Une pierre dans le jardin de Donald Trump : c’est ainsi que les médias présentent la nomination par le pape François du nouvel archevêque de Washington D.C., le cardinal Robert McElroy, élevé à la pourpre par le même François en août 2022. L’ascension rapide du prélat américain à l’un des postes clefs de la hiérarchie catholique aux Etats-Unis s’explique en effet sans doute pour partie par son hostilité affichée au président-élu et à sa politique. D’ailleurs l’une de ses premières déclarations publiques depuis la publication de la nouvelle le voit souhaiter du « succès » à la nouvelle administration Trump mais assurer qu’il l’aura à l’œil, notamment en ce qui concerne le traitement des immigrés clandestins.
« L’Eglise catholique enseigne qu’un pays a le droit de contrôler ses frontières. Et le désir de notre pays de faire cela relève d’un effort légitime », a déclaré le nouvel archevêque peu après avoir été présenté au cours d’une conférence de presse à la suite de sa nomination à effet immédiat : « En même temps, nous sommes appelés à avoir toujours le sens de la dignité de chaque personne humaine. Ainsi, les plans évoqués à certains niveaux consistant à organiser une plus large déportation massive indiscriminée à travers le pays seraient incompatibles avec la doctrine catholique. Il faudra donc attendre de voir ce qui sera effectivement fait par l’administration », a-t-il averti. En 2021, il réclamait la régularisation d’au moins certains des 11 millions d’immigrés sans papiers aux Etats-Unis.
Le cardinal McElroy était attendu à Washington par les progressistes
A 70 ans, le cardinal McElroy prend la tête d’un d’archidiocèse assez modeste par la taille, puisqu’il ne compte qu’environ 667.000 catholiques résidant dans la capitale fédérale ou l’un des cinq comtés du sud du Maryland qui lui sont attachés, mais de première importance sur le plan politique et national. Réputé progressiste et content de se présenter comme tel, proche du pape François, il a tenu à afficher la question écologique comme étant au premier rang de ses préoccupations. Félicité pour avoir imposé les panneaux solaires dans le diocèse de San Diego qu’il quitte, McElroy assure avoir justement tout appris sur le sujet de l’archidiocèse de Washington qui avait déjà mis en œuvre une telle démarche.
« Je crois que l’un des grands défis pour l’Eglise dans le monde à cette heure est celui du soin de notre maison sur cette Terre, de la planète, alors que celle-ci est victime de tant d’abus », a-t-il déclaré.
Il remplace le cardinal Wilton Gregory, 77 ans, qui a succédé en 2019 au cardinal Donald Wuerl, lui-même parti en disgrâce après sa gestion désastreuse des affaires de mœurs de son prédécesseur immédiat à Washington D.C., Theodore McCarrick, réduit depuis à l’état laïque. Gregory, moins flamboyant, a travaillé au rétablissement de l’ordre selon la publication conservatrice New Catholic Register, mais les retombées financières des crises demeurent encore dans l’archidiocèse.
Le témoignage de Mgr Viganò au sujet du cardinal McElroy
Mgr Carlo-Maria Viganò, dans son premier témoignage-testament au sujet de scandales au sommet de l’Eglise, publié en 2018 (bien avant qu’il ne se déclare sédévacantiste et soit excommunié), assurait que de nombreux cardinaux et prélats avaient participé aux manœuvres d’occultation des prédations sexuelles de McCarrick sur de jeunes hommes. Il accusait aussi le cardinal désormais déchu, alors conseiller apprécié du pape François, d’avoir « orchestré » les nominations de Cupich à Chicaho et de Joseph Tobin à Newark, alors qu’elles ne figuraient en rien parmi les choix du cardinal Christophe Pierre. De même, Viganò assurait que la nomination de McElroy avait été décidée « d’en haut », court-circuitant le nonce.
Selon le Pillar Catholic, Wuerl lui-même s’est rendu à Rome en 2023 pour faire la promotion de McElroy qui n’avait pas vraiment le soutien du nonce apostolique aux USA, le cardinal Christophe Pierre. Précédemment, le très progressiste cardinal Blase Cupich, fort du pouvoir que lui donne son appartenance au Dicastère pour les évêques, avait milité – toujours selon le Pillar – pour que McElroy soit promu au siège de l’archidiocèse de Boston.
Une nouvelle tentative de mise en avant du cardinal McElroy auprès de François – réussie, alors – est réputée avoir eu lieu en octobre dernier, malgré l’effet négatif que de telles pressions peuvent théoriquement avoir sur le pape régnant. L’intéressé a été reçu en audience privée par ce dernier en octobre dernier, en plein synode sur la synodalité, avec le cardinal Cupich (ils faisaient tous deux partie des participants au synode personnellement nommés par le pape) et le cardinal membre du conseil ordinaire du synode Joseph Tobin, celui-ci étant également connu pour son progressisme. Le cardinal Gregory se trouvait alors à Rome lui aussi mais n’était pas été invité à la réunion, ni même averti de sa tenue. Donald Wuerl devait de nouveau être reçu par le pape François en tête à tête quelques semaines plus tard.
McElroy partage largement la pensée du pape François
McElroy a souvent dénoncé la « priorisation » de la question de l’avortement alors qu’il juge la question de la peine de mort et celle du traitement réservé aux migrants ainsi que les questions environnementales tout aussi importantes, voire davantage : il fait partie des cardinaux « avancés » qui dénoncent le refus de la communion aux responsables politiques qui font la promotion de la légalité de l’avortement, accusant cette pratique d’instrumentalisation politique de l’Eucharistie. McElroy dénonce d’ailleurs ce qu’il appelle la « théologie de l’indignité » qui induit selon lui une focalisation sur la « discipline ».
Mais il va encore beaucoup plus loin, puisqu’il est favorable au diaconat des femmes en tant que « renouvellement de paradigme » et soutient ouvertement l’« inclusion » des catholiques qui se revendiquent « LGBT ». Le docteur en théologie morale qu’il est devenu après ses études à la Grégorienne à Rome révèle ainsi soit son rejet de ce qu’il a reçu, soit le manque de substance de ce qui lui a été appris dans les plus hautes sphères universitaires de l’Eglise. Il est vrai qu’on le présente comme le cardinal américain le plus « aligné » sur la pensée du pape François.
L’élection de Trump a pu favoriser la nomination de McElroy…
Tout cela se retrouve dans ce qu’il préconise au sujet de la réception de l’Eucharistie : McElroy est favorable à l’accès à la communion des divorcés « remariés » et pour les homosexuels ouvertement « actifs », d’autant qu’il juge les termes employés à l’activité homosexuelle par le Catéchisme de l’Eglise catholique comme « très destructeurs ». Le cardinal est ainsi contre la qualification de ces actes d’« intrinsèquement désordonnés ». Sans surprise, il fait partie des soutiens du père jésuite pro-LGBT James Martin et il a même laissé entendre que les « mariages de même sexe » peuvent « enrichir » la vie de ceux qui s’y engagent.
Il partage cet esprit d’« inclusion » des homosexuels avec le cardinal Tobin et avec le cardinal Cupich.
L’enjeu de la nomination de McElroy, visiblement désirée depuis bien des années par les cardinaux et prélats les plus « gay-friendly » aux Etats-Unis, est de taille. D’aucuns murmurent qu’il sera la voix de François, devançant de fait dans ce rôle le nonce qui le représente officiellement. Sa voix n’est certes pas nouvelle, mais elle pèsera plus lourd.