Daniel Buren obtient le démantèlement d’une installation de « street art » au Palais-Royal

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Derrière les fameuses colonnes maçonniques de Buren, verrues de tailles diverses ornées de pans verticaux noirs et blancs dans la cour d’honneur sans doute trop classique du Palais-Royal à Paris, le ministère de la culture a prétendu améliorer la scène en autorisant un autre artiste de faire une installation de street art – cet « art de rue » qui s’exerce en effet dans la rue, mais sans trop d’art. Véritable défi aux traits verticaux affectionnés par Daniel Buren, elle s’exprimait par la décoration en noir et blanc des vraies colonnes entourant la cour par des traits, noirs et blancs, eux aussi, mais horizontaux. Horreur, sacrilège, provocation ! Rassurez-vous, on a procédé à son démantèlement.
 
Le ministère de la culture s’est incliné devant l’indignation de « l’artiste » originel. Buren s’était en effet fendu d’une lettre – on suppose qu’elle était recommandée – aux services de Mme Françoise Nyssen, pour demander « au nom du droit moral, à ce que l’œuvre soit retirée » parce qu’il n’avait pas été prévenu de cette atteinte sans nom à son honneur d’artiste.
 
Voilà les services de l’Etat pris entre deux feux, celui du décorateur bien installé de la cour du Palais-Royal, et celui de cet autre génie qu’est Le Module de Zeer (oui, c’est ainsi qu’il s’appelle) dont l’installation lui faisait de l’ombre. Ou de la lumière, allez savoir.
 

Daniel Buren a fait procéder au démantèlement d’une installation du Module de Zeer

 
La toile imprimée dont il avait recouvert sept colonnes était censée, dans le cadre d’une exposition organisée par le ministère de la culture, mettre en valeur l’art urbain ; elle était intitulée A l’échelle de la ville. Elle a été décrochée dès le 18 mai. L’histoire ne dit pas combien tout cela a coûté, en termes de rémunération du Module de Zeer, de frais d’accrochage et de décrochage, et d’éventuels dédommagements de Buren, à supposer que celui-ci en ait réclamé.
 
Disons que le ministère s’est mépris sur la valeur et l’opportunité de l’installation des rayures horizontales du Module de Zeer qui étaient pourtant conçues pour ouvrir un « dialogue » avec les rayures verticales des colonnes de Buren. Dans ce monde-là, Monsieur, on ne se parle pas. Quand on est vertical, on ne s’abaisse pas à l’horizontalité, surtout si elle vous domine.
 
Le ministère de la culture, lui, a préféré l’aplatissement. Il a reconnu ne pas avoir fait la demande préalable qui s’imposait auprès de l’artiste premier. Le commissaire de l’exposition A l’échelle de la ville, Jean Faucheur, a regretté une situation « très blessante » pour Buren : « C’est vraiment dommage, c’est un scandale qui aurait pu être évité dès le départ » – tels sont les termes de son autocritique.
 

Au Palais-Royal, le street art ne passe pas : le monopole des colonnes de Buren

 
Jamais aucun fonctionnaire du ministère de la culture d’Etat ne s’est ainsi couché lorsque des installations d’art contemporain ont porté atteinte aux œuvres architecturales d’artistes passés – ceux qui ont créé les jardins de Versailles, par exemple, ou construit le Louvre, ou conçu la place Vendôme. Il y a œuvre et œuvre ! Et les morts ne réclament pas de sous…
 
Voici donc celle de Buren restituée dans son éclat d’origine, sans la concurrence d’autres tireurs de traits aux intérêts perpendiculaires aux siens. Notez qu’on a dépensé 5,2 millions d’euros il n’y a pas si longtemps pour les « restaurer ». Dans l’art contemporain les additions sont souvent à rallonge.
 

Jeanne Smits