Charlie Gard devait mourir ce vendredi – Mgr Paglia, de l’Académie pontificale pour la vie, publie un communiqué qui passe à côté du sujet

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Charlie Gard, c’est ce petit garçon de 10 mois souffrant d’une maladie génétique rare, la déplétion mitochondriale, véritablement condamné à mort par ses médecins, des tribunaux, et pour finir par la Cour européenne des droits de l’homme, chacun ayant refusé à sa façon que ses parents puissent lui faire subir un traitement expérimental aux Etats-Unis. Les médecins de l’hôpital pour enfants de Great Ormond Street à Londres devaient lui arracher le ventilateur qui le maintient en vie ce vendredi. A la dernière heure, ils lui ont donné quelques jours de plus, après avoir dans un premier temps rejeté les supplications des parents. Pour couronner le tout, le nouveau président de l’Académie pontificale pour la vie, Mgr Vincenzo Paglia, a publié un communiqué qui apparaît comme inhumain au vu de ce que l’on sait de l’affaire.
 
A sa naissance, Charlie Gard paraissait tout à fait normal. Au bout de deux mois, ses parents ont remarqué qu’il était moins tonique que les autres bébés de son âge : on devait vite découvrir un syndrome de déplétion de l’ADN mitochondriale de forme encéphalomyopathique, une maladie génétique orpheline qui se déclare dans la petite enfance et concerne aujourd’hui seize cas connus dans le monde. La maladie affaiblit progressivement les muscles en causant des dommages cérébraux.
 

Charlie Gard, condamné à mourir pour des raisons de « qualité de vie »

 
En octobre dernier, devenu léthargique, sa respiration étant désormais superficielle, Charlie était transféré à l’hôpital où il se trouve toujours, entre les mains d’un corps médical certainement dévoué mais impuissant, et qui raisonne en termes de « qualité de vie ». Pour se parents, Christ Gard et Connie Yates, il restait un tout petit espoir : celui de faire subir un traitement expérimental aux Etats-Unis, qui ne promettait pas de le guérir mais dont on pensait qu’il pouvait lui faire quelque bien.
 
S’agissant de leur choix et non d’un protocole proposé par l’assurance maladie britannique, le jeune couple a cherché un financement – la mobilisation de dizaines de milliers de donateurs leur a permis de récolter 1,3 millions de livres, assez pour assurer le transfert de leur petit garçon et pour tenter le traitement de la dernière chance. Un traitement naturel et qui ne cause aucune souffrance. Il peut échouer ; il ne peut pas faire de mal.
 
Les médecins britanniques l’ont refusé au motif que la thérapie n’allait pas, selon eux, améliorer la qualité de vie de l’enfant. Celui-ci, à leur avis est incapable d’entendre, de voir, et de bouger. Chose que les parents contestent : ils affirment que leur fils ouvre les yeux et sait qu’ils sont là. Les médecins ne veulent rien entendre, ne laissant pas d’autre choix que le retrait du ventilateur alors même que l’enfant est dans une situation « stable ».
 
Le désaccord à propos du traitement entre les parents et les médecins a conduit l’affaire devant les tribunaux, c’est donc au juge qu’il appartient de prononcer, ou non, une sentence de mort.
 

Mgr Paglia de l’Académie pontificale pour la vie publie un communiqué à l’eau tiède

 
La CEDH a décidé que les médecins ont eu raison d’opter pour la mort, toujours au nom de la « qualité de vie » de l’enfant, mais son porte-parole a indiqué que rien ne se ferait dans la précipitation, pour tenir compte des besoins des parents.
 
Or tout se fait dans la précipitation. Les parents de Charlie avaient dit d’emblée que s’ils perdaient devant la justice ils souhaitaient, comme cela leur avait été proposé, de ramener leur enfant à la maison pour mourir, ou à défaut, qu’ils préféraient le voir transférer dans une maison de soins palliatifs. Ils ont également demandé, supplié que l’arrêt de l’assistance respiratoire ne se fasse pas avant le début de la semaine prochaine, afin que leurs proches puissent venir faire leurs adieux au bébé.
 
Cette dernière demande a finalement été accordée, à quelques minutes ou à quelques heures du moment où Charlie devait être débranché. En revanche, et malgré ce qui leur avait été dit et le choix qu’ils avaient répété, ils ne pourront pas l’emmener à la maison. Même en payant le transfert – que l’hôpital affirme ne pas être en mesure d’assurer.
 
Situation horrible. Mais lorsqu’on considère un enfant comme un légume, niant de fait son humanité, ce genre de requête ne passe pas.
 
Et cela fait peut-être comprendre un peu mieux que ce sont les médecins qui décident, ou à défaut la justice. Les droits parentaux comptent de moins en moins.
 
Que la situation soit complexe, on veut bien le croire. Mais il y a trop d’affaires – en France aussi – où les médecins se permettent de condamner une personne à mourir à l’heure qu’ils ont choisie, y compris contre la volonté de ses proches, pour qu’on ne se pose pas de questions.
 

Mais qui va encore défendre les droits des parents ?

 
Mgr Vincenzo Paglia est intervenu en faisant publier une déclaration sur le site de l’Académie pontificale pour la vie :
 
« Nous nous sentons proches de lui, de sa mère, de son père », affirme-t-il, assurant les uns et les autres de la prière de l’APV, dans la certitude que « dans le Seigneur, notre labeur ne sera pas vain ». Affirmant qu’on ne doit jamais « agir avec l’intention délibérée de mettre fin à une vie humaine », il a précisé à la suite des évêques d’Angleterre que « nous devons parfois reconnaître les limites de ce qui peut être fait, tout en agissant de manière humaine au service de la personne malade jusqu’à ce que la mort naturelle survienne ».
 
Certes.
 
Il ajoute : « La vraie question à poser dans cette affaire et toute autre malheureuse affaire pouvant lui ressembler est celle-ci : quel est l’intérêt supérieur du patient ? Nous devons faire ce qui fait avancer la santé du patient, mais nous devons aussi reconnaître les limites de la médecine et, comme il est dit dans le paragraphe 65 de l’encyclique Evangelium vitae, éviter des procédures médicales agressives qui sont disproportionnées par rapport aux résultats attendus ou qui constituent une charge trop lourde pour le patient ou sa famille. De même, les souhaits des parents doivent être entendus et respectés, mais eux aussi doivent être aidés à comprendre la difficulté unique de leur situation et ne pas être laissés seuls face à des décisions difficiles. Si la relation entre le médecin et le patient (ou ses parents, comme c’est le cas pour Charlie) est perturbée de l’extérieur, tout devient plus difficile et l’action judiciaire devient un dernier recours, avec le risque supplémentaire d’une manipulation idéologique ou politique, ce qui doit toujours être évité, ou du sensationnalisme médiatique, qui peut être tristement superficiel ».
 

Le communiqué de Vincenzo Paglia laisse entendre que les parents de Charlie Gard sont victimes de manipulations idéologiques

 
Décryptons : Mgr Paglia, dont on peut supposer qu’il ne connaît pas le dossier médical du petit Charlie, porte un jugement de valeur qui justifie tout ce qui est fait par les médecins et la justice, sans dire un mot du droit premier des parents qui en aucun cas ne cherchent à faire souffrir leur fils, mais à lui donner une chance. Il parle comme si le traitement nucléoside que ceux-ci veulent faire donner à Charlie le ferait trop souffrir en tant que tel – les parents disent l’inverse. Il prétend qu’ils ne devraient pas être laissés seuls face à leur décision, alors qu’on se substitue à eux pour prendre une décision de mort.
 
Mgr Paglia va même jusqu’à subodorer des « risques de manipulation idéologique ou politique », là où les parents se contentent de demander qu’on vienne en aide à leur enfant, qu’ils en reprennent la responsabilité – pour la simple raison qu’il n’appartient pas aux médecins ni à l’hôpital où il a été décidé qu’il est désormais inutile de le soigner. Il n’a même pas perçu l’inhumanité de cette équipe qui refuse tout aux parents – comme s’il n’y avait pas là une possibilité de motivation politique ou idéologique, de plus en plus manifeste pourtant dans le contexte de la culture de mort qui voit celle-ci comme une solution et l’impose face aux patients trop faibles ou trop malades, comme le montrent les procédures de fin de vie de plus en plus fréquemment utilisées.
 

Même pas le droit de mourir chez lui !

 
Etrangement, Radio Vatican présente le communiqué de Paglia comme un appel à respecter la volonté des parents de Charlie, alors qu’il dit tout le contraire. Il ne suffit pas de dire que les « souhaits des parents doivent être entendus et respectés », et d’assortir aussitôt cette phrase, qui ne constitue pas un appel concret et précis demandant la mise en œuvre de ce souhait, d’un « mais » révélateur. Le ton du communiqué et sa lettre disent tout le contraire.
 
Dans Aleteia, cela devient carrément, et de manière ahurissante, un « Appel du Saint-Siège pour le petit Charlie, interdit de traitement expérimental ».
 
Peut-être les bonnes gens qui ont rédigé ces textes n’arrivaient-elles pas à imaginer qu’il en fût autrement.
 
Si, hélas. Anglophones et italophones pourront vérifier ici, sur le site de l’APV.
 

Jeanne Smits