Des faux bureaux de vote en Allemagne pour relancer l’idée du droit de vote des étrangers

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Une nouvelle fois, les étrangers vivant en Allemagne rongent leur frein de ne pouvoir voter, nous dit-on… Parlons plutôt de la gauche qui voudrait leur vote ! Et qui a installé, pour faire progresser l’idée, à l’approche des élections législatives de dimanche, de faux bureaux de vote dans le centre même de Berlin. Une parade symbolique, mais avec de vrais bulletins et de vraies signatures…
 
Certes, le thuriféraire du droit de vote des étrangers, à savoir Martin Schulz, ancien président européen et président du Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD), ne risque pas de l’emporter au Bundestag face à Angela Merkel. Mais on en parle et on en reparle, malgré l’effet négatif de la crise migratoire.
 

« Une expression de l’égalité sociale et politique »

 
Le 24 septembre, près de huit millions d’étrangers en Allemagne ne voteront pas pour élire le parlement national de leur pays d’accueil et certains ne trouvent pas ça normal. Selon The Local, une vingtaine de bureaux de vote ont été installés la semaine dernière au centre de la capitale, mais aussi à Fribourg, à Coblence, pour inviter les citoyens non allemands à glisser un bulletin de vote symbolique – les « résultats » doivent être annoncés demain, mercredi.
 
« Je vis ici, je vote ici », est le nom de cette nouvelle campagne lancée par le Bezirksamt Mitte de Berlin (le bureau du district) en collaboration avec « Demokratie in der Mitte », une organisation basée dans certains quartiers de la ville.
Le journal évoque cette jeune Polonaise, Ania Seroka, vivant en Allemagne depuis dix ans ou encore ce vieux Turc arrivé à Berlin il y a trente ans… Pour la conseillère de district qui a lancé la campagne, il faut une vraie « réflexion » sur le sujet, surtout dans ces périodes de migration – elle note que dans le quartier central de Mitte à Berlin, plus des deux tiers des résidents sont issus de l’immigration.
 
L’initiative à Berlin est soutenue par Wir Wählen (We Choose), un réseau national de représentants et d’organisations lancé récemment pour promouvoir la participation politique et un droit égal à voter aux élections nationales du pays…
 

Le SPD de Martin Schulz soutient le droit de vote des étrangers

 
L’Allemagne ne fait pas partie de ces pays européens qui, comme la Suède, le Danemark ou encore la Hongrie, accordent le droit de vote aux étrangers si ces derniers résident continuellement depuis plusieurs années dans le pays. Bien que le droit de vote local relève de la compétence des Länder, la Constitution allemande interdit un tel élargissement du corps électoral.
 
Mais l’idée est bien soutenue, et depuis longtemps, par le parti social-démocrate (SPD) qui a déjà fait des propositions en ce sens, et les Verts : en février 2017, un sondage de l’institut « Civey » pour Die Welt montrait que 63,7 % des partisans du SPD voulaient un changement dans le droit de vote en faveur des citoyens non membres de l’UE, ainsi que 64,8 % des Verts. Alors que globalement, 57,2 % des votants étaient opposés à ce droit de vote des étrangers non communautaires
 
La perspective n’est, de fait, pas très gagnante dans le climat migratoire actuel… Et elle n’a sûrement pas été étrangère à la chute progressive du parti de gauche dirigé par Martin Schulz, en lice contre l’Union chrétienne-démocrate de Merkel – il ne rassemble plus que 20 % des intentions de vote. Lors du seul débat télévisé de la campagne, le 3 septembre, la chancelière l’a d’ailleurs emporté sur les questions d’immigration, face à un Martin Schulz qui finalement revenait un peu sur ses grandes idées progressistes… Même si elle n’est créditée que de 36 % d’intentions de vote (le niveau le plus bas depuis 1998 pour l’Union chrétienne démocrate), elle reste en tête, les Allemands préférant encore cette stabilité, entre autres sur ce sujet.
 

L’inclusion dans le processus politique… en Allemagne et ailleurs

 
L’inclusion des étrangers « dans le processus politique » est évidemment idéologique. Martin Schulz lui-même a d’ailleurs reçu en janvier la « Médaille européenne de la Tolérance » de 2016 pour sa position contre le nationalisme et le populisme répandant à travers le continent… Le vote des étrangers serait un bélier politique en la matière.
 
Il est aussi pragmatique : le droit de vote des étrangers, donnerait des bulletins par exemple, à toute la communauté turque vivant en Allemagne et cumulant les trois millions de membres. Or 69,8 % des Turcs qui vivent en Allemagne sympathisent avec le SPD, pouvait-on lire en avril dans le Tagesspiegel.
 
Même si cette campagne est encore perdante, elle existe et elle se renforce – une revue tirée à 5.000 exemplaires et écrite en anglais, Nansen, a été créée pour célébrer ces nombreux Allemands d’adoption « à qui on refuse le droit de vote » et leur donner la parole qu’ils n’ont pas dans le circuit officiel…
C’est quelque chose qui passera – à terme.
 

Clémentine Jallais