il a tenue avec son homologue serbe, Bratislav Gašić, le 15 août dernier. « Nous attachons beaucoup d’importance aux grands exercices prévus cette année, aux côtés de nos confrères biélorusses – dans le cadre de “Fraternité slave” 2015, a déclaré le ministre. Nous ferons tout notre possible pour nous assurer que nos remarquables parachutistes démontrent leur professionnalisme, leur formation et leurs compétences. »
 

Exercices militaires communs pour Belgrade et Moscou

 
Comme si le nom de « Fraternité slave » ne suffisait pas à manifester ces liens qui agacent l’Union européenne, le ministre russe a également profité de la circonstance pour décorer certains officiers serbes « afin de renforcer la coopération militaire ». Et Bratislav Gašić s’est dit « heureux » de cette opération commune. On voit mal d’ailleurs comment, en la circonstance, il aurait pu dire autre chose…
 
La fraternité slave est en outre renforcée par la participation annoncée à ce même exercice militaire de la Biélorussie.
 
Bruxelles tempête d’autant plus que ces marques de fraternité militaires sont loin d’être les premières. Le 20 octobre 2014, qui est le jour de la libération en Serbie, le président russe Vladimir Poutine avait assisté aux cérémonies anniversaire, et des troupes russes avaient même participé au défilé militaire.
 

Les motifs de la colère de Bruxelles

 
Le 9 mai dernier, c’était au tour de l’armée serbe de participer, à Moscou, au défilé de la Victoire, qui marque le 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. La Serbie avait particulièrement marqué son indépendance vis-à-vis des Européens ce jour-là, ceux-ci ayant décidé, en majorité, de boycotter cette cérémonie en signe de protestation contre les événements militaires qui se déroulent en Ukraine.
 
Mais le ministre serbe des Affaires étrangères Ivica Dačić, qui participait de son côté aux commémoraisons de la Victoire à Kiev, soulignait alors que les autorités serbes n’avaient pas reçu « d’informations » de Bruxelles quant à une présence serbe à Moscou. « Cela n’affecte en aucun cas nos efforts envers l’intégration européenne (…). Cela ne reflète pas du tout nos orientations. Ce que nous voulons, c’est célébrer la victoire contre le fascisme. Et nous avons donné beaucoup de vies humaines pour cela », précisait-il.
 
On pourrait évoquer encore la question du « centre humanitaire » russe installé dans la ville serbe de Niš, au sud du pays, que les adversaires de Moscou affirment être en réalité un camp militaire…
 

Choisir son camp ?

 
Ces circonstances multiples sont autant de mauvaises raisons pour Bruxelles. « Dans les circonstances actuelles, de tels exercices militaires enverraient un mauvais signal. Nous attendons de la Serbie qu’elle agisse conformément aux engagements européens et au processus d’adhésion », vient d’ailleurs de déclarer la Slovène Maja Kocijancic, porte-parole des Affaires étrangères de l’UE et du commissaire en charge de la politique de voisinage et des négociations sur l’élargissement, Johannes Hahn.
 
On ne peut cependant que s’étonner de la mauvaise humeur de Bruxelles. Certes, Belgrade continue d’entretenir des relations (et pas seulement politiques) avec Moscou – au point qu’elle a refusé de se joindre aux sanctions que l’Union européenne a prises contre la Russie à l’occasion du conflit ukrainien.
 
Mais Bruxelles croit-elle sérieusement qu’en adhérant à l’Union européenne les Serbes cesseraient d’être slaves ? Et cette adhésion doit-elle signifier que Belgrade doit entrer en guerre – au moins diplomatique – avec Moscou, qui lui est tout de même beaucoup plus proche, à bien des points de vue, que Bruxelles ? Avec tous les risques et conséquences que cela entraînerait…
 

François le Luc