Pour défendre le pape François, Mgr Victor Manuel “Tucho” Fernandez s’en prend vertement à Mgr Carlo Maria Viganò

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L’actuel archevêque de La Plata, en Argentine, auteur du célèbre livre sur le baiser, Guéris-moi avec ta bouche, vient d’accorder un entretien la plate-forme d’informations religieuses hispanophones Religión Digital où il s’en prend avec une grande violence verbale à Mgr Carlo Maria Viganò, l’homme qui a levé le voile sur la protection du prédateur homosexuel Theodore McCarrick, ex-cardinal, par le pape François. Pour défendre ce dernier, Mgr Victor Manuel Fernandez accuse l’ancien nonce apostolique à Washington d’avoir simplement recherché la notoriété : une nouvelle attaque ad hominem qui refuse de répondre sur le fond, pourtant gravissime, du témoignage de Mgr Viganò.
 
« Tucho » Fernandez est connu pour sa proximité d’amitié avec le pape François, proximité qui est aussi idéologique puisque des passages entiers d’Amoris laetitia – ceux prônant une nouvelle approche des divorcés « remariés » dans l’Eglise avec notamment la possibilité pour certains d’entre eux de communier – se trouvent en substance dans les écrits de cet ancien responsable de l’Université catholique d’Argentine. Fernandez jouit de l’appellation de « théologien personnel » du pape. On se souviendra aussi du fait qu’à La Plata, “Tucho” a pris la suite de l’évêque conservateur Hector Aguer qui a été contraint par la volonté du pape François non seulement de quitter son siège épiscopal mais de disparaître du diocèse dans les huit jours, sans même pouvoir se retirer comme il l’avait prévu dans l’ancien petit séminaire de la ville. Il n’avait même pas le droit de dormir à l’archevêché en attendant ce véritable exil.
 

“Tucho” Fernandez présente Carlo Maria Viganò comme un mégalomane

 
On peut raisonnablement dire que Mgr Victor Manuel Fernandez est la voix de son maître dans cet entretien, d’autant que son premier propos rapporté par Religión Digital porte sur sa très récente rencontre avec François à Rome : « Je l’ai vu fort, avec une grosse envie de travailler. »
 
Et d’expliquer le silence de Bergoglio face au rapport Viganò. « Il a toujours soutenu qu’il ne convient pas de se défendre face aux les personnes qui recherchent un rôle de vedette, parce que cela revient à leur donner ce qu’ils recherchent et à alimenter toujours davantage leur mégalomanie. Je suppose que dans ce cas précis il applique ce critère », a-t-il répondu à une question à ce sujet.
 
« Mégalomanie », le douloureux témoignage de Carlo Maria Viganò ? Pour le coup, chacun peut suivre le conseil adressé par le pape François aux journalistes (et curieusement, à eux seulement, apparemment dans l’objectif réussi d’obtenir un quasi black-out au niveau mondial) de lire le rapport et de se faire sa propre idée.
 

Mgr Victor Manuel “Tucho” Fernandez, un très proche du pape François

 
Dans son entretien, Mgr Fernandez – à tu et à toi avec le journaliste ex-prêtre, José Manuel Vidal – explique qu’alors que lui a toujours appris à mettre au premier rang « le Peuple de Dieu », il voit en Viganò un « homme consacré qui donne la priorité à ses intérêts idéologiques – bien connus – par rapport au bien des gens qui se retrouvent dans la confusion et la désespérance ». « Le pape François, au terme du procès correspondant, a appliqué au cardinal agresseur les plus fortes sanctions, et c’est la seule chose que nous sachions avec certitude », ose-t-il. Le procès portait sur des agressions sur mineur, mais l’inconduite sexuelle reprochée au cardinal concerne avant tout du harcèlement, des attouchements sur des jeunes hommes adultes, séminaristes ou prêtres – « affaires privées », comme l’assure le cardinal Oscar Maradiaga. Mais connues depuis l’an 2000, et insupportables de la part d’un prêtre s’étant engagé à la chasteté, d’un cardinal ayant autorité, d’un agresseur homosexuel systématique qui à ce titre a fait un grand tort au bien commun de l’Eglise.
 
José Manuel Vidal pose la question : « Ont-ils voulu utiliser la plaie des abus sexuels pour saper l’autorité du pape ? »
 
Reponse de Mgr Fernandez : « Ce nonce à la mentalité très conservatrice, l’un des grands ennemis des “ouvertures” de François, devrait se rappeler que les cas plus graves d’abus sont le fait de fondateurs de congrégations de style très conservateur (il n’est pas nécessaire de les nommer, mais je me rappelle au moins cinq cas très graves en Amérique latine). Je crois que ce monsieur poursuit un double objectif : discréditer François à l’aide d’un thème très médiatique (jamais la presse mondiale n’a autant cité les blocs conservateurs catholiques que dans ce cas précis). Et deuxièmement, échapper à la menace de sanctions en essayant de faire croire qu’il n’a aucune responsabilité dans les lenteurs face aux abus commis dans le pays où il était nonce. »
 

Défendre le pape François en présentant Carlo Maria Viganò comme un retraité aigri

 
Celle-là, on ne l’avait pas encore entendue : voici Viganò, qui explique longuement comment il a agi, averti, tenu François au courant dès le début de son pontificat avant de constater avec surprise que McCarrick retrouver un rôle de première notamment pour la nomination des cardinaux américains, accusé de chercher à échapper à la justice. C’est au moins, en creux, une manière de confirmer que des sanctions judiciaires sont parfaitement envisageables dans ces dossiers.
 
S’agit-il des agissements d’un « simple pion aux mains des pontes rigoristes », demande alors l’intervieweur. « C’est un cas de plus où l’on constate que diverses personnes dans ces secteurs oublient une partie de la loi de Dieu et tombent dans le même relativisme ou dans la morale de situation qu’elles critiquent. Ces gens pensent que leur supposée défense de la doctrine traditionnelle les autorise à porter de faux témoignages et à mentir. Pour eux, la calomnie et la diffamation sont licites. Il leur suffirait pourtant de simplement relire la Bible pour se rappeler la gravité de ces choses », répond l’archevêque. Ce n’est évidemment pas une réponse à la question, c’est une simple présomption de mauvaise foi que rien ne vient étayer.
 
Sont-ils nombreux, les « rigoristes politiques et religieux, spécialement américains » qui se sont réunis en vue de cette attaque contre le pape ? Là encore, la réponse est caractéristique : « Nous ne le savons pas. Mais je ne crois pas que beaucoup de gens arrivent à ce niveau de cynisme. Je préfère penser du bien d’autrui. Je crois plutôt qu’il s’agit de quelqu’un qui avait besoin d’une minute de fausse gloire et qui ne se résignait pas au profil bas du retraité, avec l’aide de quelques blogs supposément catholiques et d’une presse qui n’a pas su percevoir qu’il s’agissait d’une source très partiale, et qui a réussi à passer quelques jours pour un martyr de la vérité. Quand il pourra voir le mal qu’il a fait à des cœurs simples, peut-être souffrira-t-il beaucoup. »
 

Mgr “Tucho” Fernandez ne démontre rien

 
Mgr Fernandez récuse également l’idée que l’affaire révèle « d’énormes luttes pour le pouvoir » à la Curie.
 
« Je ne le crois pas. Il me semble qu’à la Curie il y a eu des efforts pour se rapprocher de François, même si cela ne fait pas toujours preuve de cohérence et de résultats tangibles. Ces jours-ci j’étais à Rome, et j’ai plutôt perçu beaucoup de douleur. Personne n’imagine comment il est possible qu’une personne nommée nonce dans un pays important puisse avoir un tel comportement propre à l’adolescence », a-t-il déclaré.
 
Et d’ajouter que selon lui, Viganò cherche à « détruire » les réformes que le pape essaye de mettre en place de manière prudente pour « retenir chacun et éviter les ruptures ». Il va même jusqu’à dire que dans cette affaire, il ne pense pas que le pape prendra « quelque mesure disciplinaire contre l’accusateur » évoqué par l’intervieweur : « Il suffit de voir que ces dernières années, il a prononcé très, très peu de sanctions. Il l’a fait pour Vatileaks, parce que cela affectait Benoît XVI, mais ce serait bizarre qu’il le fasse quand une attaque le vise, lui. »
 

La mansuétude à sens unique du pape François

 
Très peu de sanctions ? Certes, le pape s’est montré d’une grande mansuétude à l’égard de personnes soupçonnées ou convaincues d’inconduite homosexuelle, comme l’homosexuel notoire Mgr Ricca gratifié par lui d’un poste à la Banque vaticane, mais pour ce qui est de communautés proches du traditionalisme, du cardinal Burke, ou du cardinal Müller et ses trois collaborateurs très rigoureux à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, c’est une autre histoire…
 
L’entretien s’achève sur un appel de Mgr Fernandez à la « désactivation des foyers de haine et de vengeance qui s’installent au sein de l’Eglise ».
 
Il n’est pas sans intérêt de noter que le responsable de Religion Digital – un site qui se revendique comme la plates-forme d’informations religieuses sur le Net hispanophone la plus lue – José Manuel Vidal donc, prêtre défroqué, faisait parti de ceux qui avaient mené les attaques contre le cardinal Ratzinger puis contre Benoît XVI à qui il reprochait la rigueur doctrinale et les actes défavorables à la théologie de la libération.
 

Jeanne Smits