A force de réactiver la guerre froide autour de l’affaire ukrainienne, cela devait arriver : pour le soixante-et-onzième anniversaire de la mort du petit père de tous les bolcheviques du monde, le parti communiste russe a demandé au FSB, successeur du NKVD, et au procureur général de la fédération de Russie d’enquêter sur ce qui s’est passé le 5 mars 1954. Selon Sergei Malinkovitch, le président du PCR, « beaucoup de témoignages de contemporains de Staline parlaient d’une possibilité d’empoisonnement du chef de l’URSS par des agents d’influence de l’Ouest ». On ne sait pas encore quel accueil le procureur va faire à cette demande, mais il est extraordinaire que « les contemporains de Staline » puissent être invoqués comme source fiable. D’ailleurs, monsieur Malinkovitch, comme c’est l’habitude dans son parti, sélectionne soigneusement les témoignages. A l’époque en effet, des contemporains ont bien parlé d’empoisonnement, mais ils chuchotaient plutôt les noms des collaborateurs du Vojd, en premier celui de son chef de la police, Béria. Quoi qu’il en soit, ce genre de folklore sera très utile à Vladimir Poutine dans sa guerre de communication interne contre l’Occident. De même que Staline appela la Sainte Russie et ses clochers au secours de l’URSS en 1941 lors de l’attaque allemande, de même Poutine, pour entretenir un patriotisme russe que le nombre des morts lasse, invoque-t-il la grande ombre de Staline et de l’URSS – quand la Russie faisait peur.