La Cour de justice de l’UE (CJUE) a rendu public mercredi son arrêt dans l’affaire des recours de la Slovaquie et de la Hongrie, soutenus par la Pologne, contre le mécanisme de relocalisation obligatoire de demandeurs d’asile. Faisant fi du nombre d’immigrants arrivés illégalement en Grèce et en Italie depuis l’adoption de ce mécanisme le 22 septembre 2015 par le Conseil de l’UE, bien supérieur aux 120.000 demandeurs d’asile qui devaient être relocalisés, les juges de Luxembourg ont estimé que « ce mécanisme contribue effectivement et de manière proportionnée à ce que la Grèce et l’Italie puissent faire face aux conséquences de la crise migratoire de 2015 ». Les juges n’ont pas non plus tenu compte du fait que seuls un peu plus de 27.000 demandeurs d’asile ont été relocalisés à deux semaines de l’expiration du délai de deux ans pour cette relocalisation puisque quasiment aucun pays n’a respecté son quota d’accueil. Et encore, ce nombre ne tient pas compte des demandeurs d’asile qui ont pris la poudre d’escampette après avoir été relocalisés dans un pays où ils n’avaient jamais eu l’intention de se rendre.
La Hongrie parle d’un verdict politique et contraire aux traités de la Cour de justice de l’UE, la Pologne assure qu’elle ne cédera pas
La Cour de justice a également réfuté l’argument selon lequel la procédure législative aurait dû être appliquée pour mettre un œuvre un mécanisme de relocalisation, ce qui a conduit le ministre des Affaires étrangères hongrois à réagir en estimant que la Cour avait rendu un verdict politique qui est en contradiction avec les traités européens et qui va à l’encontre des intérêts des nations européennes. Le Traité sur l’Union européenne prévoit en effet que l’Union prenne « des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration », ce qui n’était clairement pas le cas en Grèce et en Italie en 2015. L’article 79, par. 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit en outre l’obligation de développer une gestion efficace des flux migratoires et une prévention de l’immigration illégale, ainsi que l’obligation de recourir à la procédure législative pour les mesures communes concernant l’immigration légale et illégale.
La Slovaquie avait été la première à soumettre un recours contre la décision du Conseil de l’UE sur la relocalisation des demandeurs d’asile
La Slovaquie avait porté l’affaire devant la justice européenne dès après l’adoption du mécanisme à la majorité qualifiée du Conseil des ministres de l’Intérieur de l’UE en septembre 2015. La Hongrie l’avait rejointe en décembre de la même année, et la Pologne avait apporté son soutien à ces deux recours après le changement de majorité parlementaire à Varsovie en octobre 2015. Le 22 septembre 2015, à l’issue de discussions houleuses, la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie avaient voté contre ces quotas obligatoires de demandeurs d’asile et la Finlande s’était abstenue.
Dès l’arrêt de la CJUE connu, les gouvernements de Hongrie et de Pologne ont fait savoir qu’ils n’entendaient pas s’y soumettre. Depuis le début, les pays d’Europe centrale et orientale demandent que l’on verrouille les frontières extérieures de l’UE avant de discuter d’une éventuelle relocalisation des immigrants entrés illégalement en Europe. Ils estiment aussi que puisqu’ils n’ont pas été consultés quand l’Allemagne a décidé d’ouvrir ses portes en grand à l’été 2015 ni quand les pays occidentaux ont décidé de déstabiliser la Libye et la Syrie, ils n’ont pas non plus à prendre en charge leur part des conséquences de ces politiques désastreuses.
Par ailleurs, quand le Premier ministre hongrois a demandé il y a une semaine dans une lettre à la Commission européenne que l’Union européenne participe solidairement aux coûts engendrés par les mesures supplémentaires de protection de la partie hongroise de la frontière de l’espace Schengen, il s’est vu exprimer une fin de non-recevoir au motif que l’Union européenne ne financerait pas les clôtures mais uniquement les dispositifs de surveillance de l’entrée illégale d’immigrants et les dispositifs d’accueil.
La Commission européenne veut maintenant sanctionner les pays qui refusent les quotas obligatoires d’immigrants illégaux
Avec la décision de la CJUE, la Commission va pouvoir demander des sanctions financières contre les pays qui refusent les quotas de réfugiés. Une procédure d’infraction a déjà été lancée en juin contre la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie, mais il ne semble pas que les gouvernements de ces pays, soutenus par leur opinion publique, soient prêts à céder.
Dans son célèbre ouvrage De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville disait très justement à propos des confédérations que « les droits accordés à l’Union [sont] pour elles des causes de guerre et non de puissance, puisque ces droits [multiplient] ses exigences sans augmenter ses moyens de se faire obéir. » Si l’on se réjouit à Bruxelles, Berlin, Paris et Rome, la décision de la Cour de Justice pourrait bien affaiblir encore davantage une Union européenne déjà bien mal en point.