Guérir le stress post-traumatique par l’effacement des souvenirs

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La manipulation du cerveau humain devient une réalité de plus en plus proche. Des chercheurs de l’université de Toronto estiment qu’il sera bientôt possible d’effacer des souvenirs par voie médicamenteuse. Ils ont découvert que certains souvenirs spécifiques sont encodés dans quelques cellules du cerveau qu’il serait donc possible de désactiver, chose souhaitable par exemple dans le cas de soldats souffrant de stress post-traumatique. L’effacement des souvenirs, dans leur esprit, ne viserait que la mémoire d’événements tellement traumatisants qu’ils peuvent provoquer de graves maladies mentales. Mais la technique soulève des questions éthiques et ouvre la porte à des possibilités inquiétantes.
 
Le stress post-traumatique frappe plusieurs centaines de soldats par an lors de leur retour d’Irak ou d’Afghanistan. Mais il ne concerne pas seulement les militaires : de nombreuses victimes souffrent de souvenirs insupportables liés à un accident passé, à des violences subies à l’enfance et d’autres événements terrifiants qui les laissent sujets aux flash-backs, aux troubles du sommeil, voire au comportement paranoïaque.
 

L’effacement des souvenirs : un nouveau pouvoir de l’homme sur l’homme

 
Les chercheurs de Toronto ont démontré qu’il est possible de désactiver certains souvenirs chez les souris en agissant directement sur des neurones liés à des événements traumatisants. Les souvenirs, conservés dans un petit réseau de cellules appelées engramme, activent un très petit nombre de neurones qui ont pour spécificité de se mobiliser lors d’un événement effrayant et qui sont alors « recrutés » afin d’encoder le souvenir de la peur ou de la menace. Ces souvenirs resurgissent régulièrement, troublant la vie quotidienne des victimes.
 
Selon le Dr Sheena Josselyn, du département de la physiologie de l’université de Toronto, il pourrait être un jour possible de désactiver précisément ces cellules : « Notre objectif serait de trouver une solution pharmacologique afin de cibler et de désactiver ces neurones uniquement, un peu à la manière d’une molécule-missile guidée par la chaleur. »
 
Chez les souris, la désactivation s’est faite par voie d’opération chirurgicale en prélevant l’engramme lui-même.
 

Guérir du stress post-traumatique en « oubliant sa cause »

 
Le Dr Josselyn reconnaît les abus potentiels et les risques importants d’une technique de désactivation des souvenirs des êtres humains. D’une part, elle pourrait être réclamée par des personnes désireuses d’effacer le souvenir d’une rupture douloureuse ou d’une expérience qu’elles préféreraient oublier. « Nous apprenons tous de nos erreurs. Si nous effaçons le souvenir de nos erreurs, qu’est-ce qui nous empêchera de les reproduire ? Il y a des implications et des considérations éthiques très importantes. Ce n’est pas parce qu’une chose est possible il faut la mettre en œuvre :, souligne-t-elle, affirmant que cette étude ne fait que prouver la possibilité d’un effacement des souvenirs : « Notre société se doit de développer une politique éthique à propos de l’utilisation de cette technique. »
 
L’effacement des souvenirs se fait de façon naturelle, mais qu’en est-il de leur suppression délibérée et des émotions qui ont accompagné l’événement ? Selon le professeur Sir Simon Wessely, président du Collège royal des psychiatres britanniques, le stress post-traumatique sur les théâtres d’opérations est lié notamment aux transgressions, soit que le soldat ait été témoin d’une atrocité, soit qu’il l’ait commise. « Même si l’effacement de ses souvenirs était possible, des questions éthiques et morales se posent à propos du fait de savoir s’il est juste d’y avoir recours. Pour ma part je pense que non », a-t-il dit.
 
Une autre application de la technique consisterait à traiter les problèmes d’addiction en éliminant le souvenir du plaisir lié à la première consommation de produits addictifs.
 
Mais s’il est possible d’effacer les « mauvais : souvenirs, c’est qu’il est également possible d’éliminer les bons et de remodeler le comportement d’un individu…
 

Anne Dolhein