« Ma fille est morte après avoir pris de l’ecstasy » : un double accident au Royaume-Uni relance le débat sur les drogues – et la dépénalisation

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Ce genre de témoignages affluent – et attristent. La drogue tue, et tout particulièrement les jeunes. A Portsmouth, au Royaume-Uni, samedi dernier, un jeune homme et une jeune fille, âgés de 20 et 18 ans ont trouvé la mort pour avoir consommé de la drogue, de ces pilules-fêtes qui leur ont ravi la vie, après l’esprit. Dans le Telegraph, une mère rappelle cette terrible réalité qui fut aussi la sienne, quand elle perdit son unique enfant il y a cinq ans, dans de semblables circonstances.
 
Et pourtant la tendance est à la dépénalisation – Bernard Kouchner nous le rappelle avec son tout nouveau livre intitulé Toxic.
 

Double accident au Royaume-Uni : deux morts dus à l’ecstasy

 
Les morts de Georgia Jones et Tommy Cowan n’ont aucun lien, et pourtant. Tous deux assistaient au Mutiny Festival (dance, hip-hop, grime et drum & bass) et ont consommé sur place des drogues dures, a priori des pilules d’ecstasy à haut dosage de MDMA ou plus vraisemblablement de PMMA, cette nouvelle substance super active potentiellement mortelle (en circulation depuis quelques années en Europe).
 
Reçus dans un état critique à l’hôpital Queen Alexandra, ils ont été déclarés en réaction à la drogue. Comme un certain nombre de leurs comparses dont une douzaine ont été également admis dans l’établissement. Lundi, la mère de la jeune Georgia a écrit sur Facebook que sa température montée à un niveau incroyablement haut, l’avait mise en crise pendant 45 minutes…
 
Selon The Gardian, la police a déclaré que trois personnes avaient été arrêtées pendant la nuit, soupçonnées d’être impliquées dans la fourniture de médicaments de classe A au festival (qui a plié bagage en annulant sa dernière journée qui devait avoir lieu dimanche).
 

Drogues dans les festivals, concerts et autres manifestations du « tout-festif »

 
Les autorités du dit festival avaient peut-être alerté sur les dangers de la drogue. Tout le monde sait qu’il y en aura en circulation dans ce genre de manifestations… Mais ça n’a pas servi à grand-chose. Et Anne Marie Cockburn dans le Telegraph s’en est effrayée, une fois de plus.
 
Il y a cinq ans, en juillet 2013, cette Britannique perdait son unique enfant, Martha Fernback, morte d’une surdose accidentelle d’ecstasy alors qu’elle n’avait que 15 ans. Pour sa quatrième expérience, elle avait pris un demi-gramme de poudre : c’était de la MDMA pure à 91 %, assez pour cinq à dix personnes.
 
Cette mère de famille avertit : il n’y a pas de « genre de famille » où cela peut advenir. Le risque est partout. On aura beau leur dire qu’évidemment, « on n’en prend pas », les fêtes et les festivals de musique se chargent de leur faire oublier les sages directives parentales. Un petit geste de rébellion et tout peut basculer. D’autant que ce marché, particulièrement noir, est le règne de la gruge… mélange de substances, produits chimiques…
 

Se droguer « en toute sécurité »… la dépénalisation et l’esclavagisation des masses

 
Seulement, cette maman loue les efforts d’organisations comme « The Loop » qui opèrent des tests de dépistage sur place pour les consommateurs… elle écrit aussi que sa fille cherchait des moyens de se droguer « en toute sécurité ». Elle cite l’ONG « Anyone’s Child: Families for Safer Drug Control », « un réseau international de familles dont la vie a été détruite par les lois actuelles sur les drogues et qui font maintenant campagne pour les changer » : c’est-à-dire pour faire reconsidérer l’usage des drogues comme une question relevant de la santé publique et non de la justice.
 
Seulement cette « nouvelle approche » changera-t-elle les cartes ? Les drogues récréatives peuvent-elle rester en soi anodines, même si testées, même si approuvées ?!
 
Il y a un an, la revue The Lancet publiait une étude selon laquelle les adolescents hospitalisés pour des blessures suite à des problèmes de drogue ou d’alcool ou suite à des actes de violences encourent un risque aussi important d’attenter à leur vie dans les 10 ans qui suivent, que les jeunes qui s’automutilent… En 2014, 3 346 décès par intoxication médicamenteuse ont été enregistrés en Angleterre et au pays de Galles, soit le chiffre le plus élevé depuis le début des statistiques comparables en 1993 : 67 % de ces décès concernaient des drogues illicites. On a peine à croire que la dépénalisation y changera quelque chose.
 
Pourtant, c’est avec cette conviction que Bernard Kouchner et quatre autres médecins viennent de faire paraître leur livre intitulé Toxic. « Il faut légaliser et contrôler le cannabis, dépénaliser l’usage des drogues dures et réduire les risques en suivant les progrès de la pharmacologie. » Alors qu’en 1999, alors secrétaire d’Etat, il assurait que la dépénalisation serait une régression par rapport aux efforts qui ont été déployés au cours des dernières années. Le vent a tourné.
 

Clémentine Jallais