Affaire Vincent Lambert : les experts se sont désistés, le début de l’espoir !

Affaire Vincent Lambert experts désistes
 
Un véritable coup de théâtre s’est produit dans l’affaire Vincent Lambert avec la décision prise par les trois experts de se désister. Ils avaient été désignés en mai par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne pour évaluer ses progrès alors qu’une nouvelle procédure collégiale engagée au CHU de Reims avait abouti à la décision du Dr Vincent Sanchez de le « laisser » mourir de déshydratation et de faim, sous sédation profonde. Le désistement spontané des dits experts s’est accompagné d’une critique de l’action, infructueuse, entreprise par les avocats des parents de Vincent Lambert pour obtenir leur récusation. C’est cette critique que la grande presse en a retenu, mais l’affaire va beaucoup plus loin, étant donné que les experts désignés ne se sont pas désistés sans exposer au tribunal les conditions nécessaires à une bonne expertise.
 
C’est dire que la situation n’est pas sans paradoxe, teintée de ressentiment de la part des deux neurologues et du médecin de physique et de réadaptation qui avaient été désignés par le tribunal administratif… Ce sont eux qui, finalement, donnent en creux raison aux demandes formulées sans succès devant les juges par les avocats de Viviane et Pierre Lambert et de deux de leurs enfants. Ils mettent en effet en évidence ce qui n’allait pas dans les modalités retenues par le président par intérim du tribunal.
 

Les experts se sont désistés d’eux-mêmes dans l’affaire Vincent Lambert

 
Dans leur lettre, les trois experts s’étonnent d’abord de ne pas avoir reçu de « notification officielle de reconduction » dans leur mission, suspendue du fait du recours de Me Jérôme Triomphe et de Me Jean Paillot. Ils se sont réunis vendredi soir, il y a huit jours exactement, pour constater (et cela ne manque pas de sel) qu’ils « n’ont aucun moyen de mettre de l’ordre dans cette procédure d’expertise et d’affirmer une autorité qui mettrait au pas ceux qui manient opprobre et dénigrement ou fausses vérités » : une phrase que la presse a abondamment citée. Ils estiment ne pas avoir « l’autorité suffisante pour mener à bien l’expertise » qui leur a été confiée, et font part au président du tribunal de Châlons-en-Champagne de leur désistement, notamment en raison de la « confusion » et des « interprétations divergentes des textes de loi » dans cette affaire qui semble les avoir laissés bouche bée. « Qui croire ? Qui dit la vérité ? », écrivent-ils.
 
Mais, quoi qu’il en soit de leur dépit, les experts désistés font part de quelques conseils au tribunal administratif, affirmant que celui-ci « devrait, pour mener à bien cette expertise, constituer un collège d’experts faisant preuve d’une autorité tout à fait non contestable ». Et de citer Didier Sicard, ancien président du Comité national d’éthique, ainsi que le Pr Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, spécialiste de la question de la mort par sédation profonde à laquelle il a consacré un livre. C’est une première réponse à ce que demandent depuis longtemps les proches de Vincent Lambert, puisqu’elle tient compte de la question de l’euthanasie qui se pose à propos de la procédure de fin de vie que le Dr Sanchez du CHU de Reims veut lui appliquer.
 

Le tribunal administratif invité à faire faire l’expertise par des spécialistes de la prise en charge des cérébrolésés

 
Mieux, les experts désistés ajoutent : « A ces personnalités devrait être associé obligatoirement un ou deux médecins spécialisés en EVC/EPR (…) », c’est-à-dire en états végétatif chronique et des états pauci-relationnels, ce qui répond à la demande constante de ceux qui contestent la mise à mort de Vincent Lambert à la suite de diagnostics et d’évaluations portées par des médecins qui ne sont pas habitués ni formés à soigner, accompagner, stimuler des patients dans son état.
 
Mieux encore, leur lettre précise : « Un de ces médecins pourrait accueillir Monsieur Vincent Lambert dans son service pour cette évaluation qui se doit d’être itérative, soit réalisée en terrain neutre. » Surtout, donc, sur une certaine durée. C’est là encore une réponse à une demande constante visant à faire examiner Vincent Lambert dans un environnement qui ne soit pas celui de sa « prison » du CHU de Reims, où il est maintenu sous clef dans une chambre dont il ne sort jamais, constamment allongé, et sans bénéficier des traitements pour patients EVC/EPR qui leur sont habituellement donnés dans des unités spécialisées.
 
Lors de l’audience de demande de récusation des experts, Me Jérôme Triomphe avait souligné combien une expertise réalisée en un seul jour – elle était fixée au 26 mai avant que la procédure en récusation ne la suspende – en l’absence de tout spécialiste des états pauci-relationnels serait insuffisante pour évaluer les éventuels progrès faits par Vincent Lambert depuis la dernière expertise en 2014, puisque c’est sur cela que porte la demande faite par le tribunal administratif. Les patients dans cet état ont des hauts et des bas, et il est impossible de formuler un diagnostic sérieux sans les voir dans la durée.
 

Les experts désistés recommandent que Vincent Lambert soit évalué dans un service spécialisé

 
Le transfert de Vincent Lambert dans un service spécialisé pour la durée de l’expertise constituerait une étape majeure. Comme l’a souligné Jérôme Triomphe dans un entretien donné au mensuel Reconquête : un médecin responsable d’un tel service lui décrivait il y a peu le cas d’un patient entré dans son service pour évaluation sur trois semaines. « Le deuxième jour, au test CRS-R, l’échelle mondiale permettant d’évaluer l’état de conscience de ces patients, il était à 2 sur 23 : à la fin du séjour, après avoir été pris en charge, il était à 20 sur 23. 2 sur 23, c’est un état végétatif, 20 sur 23, c’est un état pauci-relationnel. Tous nous disent qu’aucun patient diagnostiqué végétatif – avec 41 % d’erreur de diagnostics “végétatifs” qui n’en sont pas – arrivant dans un tel service spécialisé ne reste végétatif lorsqu’il en sort.. »
 
Les experts qui viennent de se désister n’ont pas évoqué ce fait mais en invitant ainsi le tribunal à faire tenir l’expertise dans de meilleures conditions, ils montrent combien le premier cadre d’expertise était défaillant. Ils ont recommandé au tribunal de désigner en outre un médecin expert qui « serait garant du respect de la procédure d’expertise ».
 
« A situation très exceptionnelle, un collège d’experts exceptionnels s’impose », conclut la lettre de désistement : « Cette façon de procéder nous paraît la seule qui puisse permettre que l’expertise qui sera menée, ne soit pas ridiculisé, foulé aux pieds et qu’elle fasse au final qu’aggraver une situation déjà par trop compliqué et conflictuel et mettre aussi possiblement en difficulté le Tribunal Administratif. »
 
L’affaire Vincent Lambert n’est pas terminée.
 

Jeanne Smits